Des voix ne cessent de s’élever contre de potentielles négociations avec le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) au Mali.
Le 9 juin dernier, une délégation de la rébellion touareg s’est en effet déclarée disposée à négocier une sortie de crise avec les autorités maliennes à travers une médiation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Conduite par Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, la délégation a été reçue pendant environ deux heures le médiateur de la CEDEAO, le président burkinabé Blaise Compaoré.
Que peut-on réellement négocier et obtenir du MNLA? C’est la question que beaucoup de Maliens se posent aujourd’hui après cette audience. Il est vrai que c’est ce mouvement qui a lancé l’offensive contre l’armée malienne en mi-janvier dernier. Mais, ces dernières semaines, il a été éclipsé sur le terrain par le groupe islamiste Ançar Dine et son allié jihadiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
« Le MNLA n’est que l’ombre de lui-même aujourd’hui. Ce qu’on peut négocier avec lui, c’est sa reddition pure et simple », juge sévèrement un diplomate malien depuis la capitale burkinabè, Ouagadougou.
Pour de nombreuses organisations politiques et de la société civile malienne, ce mouvement n’est plus un interlocuteur crédible. C’est le cas par exemple du Collectif des Maliens de la Diaspora pour qui « le MNLA est un mouvement illégitime dans la mesure où ni les touaregs ni les populations majoritaires du Nord du Mali ne s’y reconnaissent, il ne représente aucune de ces populations au point de prétendre négocier et parler en leur nom ».
« Nous sommes persuadés que les membres du MNLA n’ont pas de parole d’honneur et n’ont jamais respecté un pacte que lorsqu’ils n’ont pas le choix », ajoute Amadou Traoré, président du Collectif des Maliens de la Diaspora.
Militairement affaibli par des défections, au profit des islamistes plus généreux, le MNLA, au départ sécessionniste et laïc, a sérieusement entamé sa crédibilité internationale et sa légitimité en initiant un projet de fusion avec Ançar Dine qui prône la Charia (loi islamique) dans tout.
Et depuis, le mouvement rebelle touareg apparaît divisé entre partisans d’une fusion et ceux, particulièrement ses responsables basés en Mauritanie et en France, qui y sont farouchement hostiles.
Pour des observateurs, nourrir le projet de fusion avec des » terroristes » est une grosse erreur stratégique qui oblige les responsables du MNLA à aller encore à la conquête de sa légitimité internationale.
Comme l’écrivait récemment un confrère burkinabé, « sa représentativité dans le nord était déjà compromise par le changement du rapport de force en faveur des islamistes. C’est maintenant sa crédibilité devant le gouvernement de transition et les communautés africaine et internationale qui est mise à très rude épreuve par cette tentative de fusion avec des organisations terroristes ».
La médiation de la CEDEAO lui offre en tout cas une belle perche de marketing politique pour exister. Même si le mouvement indépendantiste affirme désormais se démarquer de tout groupe à velléité islamique ou terroriste dans la zone concernée, il lui reste à le prouver par des actes concrets sur le terrain et surtout par des concessions franches.
« Renoncer par exemple à son projet utopique de création d’un Etat indépendant de l’Azawad serait le meilleur gage de sa réelle volonté de repentance », pense Kader Toé, l’un des consultants de Xinhua à Bamako. Ce qui n’est pas évident car cela constitue la raison fondamentale de l’existence de ce mouvement sécessionniste.
Quelles que soient les concessions obtenues du MNLA, une opération d’envergure sera forcement nécessaire pour neutraliser les salafistes du nord-Mali, pour empêcher AQMI de renforcer son emprise sur la bande sahélo-saharienne, indiquent des observateurs.
Comme le soulignent pertinemment de nombreux experts, « jamais l’ on n’a réussi à obtenir pacifiquement des terroristes qu’ils décampent d’une localité (..) L’offre de négociation du MNLA doit donc être accueillie et traitée avec la plus grande prudence. Elle ne doit nullement compromettre l’organisation de l’intervention militaire qui, dans tous les cas, est nécessaire. Car, même si l’ obstacle MNLA venait à être écarté, il reste les terroristes qui n’ entendent d’autre langage que celui de la force ».
Pour nos interlocuteurs, sans totalement ignorer la proposition du MNLA, la communauté internationale doit continuer à privilégier le déploiement d’une force internationale, sous l’égide de l’ONU et en étroite collaboration avec les forces armées du Mali afin de « rétablir l’intégrité du territoire du Mali et ainsi abréger les souffrances des populations des régions concernées ».