Nous avons l’habitude d’écrire dans la présente rubrique qu’il arrive un moment où l’homme évalue sa propre vie. Un exercice qui permet de décider s’il faut continuer sur la même ligne, ou aborder une nouvelle. Dans la plupart des cas, cette auto évaluation sous la forme d’une remise en cause débouche parfois sur une bonne décision.
C’est le cas de notre héros du jour, Dioman Kamissoko, ancien international du Djoliba AC et du Stade malien de Bamako. Au lendemain du sacre des Aigles du Mali, en finale de la coupe Amilcar Cabral en 1989, il décide d’entreprendre autre chose que le football. Surtout que chaque joueur a reçu 500 000 F CFA et un lot à usage d’habitation. C’était la première grosse prime de sa carrière. Au bout d’une nuit de réflexion, il décide de s’aventurer aux Etats-Unis. Les choses sont allées très vite, Dioman Kamissoko sauta vers l’inconnu. Qu’est ce qui l’a réellement poussé à s’aventurer ? Quelles ont été sa surprise à l’aéroport de New York et sa chance en ville ? Pourquoi a-t-il renoncé de jouer au football aux Etats et en France malgré des propositions ? Regrette-t-il son aventure ? L’enfant de Bolibana, le gaucher naturel, n’a pas manqué de mots pour répondre à toutes ces questions. La rubrique s’appelle “Que sont-ils devenus ?”.
Dioman Kamissoko a fait ses premiers pas dans les catégories d’âge de l’AS Réal de Bamako, avant de rejoindre le centre de formation du Djoliba AC par l’intermédiaire de Yacouba Traoré dit Yaba. Le formateur des enfants du Djoliba, Aly Koïta dit Faye, avait un besoin réel et pressant de gardien pour son équipe cadette. Ce qui fait que Dioman a été de la génération des Bakary Diakité dit Bakariny, Moussa Kéïta dit Dougoutigui, Adama Traoré dit Adama Boxeur, Tiémoko Traoré dit Zembla, Dramane Kéïta dit Bafing, Aliou Keïta.
Les conseils avisés de Guatigui et Remetter
Natif de Ouolofobougou Bolibana où il était milieu récupérateur du FC Santos dans les matches de quartier, il devient portier par défaut en suppléant un jour le titulaire qui a fait défection. Mais déjà dès l’enfance, l’ancien gardien du Réal, Seydou Traoré dit Guatigui, était son idole. Ce qui explique d’ailleurs ses visites chez ce dernier à Bagadadji, pour non seulement prendre conseils, mais aussi pour lui témoigner cette envie qu’il éprouvait par rapport à ses qualités. Guatigui, qui appréciait à sa juste valeur la démarche de son cadet, l’encouragea tout en prédisant que Dioman le remplacera un jour en équipe nationale. Effectivement, le temps lui a donné raison.
Parallèlement, Sory Kourouma dit Remetter l’a aussi encadré. Même en dehors du terrain, l’ancien gardien de but international du Djoliba AC (qui fut le 1er héros de cette rubrique) lui parlait régulièrement pour lui doper le cœur. Parce qu’à l’époque le Djoliba était source de pression intense.
Au Djoliba, il a escaladé toutes les marches pour se retrouver comme troisième gardien après Sory Kourouma et Moctar Maïga. Du banc de touche, il gagne le galon de titulaire après la retraite de Moctar et le départ de Remetter pour le Gabon après la
Dioman Kamissoko avec le ministre des sports, feu Bakary Traoré
Coupe du Mali remportée en 1983 face à l’éternel rival stadiste (1-0, but d’Abdoulaye Koumaré Muller à la 12è mn). Mais tout d’abord, l’encadrement technique lui donnait sa chance, à travers les matches de l’intérieur, ou dans les rencontres de moindre enjeu.
A la suite d’une proposition du Stade malien qui consistait à lui offrir une moto Yamaha 100, et donner du travail à son père, en chômage technique, Dioman quitte le Djoliba. Certes, il avait été sélectionné en équipe nationale par Mamadou Keïta dit Capi, mais ce tournant de sa carrière donna plus de visibilité à son talent. Titulaire dans son nouveau club, il est régulièrement convoqué en équipe nationale.
En réalité, Dioman Kamissoko a fait les frais de l’élimination humiliante en avril 1984 du Djoliba dès le premier tour de la Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupes contre Great Olympics du Ghana (0 à O à Accra et 0-4 à Bamako). Ce jour, on a reproché au jeune portier rouge un certain laxisme sur les quatre buts ghanéens dans un stade omnisports de Bamako plein comme un œuf et surchauffé. Des supporters ont conclu à sa responsabilité. Or, faudrait-il rappeler que c’est toute l’équipe du Djoliba qui avait sombré cette après-midi là. Karamoko Diané prend sa place dans les buts du Djoliba.
Doté d’un moral de fer, Dioman a supporté le coup, mais a profité de l’aubaine du Stade malien de Bamako pour quitter la famille Rouge. Il avait déjà remporté un titre de champion (1982) et une coupe du Mali (1983).
Les Djolibistes n’étaient pas d’accord avec son transfert au Stade. Ils montèrent la pression, et Karounga Kéïta dit Kéké a failli le convaincre avec ses mots doux. Mais Dioman dit qu’il n’a pu se décider qu’après avoir quitté Kéké, tellement l’homme était parvenu à le décourager dans son projet.
