“Panique à Madrid et Ouaga !” Tous ceux qui ont lu Gérard de Villiers, ce célèbre écrivain, journaliste et éditeur français, connu pour avoir écrit la série de romans d’espionnage SAS : Son Altesse Sérénissime le prince Malko Linge, vous diront qu’il aurait nul doute utilisé ce titre pour illustrer les agitations actuelles des Ambassadeurs du Mali en Espagne et au Burkina depuis la publication par le Bureau du Vérificateur général (Bvg) des rapports individuels de ses vérifications. En effet, respectivement le général Abdoulaye Koumaré et Amadou Soulalé ne tiennent plus tranquilles et ont entrepris une vaste campagne de dénigrement du Vérificateur général Samba Alhamdou Baby et de sabotage de son travail.
Que se reprochent ces deux diplomates politiques si l’on sait que le Bvg n’a fait que son travail en produisant ses rapports dans lesquels sont révélées outre des irrégularités financières et administratives dans la gestion de certaines entités, également la gestion sulfureuse des maigres ressources mises à la disposition des différentes représentations diplomatiques du Mali à l’extérieur. Effectivement les cas les plus patents sont ceux des Ambassade du Mali à Madrid (Espagne) et à Ouagadougou (Burkina Faso). Donc, Koumaré et Soulalé ont-ils de quoi perdre du poids et le sommeil ?
Des irrégularités financières constatées dans la gestion des Ambassades du Mali en Espagne et au Burkina Faso Ambassade du Mali à Madrid (Espagne) : 4 063 089 Fcfa de frais indus payés pour la restauration du personnel
SE Amadou Soulalé
Selon le rapport, les montants totaux des recettes et des dépenses sur la période sous revue s’élèvent respectivement à 2 300 285 160 Fcfa et à 1 814 431 021 Fcfa. Ainsi, les recettes se décomposent en transferts de fonds du Trésor Public pour 1 794 627 161 Fcfa et en recettes de chancellerie et celles issues de la vente des timbres fiscaux pour 505 657 999 Fcfa. De sa création à nos jours, l’Ambassade n’a fait l’objet d’aucune vérification par le Bureau du vérificateur général. Au regard de ce qui précède, le Vérificateur général a initié la présente mission.
La mission de vérification a indiqué que les irrégularités administratives relèvent de dysfonctionnements du contrôle interne. Ainsi, il a été constaté que des postes ne sont pas pourvus. En effet, sur une prévision d’effectifs de 21 personnes, l’Ambassade du Mali n’en compte que 15. A titre illustratif, le poste de traducteur n’est pas pourvu. Par ailleurs, le premier Conseiller et l’Agent consulaire n’avaient pas encore pris service au moment de la vérification, bien que ceux-là aient été nommés suivant l’Arrêté n°2018-2513/ MAECI-SG du 16 juillet 2018.
Cette situation ne favorise pas le fonctionnement efficace de l’Ambassade. Aussi, notre représentation diplomatique à Madrid ne dispose pas de manuel de procédures. En effet, la mission a constaté, entre autres, que l’Ambassadeur a cédé un climatiseur en décembre 2017 à un prix forfaitaire de 750 euros soit 491 968 Fcfa sans qu’aucune commission ne soit mise en place, que les livres comptables ne sont pas tenus, que l’Ambassadeur qui est l’ordonnateur du budget de l’Ambassade n’a pas vérifié la caisse au 31 décembre 2017.
Quant aux irrégularités financières, le rapport a souligné que le montant de celles-ci s’élève à 51 047 885 Fcfa et elles se présentent comme suit : la modification irrégulière des rémunérations du personnel local, les modifications de salaire sans tenir compte des procédures budgétaires, le paiement des dépenses non éligibles, le paiement des dépenses indues de frais de restauration et d’hébergement tant pour le personnel de l’Ambassade que pour le personnel extérieur au service.
Sur les dénonciations et la transmission de faits par le Vérificateur général au Procureur de la République près du Tribunal de grande instance de la commune III chargé du Pôle économique et le président de la Section des comptes de la Cour Suprême, le rapport souligne que celles-ci sont relatives, notamment, à la prise en charge des frais de restauration indus du personnel de l’Ambassade pour un montant de 4 063 089 Fcfa ; à la prise en charge indue des frais de restauration et d’hébergement de la délégation du Ministère de la Sécurité intérieure et de la Protection civile pour un montant de 1 927 320 Fcfa ; au dépassement du coût d’acquisition d’un véhicule pour un montant de 5 298 225 Fcfa ; au paiement en l’absence de facture définitive et d’attestation de service pour un montant de 1 866 086 Fcfa ; au double paiement de frais d’entretien pour un montant de 1 821 461 Fcfa ; au paiement d’indemnités de déplacement indues pour un montant de 10 804 769 Fcfa ; aux modifications irrégulières de rémunération du personnel local pour un montant de 25 266 935 Fcfa.
