Au Mali, c’est désormais »chassez le social, il revient au galop ». La formule ou l’adage, comme on le voudra, a pignon dans nos mœurs depuis l’arrivée d’IBK au pouvoir. Opportuniste et champion du saupoudrage, notre cher président de la République n’a cessé de jeter de la poudre dans les yeux des Maliens, au gré de ses intérêts.
Après un premier mandat poussif et très contesté dans la dernière ligne droite, IBK, affolé à l’idée de perdre le pouvoir, a ouvert divers »chantiers de développement ». De Kayes à Sikasso, en passant par Bamako, Koulikoro et Ségou, les projets d’électrification, d’adduction d’eau, de construction de ponts et de routes ont fleuri à la mesure de la frénésie électoraliste qui s’était emparée du président sortant, alors en butte à une bourrasque socio-contestataire.
Notre pays, qui se démenait déjà dans un véritable cambouis financier, fut entrainé dans une quasi faillite budgétaire par la boulimie dépensière du locataire de Koulouba, qui ne trouva rien de mieux, pour sauver sa tête, que d’engager les maigres ressources nationales dans la réalisation de projets qui, certes, correspondaient à des besoins, mais sans être de première urgence, sinon que celle d’une campagne électorale visant à inverser une tendance négative.
On vit alors le très actif ministre de l’Energie et de l’Eau se multiplier entre des chantiers, de Bamako et Kayes, annoncés comme »très avancés », puis »dans les délais », avant de se faire virer du gouvernement, après avoir été encensé par son maître…
Les fameuses routes du coton, du poisson, prestement exécutées à coups de milliards, procèdent du même esprit : donner au peuple l’illusion du développement, en détournant les deniers publics de leur destination utile.
IBK et son Premier ministre d’alors, appelé en renfort pour entuber le peuple, avaient aligné les coups de bluff et les effets d’annonce pour mettre toutes les chances de leur côté.
Devant des populations désemparées, ne sachant plus à quel saint se vouer, le Chef du gouvernement, à travers des déplacements hyper protégés, avaient tenté de vendre l’image d’un exécutif bien revenu aux affaires, maitrisant les arcanes de la sécurité au Nord (Gao, Tombouctou, Kidal, Taoudeni) et au Centre (Ségou et Mopti).
L’illusion ne dura que le temps d’un feu de paille. A chaque discours pseudo musclé du gouvernement, les jihadistes et autres terroristes répliquaient par des attaques meurtrières, démentis cinglants.
Le Premier ministre, dépouillé de sa légende de héros populaire, abominé par les Organisations de la Société civile, soumis à une pression rarement exercée sur un homme politique, dut rendre le tablier.
IBK, passé entre les gouttes, a longtemps cru pouvoir se remettre dans sa posture favorite, celle d’un président planant au dessus de tout et que rien ne saurait atteindre. Il a d’autant pu entretenir ce sentiment, quelque temps, que le sacrifice de son ex-Chef de gouvernement avait plongé l’opinion nationale dans une sorte d’expectative, partagée entre la tentation de se satisfaire de cette demi-victoire et la volonté de poursuivre la lutte visant à pousser le président de la République, lui aussi, à la démission.
La mauvaise gouvernance, comme un boomerang ou un gros mensonge, peut avoir des retournements désagréables.
Les mois d’août et de septembre, avec leur succession de manifestations de mécontentement et de revendications, sont venus rappeler la fâcheuse tendance du régime à s’auto flageller.
Occupé à vendre des vessies pour des lanternes aux populations, le gouvernement n’a pas vu grossir et s’accumuler les problèmes, ceux relatifs notamment aux routes. Rappelés brutalement à la réalité, le Premier ministre et ses collaborateurs ont dû jouer aux pompiers pour éteindre les différents foyers de tension, créés de Kayes à Ménaka par l’état exécrable de routes, vitales pour les populations et l’économie nationale.
Dans la précipitation, Dr. Boubou Cissé et la ministre chargée des Infrastructures et des Equipements se sont engagés, à travers des promesses quasi intenables, en raison des coûts exorbitants nécessaires pour la rénovation des seules routes reliant Bamako à Kayes et Sévaré à Gao.
Autant dire que le régime se prépare des lendemains difficiles, avec une résurgence des besoins davantage contraignante sur fond de manifestations d’autant plus violentes que le sentiment d’avoir été grugés aura été très ressenti par les citoyens.
Après les scandales des deniers publics abusivement utilisés pour les besoins de la campagne présidentielle, des équipements tronqués de l’Armée (avions de combat sans viseur, hélicoptères cloués au sol) «des Généraux milliardaires» voici que se profile à l’horizon celui qui pourrait être l’affaire de trop, si les preuves en étaient établies : l’affaire du détournement des ristournes de la Confédération des Sociétés Coopératives des producteurs de coton.
Si Bakary Togola est reconnu coupable de la dissipation des 9 milliards de francs CFA, les éclaboussures de l’affaire pourraient atteindre le président de la République, le puissant président des cotonculteurs ayant publiquement laissé entendre qu’il mettrait tous les moyens en jeu pour assurer la réélection d’IBK.
Certes, l’on s’attend à voir les habituels pêcheurs en eaux troubles de la République s’affairer à étouffer l’affaire. Mais, cette fois la trempe du Procureur en charge du dossier et la réaction de révolte prévisible du peuple, qui en a assez d’avaler des couleuvres, pourraient bien sonner le glas d’un régime conspué.