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Affaire dite « des avions cloués au sol »: voici les faits, tous les faits, rien que les faits
Publié le mercredi 25 septembre 2019  |  Info Matin
L`arrivée
© aBamako.com par A S
L`arrivée de l`hélicoptère à l`armée de l`air de Senou
Le Ministre de la défense a rendu visite à l`armée de l`air le 17 Octobre 2016, afin de constater l`arrivé de l`hélicoptère pour le transport des troupes.
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Dans un communiqué en date du lundi 16 septembre, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako, en charge du Pôle Economique et Financier de Bamako, lance un appel à témoin sur toutes les affaires en cours au niveau de son Parquet, notamment celle dite des « avions cloués au sol ». Pour permettre, dit-il, l’évolution rapide et efficiente desdites enquêtes, le Procureur de la République invite toutes personnes dépositaires d’informations et/ou de documents relatifs à ladite affaire, à bien vouloir les porter à sa connaissance et/ou à les mettre à sa disposition, y compris sous anonymat. En bon citoyen, dont la mission est d’informer, le Quotidien des sans voix, pour aider le magistrat poursuivant à asseoir sa religion, rappelle un certain nombre d’informations, fruits de ses investigations, déjà sur la place publique (Médias, Internet, réseaux sociaux…). Il s’agit des faits, rien que des faits, mais de tous les faits.

Des faits suffisamment connus, seulement compilés. Parce que l’affaire dont il s’agit, celle que le Procureur appelle affaire dite « des avions cloués au sol » n’est pas nouvelle. Il faudrait toutefois recadrer l’appellation faite par le Procureur pour la rendre plus conforme aux faits, la réalité et la vérité. En effet, gardien de la loi et de l’ordre, le Procureur doit savoir que dans sa matière, les choses se doivent d’être précises.
En effet, point ne s’agit d’avions cloués au sol, mais bien d’hélicoptères. Autant on ne peut prendre Jean pour Paul, autant on ne peut, même s’ils volent tous, devant un Tribunal, faire passer un hélicoptère pour un avion. Le terme « Aéronefs cloués » aurait pu passer, car avion et hélicoptère sont tous les deux des aéronefs. Mais, en droit pénal, la précision et la concision ne sont pas que de simples conforts de procédure ni d’effets de manche d’avocats, elles ont leur pesant d’or. Ce, d’autant plus qu’à l’origine, l’expression ne souffre d’aucune ambiguïté. Le Président IBK a dit dans son Interview à Jeune Afrique exactement ceci : « nous avons acquis auprès de la France deux hélicoptères Puma qui sont cloués au sol faute de maintenance appropriée ».

Première partie : L’affaire dite des Pumas cloués au sol
La révélation du scandale des Puma n’est pas un scoop. La polémique sur l’opacité des conditions d’acquisition et des conditions d’entretien qui les obligent à rester au sol n’est pas nouvelle.
Dans une tribune très documentée intitulée ‘’malversations financières dans l’acquisition d’équipements militaires : comment la fraude est devenue monnaie courante dans le système IBK’’ publiée en avril 2018 par notre confrère ‘’Le Républicain’’, notre compatriote Karim SYLLA avait déjà ouvert la brèche dans laquelle le Président du PARENA s’était engouffré (voir notre parution du mercredi 18 septembre).

