A chaque saison des pluies, les prix de ces matériaux indispensables à la construction d’un bâtiment connaissent une hausse, souvent démesurée. Nous avons enquêté auprès des acteurs du secteur
Selon des études datant de moins d’une dizaine d’années, Bamako est l’une des villes africaines où l’urbanisation est la plus galopante. Chaque jour, des immeubles commerciaux et autres maisons d’habitation y sortent de terre comme des champignons. Il suffit juste d’y faire un tour pour s’en convaincre. Mais, en cette saison des pluies, les activités de construction semblent tourner au ralenti, car le sable et le gravier, deux matériaux indispensables à la construction d’un bâtiment, sont devenus rares sur le marché, hors de prix.
En effet, une étude réalisée en 2012 sur la problématique de prélèvement du sable et gravier dans le lit du fleuve Niger précise que les sites d’extraction et de stockage entre la frontière guinéenne et Mopti sont à proximité des villes et des grands aménagements routiers et hydrauliques. «C’est entre Kangaba et Koulikoro que l’exploitation revêt la plus grande ampleur et le caractère le plus organisé», révèle l’étude, qui en distingue deux modes de prélèvements : les uns, sur les berges sableuses, par chargement direct de camions-bennes, les autres dans le fond du lit mineur avec extraction manuelle, souvent en apnée à des profondeurs pouvant atteindre trois mètres.
Des pratiques qui semblent risquées en période de forte pluie et de montée des eaux du fleuve. Toute chose qui entraîne une hausse incontrôlée du prix du sable et du gravier, parce qu’ils deviennent très recherchés sur le marché. Cela, à cause de l’état du Djoliba, qui tend à déborder à cause des eaux de pluies abondantes qui s’abattent sur tout le pays depuis des semaines. Une situation qui touche entreprises de construction, propriétaires de bâtiments et vendeurs de sable et gravier. Nous sommes allés au contact de ces acteurs de ce secteur dont le poids est considérable pour l’économie.
UN PORT SABLIER- En effet, pour avoir le sable et le gravier enfouis au fond du fleuve Niger, les bras valides se lèvent tôt le matin. Ils plongent dans l’eau, torse nu, pour extraire du sable et du gravier dans le lit du fleuve afin de pouvoir ravitailler les acheteurs en gros et en détail. En la matière, l’approvisionnement de Bamako et ses environs est assuré à partir de Souban, Koulikoro-Ba et Katibougou. La pluie a provoqué l’effondrement d’une partie du pont de Katibougou, un port sablier à proximité de Bamako. Ainsi, les chauffeurs/transporteurs peinent à traverser ce pont à cause de l’état de la route. Contribuant ainsi à la hausse des prix du sable et du gravier, témoigne des habitués du secteur.
A chaque saison des pluies, les prix de ces matières connaissent une hausse, souvent démesurée, fait remarquer Hamidou Guindo, vendeur de sable et de gravier. La quarantaine révolue, cet habitant de N’gambacoro-Droit exerce ce métier depuis quelques années. Selon lui, l’augmentation du prix de ces matériaux impacte négativement son activité. Car, elle crée des problèmes entre lui et la clientèle. «Si nous les achetons à un prix supérieur à la normale, nous sommes obligés de faire une augmentation pour espérer tirer notre épingle du jeu», se justifie-t-il. A titre d’exemple, un camion-benne à six roues chargé de sable était vendu à 32.500 Fcfa contre 75.000 Fcfa en cette période hivernale. Le chargement de camion-benne à dix roues coûtait 110.000 Fcfa contre 130.000 Fcfa pour les douze roues (ou benne remorque), détaille Hamidou Guindo.
LES PLONGEURS ET LES MAÇONS- Notre vendeur explique que le gravier est de trois sortes : le mélange qui contient du sable ; le gravier dit propre qui ne contient aucun mélange de sable et une autre qualité intermédiaire. Mais, les clients achètent beaucoup plus le premier type : mélange de gravier et de sable pour les chantiers de construction des maisons, précise M. Guindo. Les six roues de cette qualité qui étaient à 80.000 Fcfa, valent aujourd’hui 95.000 Fcfa. Les dix roues qui coûtaient 120.000, sont cédées à 140.000 Fcfa. Et les douze roues ont grimpé à 250.000 Fcfa alors qu’on pouvait l’avoir 190.000 Fcfa.
Les commerçants ne sont pas les seuls touchés par l’augmentation du prix du sable et du gravier. Les plongeurs et les maçons en souffrent aussi. En période de crue, il devient difficile de plonger dans l’eau et aller en profondeur pour chercher du sable et du gravier. Car, quand les pluies sont abondantes, il est difficile de contrôler souvent la puissance de l’eau qui peut engendrer des pertes matérielles et en vies humaines. Obligeant beaucoup à observer une pause, déplore un plongeur.
Débout près de sa pirogue, il tenait à la main un seau d’eau et une pelle et s’apprêtait à embarquer dans une pirogue avec ses compagnons pour aller à la recherche de sable et gravier.
Rencontré sur un chantier à Moribabougou, un maçon d’une trentaine d’années ajoute que la hausse du prix de ces matériaux a négativement impacté son métier. «Les travaux tournent au ralenti, alors que nous vivons de ce travail. Quand on ne travaille pas, on n’a pas d’argent et on ne peut contribuer au développement de l’économie nationale», dit-il, le ton triste.
Il ajoute que la situation va demeurer ainsi jusqu’à la fin de l’hivernage où les travaux reprendront de nouveau. En attendant, les acteurs du secteur n’ont d’autre choix que de s’y adapter en attendant la fin de la saison des pluies.
Fatoumata BATHILY