Un des 28 candidats à la présidentielle du 28 juillet au Mali, Tiébilé Dramé, artisan d’un accord de paix entre Bamako et la rébellion touareg, a annoncé mercredi son retrait du
scrutin et a vivement critiqué la France qui ne respecte pas "la dignité" de
son pays.
"J’ai décidé de retirer ma candidature pour l’élection du 28 juillet, parce que les conditions d’une élection régulière ne sont pas réunies", a déclaré M. Dramé, lors d’une conférence de presse à Bamako.
Il a mis en avant le cas de la ville de Kidal, à 1.500 km au nord-est de Bamako, fief des Touareg et de leur rébellion, où, selon lui, "les conditions de tenue de ce scrutin sont loin d’être réunies".
"La loi électorale a été violée" à Kidal, car "à la date du 25 juin, il n’y avait pas de liste électorale" dans la ville, comme ce devrait être le cas "conformément à la loi", a-t-il ajouté.
Selon Tiébilé Dramé, ancien ministre et chef du Parti de la renaissance nationale (Parena), "vouloir maintenir la date du 28 juillet, c’est priver de nombreux Maliens de leur droit" de vote.
M. Dramé avait officiellement demandé le 8 juillet à la Cour constitutionnelle un report du scrutin, faisant valoir en particulier l’impréparation du vote à Kidal, mais la Cour ne s’est pas encore prononcée, à onze jours du premier tour.
"Nous avons saisi la Cour en espérant qu’elle se prononcerait. Puisqu’elle ne s’est pas prononcée, je retire ma requête et je retire maintenant ma candidature", a-t-il annoncé, ajoutant cependant: "Je ne ferai rien pour entraver le processus des élections".
M. Dramé s’est montré très critique à l’égard de certains dirigeants français, dont le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui ont exercé une forte pression pour que la présidentielle ait lieu en juillet en dépit des inquiétudes exprimées à Bamako sur les risques que cette précipitation n’aboutisse à une élection au résultat contesté.
"Je constate que Fabius est devenu le directeur des élections au Mali", a affirmé Tiébilé Dramé, regrettant que "certains responsables français accumulent les maladresses". "Je pense qu’on peut aider un pays sans s’immiscer dans ses affaires", a-t-il estimé. "Nous sommes reconnaissants à la France pour ce qu’elle a fait pour nous, mais on peut aider un pays à se libérer sans toucher à sa dignité".
La France est intervenue militairement dès le 11 janvier au Mali aux côtés de l’armée malienne et d’autres armées africaines pour libérer le nord du pays qui avait été occupé en 2012 par des groupes islamistes armés et criminels liés à Al-Qaïda, intervention qui se poursuit.
La ville de Kidal était occupée depuis février par les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), jusqu’à leur cantonnement qui s’est fait en parallèle à l’arrivée le 5 juillet de quelque 150 soldats maliens, conformément à un accord de paix signé le 18 juin à Ouagadougou et dont M. Dramé a été l’artisan au nom du gouvernement malien de transition.
L’arrivée des soldats maliens dans la ville, où le gouverneur se trouve depuis lundi pour préparer la présidentielle, a provoqué des tensions entre partisans et opposants à la présence de l’armée.
A propos du gouverneur, le colonel Adama Kamissoko, M. Dramé a estimé qu’il
était revenu "organiser à la hâte, en quelques heures sur place, la révision de la liste electorale", mais "aujourd’hui le retour de l’administration à Kidal est loin d’être effectif".
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a estimé lundi à Paris que même si l’élection présidentielle était "imparfaite", ses résultats devraient "être respectés".
Le président malien de transition, Dioncounda Traoré, avait quelques jours auparavant reconnu lui aussi que cette élection ne serait pas "parfaite, encore moins dans un pays en sortie de crise".