1°) Comment en est-on arrivé là ?
Juillet 2013 : un vent de sable abîme cinq aéronefs français au nord du Mali : trois Pumas détruits, un Tigre et un PC-6 endommagés. Les trois Puma ont été littéralement couchés sur le flanc.
Décembre 2015 : un rapport de la Commission Défense de l’Assemblée nationale française en date du 9 décembre 2015 explique que selon les informations fournies par la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère la Défense (SIMMAD), trois hélicoptères Puma renversés suite à de violentes tempêtes de sable au Mali ont dû être reformés.
Mais avant, en octobre 2013 déjà, les réseaux relayaient une révélation faite par la ‘’Lettre du continent’’ selon laquelle le Gouvernement serait en négociation avec le groupe EADS, depuis des semaines, pour l’acquisition de 6 Super Puma Eurocopter et 2 Airbus Military C295 afin d’équiper l’Armée malienne.
Y a-t-il une relation entre les Pumas réformés et les Pumas négociés pour l’armée malienne ?
En tout cas, l’histoire dira plus tard que les Puma acquis par cette dernière étaient tous deux des occasions qui ne feront pas 18 mois de vol sans que cela ne soit précisé qu’il s’agissait de deux des trois Pumas endommagés par le vent de sable au Nord en 2013.
Août 2016 : notre confrère ‘’L’Indépendant’’ indexe Karim KEITA comme étant chargé d’acheter les vecteurs aériens qui manquent tant au Mali, dans son combat, contre le terrorisme. Dans sa parution intitulé « Karim Keita en mission à Paris pour l’acquisition d’hélicoptère et d’avion de combat », ‘’L’Indépendant’’ annonce : ‘’le président de la Commission Défense et sécurité de l’Assemblée nationale, l’Honorable Karim Keita (s’était rendu) en France et immédiatement après l’attaque de Nampala, le 19 juillet dernier. Dans le but, selon nos sources concordantes, de faire avancer les dossiers relatifs à l’acquisition d’hélicoptère et d’avion de combat notamment’’.
Démenti immédiat du député de la commune II qui était à Bamako dans les colonnes d’un autre confrère ‘’Le 22 Septembre’’ : « je suis député, je n’ai rien à avoir avec les achats d’avion. Ça se fait à un autre niveau qui ne m’intéresse pas. Cela ne relève pas de mes prérogatives. Je souhaite bien qu’on ait ses moyens de défense, le plus rapidement possible. Mais, comprenez que ce n’est pas à moi d’aller les chercher. Je suis élu à l’Assemblée nationale et je ne sortirai jamais de mon rôle de député qui consiste à examiner les lois et à contrôler l’action gouvernementale. Toutes mes actions s’inscrivent dans ce cadre ». Si ce n’est pas Karim comme on le voit, qui alors ?

2°) Qu’est-ce qu’on a réceptionné ?
Toujours est-il que quelqu’un a fait l’acquisition de ces Hélicoptères au nom du Mali et qu’Airbus a livré son premier hélicoptère H215 Super Puma à l’armée de l’Air malienne qui le réceptionnera officiellement, le 17 octobre 2016, lors d’une cérémonie à la Base aérienne 101 de Sénou.
En attendant l’acquisition du second, en 2017, dans quel état le premier Puma avait-il été reçu ?
Dans le quotidien national ‘’L’Essor’’ du 19 octobre, expliquant cette acquisition qui est l’une des retombées de la mise en œuvre de la Loi d’orientation et de programmation militaire, le chef d’état-major de l’armée de l’Air, Souleymane BAMBA, indique : « cet hélicoptère permet de renforcer les capacités de l’Armée. Nous avons eu la chance d’avoir des programmes de formation pour les pilotes de Puma. Une première formation de 3 mois sur la conduite de l’hélico et un programme de 24 mois sur les aspects techniques. Les formations sont assurées par des professionnels français ».
Après deux ans de formation « sur les aspects techniques », comment nos Pumas peuvent-ils se retrouver cloués au sol « faute de maintenance appropriée » ? Où sont passés ceux qui ont bénéficié de ces 24 mois de formation sur les aspects techniques ? La réponse se trouve à l’entame.
En effet, lors de la cérémonie de présentation du premier Puma, le lundi 17 octobre, en responsable rigoureux et consciencieux, le ministre MAIGA a effectué ensuite une visite de terrain pour s’imprégner des réalités de la Base. C’est dans ce cadre qu’il a été informé par le chef d’état-major des difficultés auxquelles le service est confronté, notamment l’entretien des avions, les infrastructures vieillissantes, le manque de personnel qualifié. Surpris par le constat, le ministre de la Défense et des anciens combattants, selon ‘’L’Essor’’, relèvera que les investissements doivent être suivis impérativement de résultats. Car, pour Abdoulaye Idrissa MAIGA, si l’État injecte de l’argent, c’est pour des objectifs bien précis.
Sur-le-champ, il a instruit au chef d’état-major BAMBA de faire une proposition de projet global qui sera étudié. Cette proposition devrait prendre en compte toutes les préoccupations. Quelle a été la suite de cette instruction ? Le Gouvernement a-t-il pris en charge le budget demandé ? Comment ce budget a-t-il été géré ? Autant de questions sans réponse, sauf une seule : les Pumas sont cloués au sol.

