Le premier tour de l'élection présidentielles au Mali, prévu pour le 28 juillet prochain, s'annonce délicat. Les groupuscules extrémistes multiplient les menaces d'attentas et les problèmes de distribution de cartes d'électeurs notamment pour les 500 000 réfugiés et déplacés font planer le risque d'un scrutin sous haute tension.
La Première élection "post-libération" occidentale se révèle compliquée au Mali. Même si l'objectif de l'intervention militaire internationale initiée par la France, a en grande partie été atteint, la situation politique demeure fragile. Le général Grégoire de Saint-Quentin, qui a commandé l'opération française Serval, a ainsi reconnu dimanche dernier dans les colonnes du JDD que ce pays n'est pas encore "complètement stabilisé". Selon lui, Le spectre majeur réside dans l'instrumentalisation de l'élection présidentielle par des éléments dits "résiduels" de groupes islamistes liés à Al-Qaïda. Ces dernières multiplient les menaces et pourraient manifester de leur force de frappe sous forme d'attentats-suicides meurtriers, comme ils en ont commis les mois derniers au Mali, mais aussi au Niger voisin.
Des tensions attendues à Kidal
La France, l'ONU et le régime de transition au pouvoir à Bamako ont par ailleurs insisté sur la nécessité d'un vote sur l'ensemble du territoire national afin que le nouveau président élu ait la crédibilité indispensable au redressement et à la réconciliation d'un pays profondément divisé.
Les récentes violences qui ont fait quatre morts, de nombreux blessés et dégâts matériels dans la région de Kidal (nord-est), fief des Touareg et de leur Mouvement de libération national de l'Azawad (MNLA), et où des agents électoraux ont également été brièvement enlevés, font peser des doutes sur la tenue du scrutin dimanche prochain.
Ces incidents graves se sont produits en dépit de la signature d'un accord de paix, le 18 juin à Ouagadougou, entre le MNLA et le pouvoir de transition à Bamako permettant le cantonnement des rebelles touareg et le retour contesté de quelque 150 soldats maliens dans la ville de Kidal.
"Dans la mesure où il ne s'agit que d'un accord intérimaire (l'accord de Ouagadougou) avant l'ouverture d'un processus de dialogue plus important après l'élection présidentielle, le jeu qui consiste à faire monter les enchères ne va pas cesser", explique Gilles Yabi, analyste à International Crisis Group (ICG), qui ajoute: "L'impact sur l'élection et sur sa crédibilité dépendra de ce qu'il se passera le jour du vote à Kidal".
Cependant, le tableau n'est pas uniformément sombre : des représentants du MNLA et d'un autre groupe rebelle, le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), ont été reçus dimanche à Bamako par le président de transition Dioncounda Traoré, pour parler "de paix" et de "réconciliation".
60% des cartes d'électeurs distribuées
Si la région de Kidal suscite le plus d'interrogations, le risque est aussi que les quelque 7.000.000 cartes électorales ne soient pas distribuées à temps dans d'autres régions. Le 18 juillet, un document officiel des organisateurs de l'élection soulignait que "le taux de remise des cartes" était "d'environ 60%". Les modalités de vote pour les déplacés et les réfugiés, soit environ 500.000 personnes restent en effet floues, en particulier dans les immenses camps au Niger, au Burkina Faso et en Mauritanie
Pis, le fichier électoral malien, présenté la semaine dernière par la Délégation générale aux élections du Mali (DGE) aux représentants des candidats engagés dans la course à la présidence, a été élaboré dans de délais très courts et sur la base d'un recensement défaillant datant de 2009. D'où le très faible taux d'inscription des Maliens résidant à l'étranger: à peine 265 000 électeurs inscrits, contre plus de 700 000 dans l'ancien fichier. Si bien que des voix à s'élèvent pour exiger un report du scrutin. Tiébilé Dramé, ancien ministre, récemment émissaire de Bamako pour les négociations avec les rebelles touaregs du MNLA(Mouvement national de libération de l'Azawad) dénonce ainsi «un processus mené dans l'autisme et la précipitation.». Il était jusqu'à mercredi dernier l'un des vingt-huit candidats à la présidentielle malienne. Après avoir saisi en vain la Cour constitutionnelle pour demander un report du scrutin, Tiébilé Dramé a finalement décidé de retirer sa candidature. «Je ne veux pas m'associer à un processus dans lequel je ne crois pas», a regretté l'ex-candidat, qui juge qu'un délai supplémentaire est indispensable pour réunir les conditions d'une élection crédible.
A ces obstacles, s'ajoutent un redéploiement seulement partiel de l'administration centrale dans le Nord et des conditions climatiques difficiles. En effet, le scrutin se déroule en pleine saison dite "d'hivernage" en Afrique de l'Ouest, caractérisée par de fortes pluies dans le sud du Mali, des vents forts et des tempêtes de sable dans le Nord, ce qui gênent, voire obère, les déplacements. Sans oublier, la période de jeûne du ramadan actuellement en cours dans ce pays majoritairement musulman. Ces phénomènes pourraient accroître le taux d'abstention déjà assez faible au Mali en temps normal.