Six personnes ont été enlevées samedi par des hommes armés alors qu'elles organisaient la distribution des cartes d'électeurs dans la zone de Tessalit, à 200 km au nord de Kidal dans le nord du Mali.
Dimanche matin, des sources militaires indiquent que les cinq agents électoraux de la CENI ainsi que le maire adjoint de Tessalit ont été retrouvés par les militaires français. On ignore dans quelles circonstances ces otages maliens ont été retrouvés.
N'empêche que pour les observateurs, ce "rapt" aggrave un peu plus les tensions, à seulement une semaine du premier tour de l'élection présidentielle, le 28 juillet 2013.
Si officiellement l'identité des preneurs d'otages n'est toujours pas encore connue, les regards se tournent logiquement du côté des éléments du Mouvement national pour la libération de l' Azawad (MNLA) qui "a multiplié les provocations et les exactions sur les populations civiles" depuis l'arrivée de l'armée et de l' administration malienne à Kidal.
Les rebelles touaregs clament leur bonne foi. "Ce n'est pas le MNLA (..) Nous avons donné la consigne de laisser se faire les élections", se défend un représentant du groupe rebelle touareg. Quoi qu'il en soit, cet acte fragilise encore plus le processus électoral dans la région de Kidal.
Les élections pourront-elles être paisiblement organisées dans la région de Kidal conformément aux Accords de Ouagadougou ( Burkina Faso) ? C'est la question que se posent de nombreux Maliens après les événements survenus dans la nuit du jeudi au vendredi dernier et l'enlèvement des agents électoraux qui préparaient activement l'organisation du premier tour de la présidentielle.
Malgré la libération des otages par des militaires français, ces actes vont beaucoup peser de façon négative sur la tenue du scrutin. Ténus par les accords de Ouaga et ne pouvant pas donc directement saboter le processus électoral, les rebelles touaregs veulent aujourd'hui jouer à l'intimidation. Ainsi, le choix d'enlever des agents électoraux est très stratégique.
En effet, il est clair que sans distribution des cartes d'électeurs, il n'y aura pas d'élection dans cette région.
"Les rebelles se sentent ragaillardis par les accords de Ouaga. Et ils n'ont aucune intention de laisser les élections se dérouler dans la quiétude à Kidal. Ils ont d'abord tenté de provoquer les forces armées et de sécurité par des manifestations d'enfants et d' adolescents. Et comme celles-ci ne sont pas tombées dans ce piège,ils ont commencé à les harceler ainsi qu'une grande partie de l' électorat composée d'arabes et des populations originaires du Sud.Et là aussi, les militaires et agents de sécurité se sont gardés de riposter. Et aujourd'hui, ce sont les agents électoraux qui sont visés par cette campagne d'intimidation pour saborder le processus électoral dans cette région", analyse un diplomate africain en poste à Bamako.
Cet avis est partagé par plusieurs responsables politiques et des décideurs, même si ceux-ci ne souhaitent pas officiellement s' exprimer car non seulement l'enlèvement des agents n'a jamais été revendiqué, mais les otages sont aussi libres maintenant.
"Intimider et faire régner la psychose de la violence sur les électeurs. C'est à cela que joue aujourd'hui les bandits armés du MNLA. Déjà, les violences intercommunautaires des derniers jours ( jeudi et vendredi) ont entraîné la mort de quatre civils. Et le marché de la Kidal a été brûlé. Depuis, de nombreux civils sont toujours terrés dans un camp militaire de la ville", pense un responsable militaire malien.
"Le but de cet enlèvement est clair comme de l'eau de roche : perturber l'élection pour trouver un prétexte de revendications plus tard. La tenue de cette élection présidentielle n'arrange pas certains dans cette région. En effet, le nouveau pouvoir sera obligé de rompre avec les anciennes habitudes des régimes précédents : gouvernance partagée entre autorités et barons de la drogue", souligne Adama Diarra, un journaliste malien qui a été correspondant de presse à Kidal jusqu'à la rébellion déclenchée en janvier 2012.
S'il y a quelques semaines, ils étaient nombreux les candidats qui ne voulaient pas aller aux élections sans Kidal, cette tendance est aujourd'hui inversée.
"Ne pas aller aux élections, ce serait faire le jeu du MNLA qui travaille dans ce sens. Les autorités ne doivent pas céder à l' intimidation. Il faut organiser le scrutin dans cette région quel que soit le prix à payer", pense un membre de la direction de campagne d'un des grands favoris de la présidentielle.
Pour l'instant, le gouvernement reste ferme sur la volonté d' organiser les élections sur toute l'étendue du territoire malien. Et il redouble d'effort pour convaincre les uns et les autres ( militaires, agents de sécurité, agents électoraux, populations civiles) de ne pas céder à la provocation et à l'intimidation.