3°) Liaisons opaques ?
Juillet 2017 : selon Bloomberg, la mine d’or de Kodiéran au Mali qui n’a jamais produit beaucoup d’or suscite des questions sur la curieuse participation d’Airbus. En effet, en 2012, la mine a attiré l’intérêt d’un curieux actionnaire : Airbus. Le fabricant d’avions a acheté sa participation en utilisant 15 millions d’euros d’un fonds interne, à travers une série d’entités dans les îles Vierges britanniques, le Luxembourg, la Suisse et l’Allemagne. L’incursion d’Airbus dans l’exploitation minière ne s’est pas bien passée, car la société a perdu presque tous ses investissements. Par contre, son activité principale a connu un succès, un premier contrat avec l’Armée malienne pour vendre deux hélicoptères d’occasion Super Puma. Airbus a livré les deux hélicoptères Super Puma à la fin de 2016 et au début de 2017.
Le Parquet financier de Paris poursuit Airbus dans un scandale de corruption impliquant l’homme d’affaires Aliou DIALLO pour ‘’corruption d’agent public étranger’’, ‘’abus de biens sociaux’’  et ‘’blanchiment et trafic d’influence international’’ concernant un investissement de 14 millions d’euros réalisé dans une mine d’or malienne.
Le milliardaire, qui a toujours clamé son innocence et n’avoir rien à voir avec l’achat d’avion, défie le Président IBK à la présidentielle. Il arrive 3e. Suite à ce nouveau rebondissement, comme Karim KEITA, Alou B. DIALLO clame aussi son innocence sans être contredit.

4°) Affaire Puma, deuxième scandale
Début octobre 2017 : le Gouvernement organise en grande pompe la cérémonie de réception du Super Puma de l’Armée de l’Air du Mali. Tout le monde était là : le Président IBK, les membres du Gouvernement et tout le gotha de l’Armée malienne. On en profite pour aligner les nouvelles acquisitions (les vecteurs aériens) dans le cadre de la Loi d’orientation et de programmation militaire.

Juin 2019 : le Président IBK, dans sa dernière interview dans le Journal Jeune Afrique datée du 30 juin 2019, confessait : « lorsque j’ai été élu pour mon premier mandat, en 2013, il n’y avait aucun appareil en état de voler. Depuis, nous avons acquis auprès de la France un transport de troupes Casa et deux hélicoptères Puma-lesquels, hélas, sont encore cloués au sol faute de maintenance appropriée ».

Juillet 2019 : Karim KEITA, Président de la Commission de la Défense nationale, de la Sécurité et de la Protection Civile, lors de la Conférence-débat pour la paix au Mali intitulée : “7 ans après SERVAL, où en sommes-nous ?” organisée par la Coordination des Élus Français d’Origine Malienne (CEFOM), s’est essayé à jeter la pierre au fournisseur AIRBUS des avions achetés d’occasion, tout en abondant dans le même sens que son pater de Chef suprême des armées : « les hélicoptères que nous avons achetés ne peuvent plus voler, ça marchait au début, mais vraisemblablement, on a un problème d’entretien depuis l’achat. Je me demande si, on n’a pas été floués à l’achat ».

Juillet 2019 : Dans un article paru, ce 25 juillet, dans le quotidien L’Indépendant, l’Ambassadeur de France au Mali, Joël MEYER, qui a fait des révélations sur l’affaire des deux hélicoptères Super Puma vendus par Airbus à l’armée malienne et « cloués au sol » avait mis à nu la filouterie dont a été victime le peuple malien, à travers l’acquisition de cercueils volants pompeusement appelés SUPER PUMA : « avant de passer la commande, les acheteurs étaient bien conscients qu’il s’agissait d’hélicoptères d’occasion avec tous les risques que cela comporte, y compris celui lié à la maintenance ».