Ambassade du Mali à Ouagadougou (Burkina Faso): 1 836 065 838 Fcfa d’irrégularités financières dans la gestion de l’Ambassadeur
Durant la période sous revue, la Paierie générale du Trésor (Pgt) a transféré 2 878 200 261 Fcfa à l’Ambassade du Mali à Ouagadougou. Sur lequel plus de 1 500 000 000 Fcfa de dépenses ont été effectuées pour la construction de la nouvelle chancellerie. Aussi pour la même période, les recettes de chancellerie ont été évaluées à 189 131 238 Fcfa. Par ailleurs, cette juridiction n’a pas fait l’objet de vérification par le Bureau du vérificateur général. Au regard de ce qui précède, le Vérificateur général a initié cette mission de vérification financière de la gestion de l’Ambassade du Mali à Ouagadougou.
La mission de vérification a relevé que les irrégularités administratives relèvent de dysfonctionnements du contrôle interne et se présentent comme suit : le non-respect par le Ministère des Affaires étrangères et la Coopération internationale et l’Ambassade des dispositions du cadre organique, les postes d’Ambassadeur Représentant Permanent Adjoint, de troisième Conseiller et d’Attaché de défense ne sont pas encore pourvus, le Sac ne tient aucun des documents ci-dessous, le non-respect du montant plafond autorisé à détenir en espèces.
L’équipe du Bureau du vérificateur général a constaté que l’Ambassade du Mali n’a pas mis en œuvre les recommandations de la Mission conjointe de l’Inspection des services diplomatiques et consulaires et de l’Inspection des finances du 18 février au 1er mars 2017.
A la lecture du document, il ressort que le montant total des irrégularités financières constatées s’élève à 1 836 065 838 Fcfa et elles se présentent comme suit : l’Ambassadeur du Mali n’a pas justifié l’utilisation du carburant acheté pour un montant total de 23 452 160 Fcfa, le Sac a irrégulièrement dépensé les recettes de Chancellerie, le Sac a dépensé les recettes de Chancellerie sans l’autorisation préalable du Payeur Général du Trésor pour un montant total de 189 131 238 Fcfa sur lequel 64 806 500 Fcfa ont été compensés et il reste un montant de 124 324 738 Fcfa non compensé, le Sac a effectué des paiements de 1 369 201 299 Fcfa pour la construction de la Chancellerie sans les pièces justificatives requises.
Au titre des paiements irréguliers effectués au profit des E.O.MO.F pour un montant total de 105 151 000 Fcfa, la mission a constaté que 102 036 000 Fcfa ont été payés aux E.O.MO.F, sans contrat, sur présentation de factures non liquidées par l’Ordonnateur et ne comportant pas de prix unitaire et de quantité ou de nombre. La mission a également constaté l’absence de documents de la comptabilité-matières pour attester la réalité des acquisitions.
Selon le rapport, les transmissions et dénonciations de faits par le Vérificateur général au Procureur de République près du Tribunal de grande instance de la commune III chargé du Pôle économique et financier et au président de la Section des comptes de la Cour suprême sont relatives: à l’utilisation non justifiée du carburant acheté pour 23 452 160 Fcfa, à les dépenses non autorisées sur les recettes de chancellerie pour un montant de 124 324 738 Fcfa, aux paiements irréguliers de 1 369 201 299 Fcfa pour la construction de la chancellerie, aux chèques non justifiés émis et payés en faveur de certains membres du personnel de l’Ambassade d’un montant de 225 344 521 Fcfa à les paiements non justifiés de frais scolaires d’un montant total de 64 530 000 Fcfa, aux paiements indus des indemnités de premier équipement d’un montant total de 7 500 000 Fcfa, à des frais de mission non justifiés pour un montant de 9 373 120 Fcfa, aux paiements indus de loyers pour un montant total de 11 340 000 Fcfa, au paiement non justifié de 1 000 000 Fcfa représentant le prix de cession du véhicule reformé Toyota Fortuner.