Alors que les Français rendent un dernier hommage à Jacques Chirac, décédé le 26 septembre 2019, l’écrivain Sané Chirfi Alfa, Chevalier de l’ordre national, appelle à restituer la dune Chirac à Tombouctou, symbole d’une amitié, morcelée et vendue.
L’ancien Président français, Jacques Chirac, est décédé le 26 septembre 2019 à l’âge de 86 ans. Ce grand homme est un ami de Tombouctou qu’il a visitée en octobre 2003. C’était une visite grandiose dans la lignée de celles de l’ancien Président du Nigeria Yakubu Gowon, des anciens présidents français Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand, du guide de la révolution libyenne Mouammar Kadhafi, entre autres.
Tombouctou, la cité mystérieuse, la ville de paix à l’hospitalité légendaire honore ses hôtes de marque en leur remettant la clef de la ville, la clef d’une porte ouvragée « Algaloum », symbole de la ville éternelle, à travers une hospitalité dont elle seule connaît les secrets.
A propos de Tombouctou, l’historien contemporain, Mawlaye Ahmed Baber a écrit un ouvrage bibliographique intitulé Al Sa’adat’ul abadiyya fî dhikr ‘Ulama’ Timbuktu’bahiyya (« Le bonheur perpétuel dans l’évocation des savants de Tombouctou la célèbre »). C’est dire toute la notoriété de la ville, qui abrita une université de 25000 étudiants. Cela signifie un ensemble de valeurs inaltérables, de respect de la parole donnée, de la reconnaissance du mérite. Ces valeurs ne permettent pas de retirer le turban après l’avoir conféré, de vendre un espace dédié à une personnalité, c’est tout simplement incompréhensible.
Un art culinaire exceptionnel avec une sauce aux douze épices suivie d’un méchoui exceptionnel savouré sur la dune, une dune d’une blancheur immaculée sous un soleil couchant couvrant ces moments de l’or de l’amitié.
Lieu de retrouvailles
Le méchoui est un grand chameau qu’on présente à Monsieur le Président muni d’un couteau, en lui disant : « Monsieur le Président, il y a un œuf dans ce chameau ». Le Président se met au travail, à l’intérieur du chameau se trouve un mouton, à l’intérieur du mouton, il y a un canard, à l’intérieur du canard, il y a un poulet, à l’intérieur du poulet il y a un pigeonneau, à l’intérieur du pigeonneau, il y a un œuf, tout un symbole qui revient à l’honorable hôte.
Jacques Chirac était comblé par cette visite et a exprimé toute sa satisfaction, lui qui apprécie à leur juste valeur la culture, les productions artisanales, l’architecture sahélo-saharienne, l’homme d’un pays de lumière, la France.
Tombouctou, pour exprimer sa reconnaissance et honorer cet hôte exceptionnel, a décidé à travers le conseil municipal de baptiser une dune, la dune Chirac, c’est là tout un symbole. La dune est un endroit de retrouvailles, de réjouissances, d’échanges dans la pureté de sentiments vrais. La dune Chirac à Tombouctou est devenue un lieu de retrouvailles qui scelle l’amitié, un endroit qui accueille les plus distingués hôtes de la sainte cité. Dès lors, la dune Chirac est devenue un patrimoine de la commune comme la Place de l’indépendance, la place Sankoré ou Gorboye Gna.
La dune vendue
Figurez-vous que la dune Chirac a été morcelée et vendue à des particuliers par la mairie de Tombouctou. Quelle aberration ! Comment peut-on vendre un tel patrimoine dans une ville aussi prestigieuse. Le baptême est un acte fort scellé entre Tombouctou et un chef d’État français. La vente de ce patrimoine signifie-t-elle que ce pacte est remis en cause pour des intérêts personnels, qui n’ont rien à voir avec ceux de la ville ? C’est un acte suffisamment grave qui doit être remis en cause par l’équipe municipale, comme d’ailleurs ce contrat de bail du stade municipal cédé à la ligue régionale de football de Tombouctou pour 99 ans, ceci à cause du gazon synthétique.
Ce bradage ne doit pas rester ainsi parce qu’au-delà de simples lots, c’est la crédibilité de la ville qui est mise à rude épreuve. C’est un coup mortel intolérable et inacceptable et toutes les dispositions doivent être prises pour libérer la dune Chirac, ceci à cause de la notoriété de la ville, pour le respect dû à la mémoire de Jacques Chirac.
Nous ne pouvons pas continuer à accepter de tels manquements parce que demain, ce sera la place de l’indépendance qui sera morcelée et vendue. Ce serait la Place Sarkilla qui sera morcelée et vendue, ce serait la Place Elhadj Sormoye Sidi qui sera morcelée et vendue. Tout un pan de notre histoire et de notre honneur, morcelé et vendu.
Nous attirons l’attention de l’opinion nationale et internationale sur cet acte suffisamment grave qui constitue une menace pour cette belle commune exceptionnelle marquée par une destruction systématique de tout ce qui en fait la spécificité. Les cimetières, les devantures des mosquées, les devantures des écoles, les espaces de repos et maintenant les éléments les plus représentatifs du patrimoine.
Restituez la dune Chirac et remettez-la à sa vocation première, un symbole d’amitié et de reconnaissance, c’est le plus bel hommage posthume que vous aurez rendu à ce grand ami de Tombouctou, le Président Jacques Chirac.