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Une analyse de Me Alassane Aldior Diop sur l’affaire Bakary Togola : On s’est fait la tête de l’homme
Publié le samedi 21 septembre 2019  |  Aujourd`hui
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J’étais outré contre ce monsieur lorsque je l’ai entendu demander au Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga de graisser les pattes sinon la bouche des opposants pour gagner la paix sociale. C’était donc ça la mentalité de l’homme.

Mais là, en ma qualité d’avocat, habitué des affaires judiciaires, j’ai comme le sentiment que dans ce dossier, tel qu’il commence, on s’est fait la tête du balourd, de ce paysan devenu trop bourgeois.

Le très puissant président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali (Apcam) a passé sa première nuit en prison de jeudi à vendredi dernier. Il a été placé sous mandat de dépôt et déféré à la Maison centrale d’arrêt de Bamako (MCA) par le juge d’instruction du 8e cabinet du Pôle économique du Tribunal de grande instance de la Commune III.

J’ai comme le pressentiment que la responsabilité politique corollaire de la responsabilité pénale, la vraie, celle des ministres de tutelle, responsables des deniers publics, des organes de contrôle des fonds publics au sein de l’Apcam, de la Confédération des producteurs de cotons (C-SCPC) gestionnaires des fonds, de la CMDT et du ministère de l’Agriculture, pourvoyeurs des fonds, cette responsabilité, la plus légitime, risque d’être déresponsabilisée et totalement occultée.

Bakary Togola s’il n’était pas poursuivi non détenu, il aurait dû l’être en même temps que ceux qui lui ont donné plus de 13 milliards de nos francs de 2013 à nos jours sans la moindre demande de justifications.

Bakary Togola, seul sous les verrous pour répondre d’un détournement de plusieurs milliards, même 5 minutes avant ses supposés complices, cela m’a tout l’air d’une justice sélective et discriminatoire. Sa tête ne plaisait plus, il faut le dénoncer, de façon anonyme enjambant les structures de contrôle et sans mise en cause de toute la chaîne de responsabilité fautive.

Monsieur le Procureur Kassogué, il ne faut pas vous laisser berner la procédure, il faut revoir toute la chaîne de la procédure.

Réagissez sans attendre, vous n’avez plus d’autres choix que de mettre tout ce beau monde au frais dès le lundi. Si les charges sont sérieuses contre Bakary Togola, les complices où qu’ils soient et d’où qu’ils viennent doivent subir le même sort, ici et maintenant, sans attendre.

Pourquoi je dis cela ? Parce que je viens d’apprendre que Bakary Togola a été arrêté suite à une dénonciation anonyme. Cette plainte anonyme doit justifier votre sévérité.

Pour ma part, le caractère anonyme de cette dénonciation me pose un réel problème éthique. Je me pose la question à l’inverse : comment tout cela a bien pu se passer depuis 2013 jusqu’à nos jours sans qu’aucune structure de contrôle ad hoc, les organes de l’Apcam elle-même, du ministère de l’Agriculture, département de tutelle, de la CMDT, partenaire stratégique, et même du Vérificateur général, ne se rende compte d’un détournement d’une telle ampleur ? C’est inadmissible.

Ces organes ont-ils validés les chiffres avancés par le dénonciateur anonyme ? Je peux, peut être me tromper, mais dans certains pays, la délinquance violente est beaucoup plus grave que la délinquance financière pour la simple raison que dans ces pays le sang versé à un prix beaucoup plus important que l’argent versé.

Tel n’est pas le cas au Mali, un million de F CFA détourné pourrait sauver mille vies. Je ne comprends donc pas ce silence coupable, ce silence collectif comme une connivence publique, celle des fonctionnaires et responsables politiques de l’Etat contre l’Etat du Mali.

Pardonnez-moi d’être un peu provocateur, mais quand je lis les commentaires jouissifs de certains sur les réseaux sociaux, on dirait que la prison n’est bonne que pour Bakary Togola ici et maintenant. Eh bien, moi je pense que d’autres plus instruits et plus responsables sont les vrais instigateurs, les profiteurs de cette affaire dont je ne sais rien pour le moment.

Lors de la conférence de presse dont je salue par ailleurs la tenue, le procureur Kassogué a parlé de six autres personnes qui seraient intéressées par l’enquête :

– Qui sont-elles et où sont-elles ?

– Pourquoi n’ont-elles pas été interpellées au même moment que l’auteur principal soupçonné ?

Il y a urgence. Le mandat de dépôt n’a-t-il pas pour but que le prévenu ou l’inculpé ne puisse pas s’échapper dès lors qu’il présente un danger pour la société ou détruire des éléments de preuve ?

Comme tous les Maliens épris d’une justice impartiale et égale pour tous, nous attendons de voir la suite dans les prochains jours.

Me Alassane Aldior Diop
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