Les militaires français déployés au Sahel multiplient ces dernières semaines les interventions au Burkina Faso pour épauler ses forces armées, incapables d'enrayer l'inexorable poussée jihadiste, et ce malgré les traditionnelles réticences de Ouagadougou à appeler Paris à la rescousse.
A deux reprises en septembre, des soldats de l'opération antijihadiste française Barkhane sont venus offrir leur appui à l'armée burkinabè dans la province du Soum (nord), frontalière du Mali, théâtre en août de l'attaque jihadiste la plus meurtrière subie par les forces de sécurité(24 morts à Koutougou).
"A la demande des autorités du Burkina Faso, la force Barkhane a fourni, du 20 au 25 septembre 2019, un appui déterminant dans le renforcement des forces armées burkinabè stationnées dans la province du Soum", a sobrement annoncé jeudi l'état-major français.
Hélicoptères, commandos parachutistes, génie...au total, "plus d’une soixantaine de soldats de la force Barkhane ont été déployés pour contribuer à la sécurisation de la piste de Djibo et permettre les relèves des forces burkinabé", a détaillé à l'AFP l'état-major.
Une semaine auparavant, du 13 au 16 septembre, quelque 70 soldats français de Barkhane avaient déjà aidé les militaires à renforcer leur camp de Djibo, là encore "à la demande du gouvernement".
Si Paris a déjà lancé par le passé plusieurs opérations au profit des forces burkinabè, en particulier sous la forme d'appui aérien, ces deux envois successifs de renforts semblent marquer un tournant.
Pays sahélien pauvre d'Afrique de l'Ouest, le Burkina Faso s'enfonce depuis quatre ans et demi dans une spirale de violences, attribuées à une douzaine de groupes, certains affiliés à Al-Qaïda et d'autres à l'Etat islamique.
Sous-équipée, sous-entraînée, mal encadrée, l'armée n'a jamais été capable de faire barrage aux jihadistes, qui ne cessent d'étendre leur rayon d'action.
Inquiète de cette progression, la force Barkhane (4.500 hommes), qui concentrait jusqu'alors ses efforts dans le nord-est du Mali, a planté son drapeau au printemps dernier dans la région voisine du Gourma, frontalière du Burkina.
"Ce n'est pas anodin. Dans le Gourma, vous êtes à la poignée de l'éventail. Vous êtes notamment en mesure d'apporter un appui au Burkina s'il venait à le souhaiter", soulignait en mars le commandant de Barkhane, le général Frédéric Blachon.
- "Prise de conscience" -
De fait, "il y a une multiplication des opérations (françaises) dans le pays depuis quelques mois", souligne une source française.
Mais les militaires français abordent le sujet avec précaution et parcimonie tant il est sensible.
Le gouvernement burkinabè a toujours été très réticent à demander de l'aide à la France, l'ancienne puissance coloniale. Un souci d'indépendance hérité de la présidence de Thomas Sankara (1983-1987), père de la révolution burkinabè, anticolonialiste et nationaliste, dont le souvenir est révéré.
"Depuis quand un Etat confie sa sécurité à un autre Etat? Armées française et étrangère dehors! C'est une condition indispensable pour la victoire contre le terrorisme au Burkina et au Sahel", lançait le syndicaliste Semi Kouanda lors d'une manifestation mi-septembre, à Ouagadougou, traduisant l'état d'esprit d'une bonne partie de l'opinion publique.
Signe de la sensibilité du dossier, Paris et Ouagadougou se sont chacun empressés jeudi de démentir des informations de presse selon lesquelles Barkhane aurait construit une base militaire française à Djibo. "Fake news", a rétorqué l'état-major français.
L'ampleur du fléau et les risques de contagion aux pays voisins du Golfe de Guinée semblent néanmoins pousser les autorités burkinabé à infléchir leurs positions.
"Nous avons un problème (…) de gravité de la situation sécuritaire", admet le ministre burkinabè des Affaires étrangères Alpha Barry. "Il y a une prise de conscience. Nous avons besoin d'aide".
De son côté, un haut gradé français souligne l'impérieuse nécessité d'"empêcher que la région sombre dans le chaos".
"Le Sahel est confronté à des phénomènes entièrement nouveaux que les appareils étatiques et les armées locales affrontent sans forcément y avoir été préparées", fait-il valoir, tout en soulignant les limites de l'appui militaire de Barkhane.
"Tout est affaire de politique, c'est d'abord la guerre des gens qui vivent sur place. Nous mettons des moyens militaires à disposition d'une situation qui ne nous