En saisissant formellement l’Assemblée nationale d’une demande formelle, afin qu’elle procède à toutes les investigations nécessaires et urgentes pour répondre à des questions relatives à la situation des hélicos cloués au sol, des super Tucanos livrés sans équipements de combat appropriés et non livrés, Soumaïla CISSE est dans son beau rôle. Mais, dans son approche, il s’égare. Pourquoi sa démarche parlementaire ne prospérera pas ?
Après 6 ans de gouvernance tumultueuse, le bateau Mali piloté par le capitaine IBK, tangue dangereusement au gré des scandales au grand dam des Maliens ; des scandales aussi retentissants les uns que les autres. Le constat est affligeant : depuis 2013, le Mali se noie et se fourvoie dans les scandales, dont les circonstances n’ont jamais été élucidées.
Ainsi, dans le marigot malien, la très gênante affaire des deux hélicoptères Puma ‘’cloués au sol faute de maintenance appropriée’’ ou celle des Super Tucanos qu’on tente subrepticement d’étouffer, est loin d’être une exception en ce qu’elle connaîtra très probablement la même suite que les précédentes affaires, à savoir ‘’sans suite’’. Certains arguments plaident en faveur d’un manque de volonté réelle d’aller au bout dans la lutte contre la corruption, la délinquance financière, les malversations ou traduisent tout simplement une ignorance du Chef de file de l’Opposition des dispositions du règlement intérieur de l’Assemblée.
Le règlement intérieur de l’Assemblée
Selon l’article 90 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Mali, 5e législature, 2014-2018, toujours en vigueur : ‘’des commissions spéciales d’enquête peuvent être éventuellement créées au sein de l’Assemblée nationale.
Elles sont formées pour recueillir des éléments d’informations sur des faits déterminés et soumettre leurs conclusions à l’Assemblée nationale. Jusqu’à leur examen en séance plénière, les rapports des commissions spéciales revêtent un caractère secret dont la violation est sanctionnée conformément à la législation en vigueur.
Les résolutions adoptées par l’Assemblée nationale au cours des débats sur les rapports et conclusions de ces commissions sont adressées au Gouvernement.
Les reposes du Gouvernement sont communiquées sans délai à l’Assemblée nationale et transmises aux commissions d’enquête intéressées pour étude. Les points non traités peuvent être transformés en interpellation du Gouvernement.
IL NE PEUT ÊTRE CRÉÉ DE COMMISSIONS SPÉCIALES D’ENQUÊTE QUAND LES FAITS ONT DONNÉ LIEU A DES POURSUITES JUDICIAIRES AUSSI LONGTEMPS QUE CES POURSUITES SONT EN COURS. SI UNE COMMISSION A DÉJÀ ÉTÉ CRÉÉE, SA MISSION PREND FIN DES L’OUVERTURE D’UNE INFORMATION JUDICIAIRE RELATIVE AUX FAITS QUI ONT MOTIVÉ SA CRÉATION’’.
Il se trouve que le Procureur du Pôle économique et financier de Bamako, Mamoudou KASSOGUE, au cours d’un point de presse, peu après sa prise de fonction a annoncé l’ouverture d’une enquête dans l’affaire dite « des avions cloués au sol ». Il y a donc une procédure judiciaire qui est enclenchée dans la même affaire pour laquelle l’honorable Soumaïla CISSE a saisi l’Assemblée nationale d’une demande d’investigations nécessitant la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire (ou commission spéciale). En clair, au regard des dispositions de l’article 90 du règlement intérieur de l’Assemblée, la demande de Soumi champion n’a pas sa raison d’être. Une faute lourde pour un député qui siège depuis 6 ans à l’Assemblée nationale, de surcroît bombardée du titre très respectable de Chef de file de l’Opposition qu’il stipendie ainsi.
La tragédie de Kidal :
En 2015, l’ancien Premier ministre Moussa MARA a tenté une aventure à Kidal qui a tourné au désastre national. Selon des sources officielles, une cinquantaine de soldats maliens ont péri au cours des affrontements avec les groupes rebelles. En plus des importantes pertes en vies humaines, Kidal est repassé sous le contrôle des rebelles. Exit l’armée, l’administration. Sonné par cette tragédie, le Président IBK a désigné son souffre-douleur, en la personne du ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye MAIGA. Non content de servir de victime expiatoire, SBM demande à ses quelques députés de solliciter l’ouverture d’une enquête parlementaire. Ce qui a été fait. Les informations parcellaires qui ont fuité des conclusions sont accablantes pour le PM, l’ancien chef d’état-major général des armées, Mahamane TOURE… Le rapport a été soigneusement rangé dans les tiroirs. Il faut noter qu’une commission d’enquête parlementaire n’est pas une juridiction, mais un des outils au service du contrôle parlementaire du gouvernement. Les suites données aux commissions d’enquête restent cependant politiquement soumises à l’accord du Gouvernement et de sa majorité. Tant que c’est le Président de la République qui est visé, à travers le Gouvernement, tant que la Majorité pèsera dans la suite à donner ; il faudrait raisonnablement pas s’attendre à de miracle d’une éventuelle commission d’enquête parlementaire.
Les Scandales avec un S
Soumi champion l’a lui-même souligné en parlant, dans sa déclaration liminaire, lors de sa conférence de presse du 3 septembre dernier, de Scandales avec un S majuscule tant ils se sont succédé à fortes doses et à coûts exorbitants : Scandales relatifs à l’achat de l’avion présidentiel, d’équipements militaires, d’engrais frelatés… Il en est ainsi dans le Mali des scandales. L’impunité exerce un règne absolu et l’arrogance outrancière et outrageuse de ceux qui sont proposés à la potence exacerbent les frustrations des Maliens qui fulminent ou jouent la carte de la résignation, sachant que dans tous les cas, ils ont été trahis.
Soumi champion, qui est loin d’être le dernier des Maliens, sait mieux que quiconque que les ‘’interpellations et alertes’’ tomberont toujours dans l’oreille de sourds. Mieux que quiconque, il sait que son gri-gri d’une commission d’enquête parlementaire ne prospérera pas. Et le plus sidérant est que des personnes s’emparent de ces sinistres fariboles et adhèrent sans ciller à un imaginaire aussi délirant que haineux. An ka taa dron…
PAR BERTIN DAKOUO