Avec l’équipe nationale, où sa première convocation date de 1983, il a remporté la coupe Amilcar Cabral en 1989 à Bamako. Effectivement, c’est quelques semaines après ce sacre que, Dioman Kamissoko a décidé de s’aventurer.
Quelles sont les vraies raisons de son départ ? Etait-il sûr de réussir en allant aux Etats Unis ? Notre héros répond : “Les raisons de mon départ sont très simples à expliquer. Je ne travaillais pas, les primes étaient dérisoires. Pour se faire un peu d’argent, nous étions obligés de faire parfois un tour au grand marché, où des supporters nous donnaient quelques billets.
Au lendemain d’un match contre le Djoliba, un tour au marché m’a permis d’avoir dix mille (10 000) F CFA. Très joyeux, je croise devant la boutique “Mondial Sports” un aîné. C’est-à-dire un ancien international. Il me demanda juste cinq cent (500) F afin qu’il se paie à manger. Très ému, je lui ai remis cinq mille (5 000) F. Arrivé à la maison, j’ai pensé à tout ce sacrifice que ce grand frère a fait pour le football malien. Aujourd’hui, il ne quémande que le minimum pour manger. C’était désolant. Est-ce que je ne finirai pas comme lui un jour ?
A cette question, je n’ai pas eu de réponse. Immédiatement, j’ai décidé de confier mon sort à l’aventure. A l’époque, les choses n’étaient pas aussi compliquées. Comme j’avais voyagé avec les clubs et l’équipe nationale, le visa à l’ambassade Américaine n’a pas posé de problèmes. Je suis venu à l’aventure pour réussir, et je ne regrette pas d’avoir agi ainsi.”
Une fois à l’aéroport de New York, Dioman Kamissoko est surpris par un appel anonyme. C’était un malien qui l’a connu au Stade Omnisports de Bamako. L’ancien gardien des Aigles avait déjà un contact aux Etats-Unis du nom de Jagger. Après les formules d’accueil à la malienne, Dioman est conduit chez un autre Jagger. Ce dernier l’a tellement mis dans les conditions, dignes de l’hospitalité malienne, qu’il n’a plus cherché à voir son ami, l’autre Jagger. Deux jours après, son tuteur le présenta à l’ex international zaïrois Lukaka qui lui proposa deux clubs, l’un aux Etats-Unis, l’autre en France. Dioman Kamissoko qui en avait assez de la pratique du football, sans retombées, déclina l’offre, et met plutôt l’accent sur l’emploi. Lukaka lui trouve un boulot temporaire, tout en espérant que Dioman reviendra à de meilleurs sentiments par rapport aux propositions qu’il lui a faites.
Impressionné par le Dollar américain qu’il gagnait non pas par mois, mais par semaine, l’ancien portier des Aigles, dit “Adieu” au ballon. Il préfère se faire une place au soleil dans le pays de l’oncle Sam. Petit à petit, il tisse sa toile, et se paie un taxi avec ses économies. Déjà que tout s’est régularisé à son niveau, c’est-à-dire un emploi garanti, Dioman profite seulement du week-end pour faire un tour en ville avec son taxi. Les autres jours de la semaine, il le gare au parking. Bref, l’enfant de Bolibana a réussi aux Etats Unis. Il fonda un foyer avec une jeune dame de Médina Coura qu’il a connue à travers Modibo Kouyaté dit Negué (ancien international du Stade malien de Bamako et du Djoliba AC), au moment où ils évoluaient ensemble au Stade. Aujourd’hui, le couple a quatre enfants.
Pour parler des mauvais souvenirs, Dioman revient sur un fait dont il a de la peine à se défaire : “En 1989, lors du tournoi Cabral à Bamako, c’est moi qui réveillais mes partenaires tous les matins à 5heures. Je leur disais que le peuple compte sur le trophée, et gare à celui qui serait à la base d’une défaite ou d’une élimination des Aigles. Contre toute attente, face au Sénégal, je prends deux buts anodins et de façon inexplicable. Nous sommes parvenus à égaliser. Mais à la fin du match, j’ai été pris à partie par certains supporters. Cela m’a beaucoup affecté. Heureusement que tout le groupe m’a manifesté sa solidarité, en me demandant de considérer mon faux pas comme un accident de parcours”.
Autres mauvais souvenirs, cette lourde défaite des Aigles (7 à 0) contre l’Algérie en match amical. Moussa Bagayoko a pris 5 buts, Dioman son remplaçant en a encaissé 2.
Heureusement qu’à chaque fois qu’il pense aux mauvais souvenirs, il se rafraichit la mémoire avec les bons moments de sa carrière : le match du Djoliba contre l’Union de Douala en huitièmes de finale de la Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupes (1-0 à Douala et 3-0 à Bamako), le tournoi de solidarité au Burkina Faso (1985), la finale de coupe du Mali remportée contre le Djoliba (1986), le sacre des Aigles (Cabral 1989).
Fervent musulman et pèlerin à la Mecque en 2016, Dioman consacre son temps à la mosquée, et à la lecture du Coran.
Dans la vie, il déteste la calomnie, et sa passion est l’émission “Carte sur Table” de l’activiste Ras Bath.