BAMAKO (Mali), Candidat malheureux aux présidentielles de 2002 et 2007, Ibrahim Boubacar Keïta, surnommé IBK d’après ses initiales et qui se représente pour la troisième fois à 68 ans, est un cacique de la vie politique du Mali qui a la réputation d’être un "homme à poigne".
Contrairement à Soumaïla Cissé, son principal adversaire qui l’avait fermement condamné, IBK, homme rond élégamment vêtu à l’occidentale ou à l’africaine, est resté très discret au moment du coup d’Etat du 22 mars 2012 qui a renversé le président Amadou Toumani Touré et précipité la chute du nord du Mali aux mains de rebelles touareg et de groupes jihadistes.
Aujourd’hui, IBK proclame dans ses meetings que son objectif prioritaire est la "réconciliation" d’un Mali profondément divisé. Il est le premier des 27 candidats à s’être rendu à Kidal, ville du Nord-Est et berceau des Touareg, où leurs relations avec les Noirs d’autres communautés sont extrêmement tendues, parfois violentes.
"Pour l’honneur du Mali, je ramènerai la paix et la sécurité. Je renouerai le dialogue entre tous les fils de notre Nation. Je rassemblerai notre peuple autour des valeurs qui ont construit notre histoire: dignité, intégrité, courage et travail", martèle-t-il dans ses discours de campagne qu’il commence toujours en récitant des versets du Coran, le Mali étant un pays musulman à plus de 90%.
Au début des années 1980, il fut conseiller du Fonds européen de développement (FED), puis chef d’un projet de développement dans le nord du Mali. "C’était un gros travailleur, mais il pouvait être très dur quand il se fâchait", se souvient un de ses anciens chauffeurs, qui garde en mémoire le "très sale quart d’heure" que lui a fait passer IBK pour une broutille.
Le vent de la démocratie qui souffle alors sur le continent africain balaye en 1991 le général Moussa Traoré, qui dirige le Mali d’une main de fer depuis 1968: il est renversé par un coup d’Etat précédé d’un soulèvement populaire. Ibrahim Boubacar Keïta participe, un an plus tard, à la victoire d’Alpha Oumar Konaré, candidat de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma), le plus grand parti du pays.
"Non à la chienlit"
En février 1993, il est nommé ministre des Affaires étrangères, puis Premier ministre l’année suivante, au moment où une crise scolaire et des grèves paralysent le Mali. Cet homme qui se réclame de "la gauche" fait alors durement réprimer les grévistes "manipulés", reprenant à son compte la célèbre formule "Non à la chienlit!" du président français Charles de Gaulle à propos des révoltes estudiantines de mai 1968.
Il décide de fermer les écoles, décrétant une "année blanche" (invalidée) pour la période scolaire 1993-1994.
Après son bras de fer avec les élèves, les étudiants et les syndicalistes, il ferraille contre les opposants au régime d’Alpha Oumar Konaré, réélu en 1997 pour un second et dernier mandat de cinq ans.
Pour la présidentielle de 2002, IBK pensait tout naturellement être le candidat de son parti et lui succéder, mais en 2000, alors qu’il vient de quitter son poste de Premier ministre, il fait face à une contestation interne à l’Adéma.
Il jette l’éponge, quitte le parti présidentiel et créée en 2001 sa propre formation, le Rassemblement pour le Mali (RPM). Malgré le soutien d’une partie des membres de l’Adéma qui ont rejoint son parti, il est battu à la présidentielle de 2002 par Amadou Toumani Touré (ATT), le général qui avait renversé Moussa Traoré en 1991 et avait respecté sa parole de rendre le pouvoir aux civils.
IBK qualifie cette élection de "pure mascarade" et devient président de l’Assemblée nationale pour cinq ans. Il sera à nouveau battu par ATT en 2007. La présidentielle du 28 juillet, qui se tient dans un contexte de crise sans précédent dans son pays, semble, à son âge, son dernier espoir de l’emporter
enfin.