Août 2019 : Le Procureur du Pôle économique et financier du District de Bamako, lors de son point de presse du 22 août dernier, assurait : « (…) sans acharnement ni a priori, mais avec objectivité et détermination, nous envisageons d’ouvrir systématiquement des enquêtes sur tous les cas de corruption dont nous aurons connaissance par suite de plaintes, de dénonciations ou par d’autres voies. C’est déjà le cas, entre autres, de l’affaire dite « des avions cloués au sol » et de l’affaire dite « des ristournes de la confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton » révélées par la presse et sur une dénonciation anonyme ».

Septembre 2019 : Dans un entretien accordé à la Radio Adar de Gao, le Président du Mouvement Patriotique pour le Renouveau(MPR), le Dr Choguel Kokalla MAIGA, donne son opinion sur l’affaire des hélicoptères cloués au sol. Il dénonce les conditions catastrophiques d’acquisition d’appareils assimilables à des épaves entravant considérablement la capacité de projection des troupes avec son corollaire de victimes civiles qui se comptent à présent par centaines. Sans langue de bois, il affirme : « aujourd’hui, certains citoyens pensent que l’Opposition a abdiqué. Non ! Nous avons voulu simplement donner le temps pour que les citoyens constatent par eux-mêmes que rien n’a changé dans la gouvernance. C’est malheureusement le constat aujourd’hui. La population découvre avec stupéfaction que pendant que le pays est en guerre, 1300 milliards de FCFA sont sortis des caisses de l’État pour la mise en œuvre de la Loi d’Orientation et de programmation militaire, alors que la situation sécuritaire se dégrade de jour en jour. Sur six (06) avions commandés, O4 ont été réceptionnés et personne ne sait où est parti l’argent destiné à l’achat des deux autres avions. Les 04 avions réceptionnés ne sont pas non plus fonctionnels pour le combat. Les hélicoptères achetés sont cloués au sol. Les militaires au front manquent de munitions. Quand certaines localités sont attaquées, les militaires ne peuvent intervenir en urgence par manque de carburant. Voilà les pratiques que nous souhaiterions changer à la suite d’un Accord Politique. Le pouvoir n’a pas accepté. Alors, nous avons refusé de signer l’Accord ».

Septembre 2019 : Lors du point de Presse qu’il a animé, le mardi 3 septembre 2019, à la Maison de la presse, l’Honorable Soumaïla CISSE, Président de l’URD, Chef de file de l’Opposition, avait fait part de son indignation et annoncé : « (…) nous avons saisi l’Assemblée nationale d’une demande formelle à la date du 26 août 2019 afin qu’elle procède à toutes les investigations nécessaires et urgentes pour répondre aux questions suivantes et éventuellement à d’autres : qui sont les responsables de ces tragédies ? Qui a choisi et commandé les hélicoptères ? Qui a ordonné les achats et à quel coût ? Qui a procédé aux règlements et de quelle manière ? Comment se sont opérées les transactions ? Pourquoi les hélicoptères Puma sont-ils cloués au sol ? Pourquoi les avions super Tucanos livrés n’ont-ils pas les équipements de combat appropriés ? Pourquoi deux avions Super Tucanos n’ont-ils jamais été livrés ? »

Septembre 2019 : Le 16 septembre 2019, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako lançait un Appel à témoins : « le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako, en charge du Pôle Economique et Financier de Bamako, rappel à l’opinion publique nationale et internationale que des enquêtes sont en cours au niveau de son Parquet sur l’affaire dite « des avions cloués au sol ».
Pour permettre l’évolution rapide et efficiente desdites enquêtes, le Procureur de la République « invite toutes personnes dépositaires d’informations et/ou de documents relatifs à ladite affaire, à bien vouloir les porter à sa connaissance et/ou à les mettre à sa disposition, y compris sous anonymat.
La même demande est formulée concernant toutes les autres enquêtes en cours au niveau du Pôle Economique et Financier de Bamako.
Le Procureur de la République sait compter sur l’esprit de patriotisme et la soif de justice des uns et des autres, pour une lutte responsable et efficace contre la corruption ».

À SUIVRE
PAR BERTIN DAKOUO
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