Le processus électoral au Mali est-il aussi contestable pour qu’un des candidats en lice pour la présidentielle se retire ? C’est une question dirimante, suscitant controverses et conjectures, à laquelle il est difficile de répondre catégoriquement. En tous les cas, le candidat du Parti pour la renaissance nationale (PARENA), Tiébilé Dramé, l’a fait le 17 juillet 2013. Soit 9 jours après qu’il ait saisi officiellement la Cour constitutionnelle, pour le report de l’élection, qui n’a pas encore donné une suite à sa requête.
Il a agi comme s’il avait atteint le paroxysme de l’impatience. Ses arguments sont aussi disant les uns que les autres. De son avis, la loi électorale a été violée à Kidal, car à la date du 25 juin 2013, il n’y avait pas de listes électorales ; les conditions pour la tenue d’élections régulières et crédibles ne sont pas réunies ; c’est un processus électoral au forceps qui se fait dans la précipitation, dans l’autisme total. A l’en croire, ses précédentes sorties ont fait plus de bruits que d’effets. On comprend aisément pourquoi, au prétexte qu’il n’a pas confiance au processus, il s’est résolu à battre froid des autorités de la France qui, estime t-il, ne sont pas étrangères au fétichisme sur la date du 28 juillet prochain.
Cette personnalité vive, au langage leste, ne finira pas de surprendre. Elle fait montre d’un courage léonin. Elle se multiplie, jour après jour, avec le concours de ses affidés, en prenant le soin d’accabler des politiques français. Un comportement on ne peut plus rare sous le ciel grisonnant d’Afrique où les leaders politiques n’hésitent pas à aller à Canossa en France pour obtenir les faveurs de tel ou tel groupe de pression.
Tout se passe comme s’il avait perdu la bataille de la caution française au profit d’autres gros calibres de la saynète politique. Tébilé Dramé l’aurait même dit sous cape dans une de ses dernières déclarations publiques. On pourrait également dire qu’il a perdu la bataille de l’opinion et celle de la caution populaire. Il ne s’est pas pris à temps et il accuserait un remarquable retard sur ses concurrents sérieux qui, dans l’ambiance exaltante de la campagne électorale, mobilisent des foules compactes, électriques, apparemment acquises à leurs causes. Ces mobilisations gigantesques ne mentent pas, elles traduisent une certaine réalité du terrain.
Un simple regard dans le rétroviseur permettra de corroborer la dynamique des différents partis. A l’occasion des dernières législatives de 2007, l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA), portéé actuellement par son candidat, Dramane Dembelé, avait obtenu, 51 députés, l’Union pour la république et la démocratie(URD), que défend Soumaila Cissé, 34 députés et le Rassemblement pour le Mali (RPM) d’Ibrahim Boubakar Keita, 11 députés, pendant que sa propre formation ne s’était arrogé que cinq députés.
Le temps est passé sans réellement modifier le rapport de forces sur le terrain. C’est probablement, entre autres, pour cette raison que M. Dramé n’a pas voulu engager autant d’énergies que de moyens dans la bataille. Bien malin qui pourra dire que des candidats, pesant moins que des poux de poulet, ne l’imiteront pas ? Il a ouvert la boîte de Pandore dans laquelle suffisamment de mécontents pourront s’engouffrer. Dieu seul sait combien sont-ils ceux qui y réfléchissent déjà. Ce qui est sûr et certain, c’est que Tiébilé Dramé ne sera pas le 3e président du Mali de la Renaissance démocratique. Il a hypothéqué ses chances de réussite. Pourra t-il rebondir un jour ? Impossible de répondre avec pertinence, d’autant plus qu’il est difficile de percer les caprices du destin.
A 58 ans, Tiébilé Dramé devra, en nous fondant sur une constante historique, attendre 10 ans pour espérer que son rêve ne se matérialise. Le président Alpha Omar Konaré a exercé le pouvoir pendant 10 ans, soit deux mandats de 5 ans. Idem pour son successeur, Amadou Toumani Touré. Il pourrait en être de même pour le futur président. D’ici à cette période, Tiébilé Dramé aura vieilli si bien qu’il pourrait renoncer à son rêve en chemin. En attendant, il ne faut pas être surpris qu’il mette ses bras et son intellect au service du futur président. Il a donné le ton en arguant qu’il n’appellera pas à boycotter l’élection.
De même qu’il participerait à la cérémonie d’investiture du nouveau locataire de Koulouba si une invitation lui était dument adressée. Ceci étant, dans l’hypothèse d‘un deuxième tour, un des deux candidats en course pourrait lui demander de prendre ouvertement position pour lui. Et l’on est bien curieux de savoir comment il se comportera.
Adama BAYALA