“La vie d’un homme sans femme est fade comme un plat de riz sans sauce”
Aujourd’hui, au Mali, on ne peut évoquer la nouvelle génération qui fait la fierté de l’humour et du cinéma malien tant sur le plan national qu’international sans mentionner le nom de Yoro Diakité alias “Bintou Yoro”, ce jeune humoriste, comédien, acteur et réalisateur. Doté de qualités intrinsèques, le natif de San (région de Ségou), gravit les échelons dans le 7e art malien avec déjà à son actif de multiples distinctions nationales et internationales. Très sollicité, il a joué dans nombreuses célèbres séries comme les rois de Ségou, Tombouctou et Wulu. Dans l’entretien qui suit, le jeune Yoro nous parle de sa carrière, ses projets, ses ambitions, entre autres.
Yoro Diakité : J’ai découvert ce domaine depuis mon jeune âge à l’école. J’ai effectué mes études primaires dans une école catholique privée de San et c’est là que tout a commencé avec les chants cantiques, la musique, le théâtre et le sport. C’est à cette école que l’un de mes enseignants m’a dit que j’avais le sens de l’humour et m’a conseillé de rejoindre l’Institut national des arts (Ina) après mon Diplôme d’études fondamentales (Def). A l’époque, quand je parlais en classe, tout le monde riait. Dans la rue et en famille, je faisais rire les gens.
J’avais ce don en moi. Cependant, je n’ai pas pu faire le concours d’entrer à l’Ina. Je suis mécanicien de formation. La mécanique générale qui concerne la confection des pièces mécaniques et non la réparation, à l’Institut de formation professionnelle de San (Ifp). Je pouvais continuer dans la mécanique, mais j’avais la passion de la comédie. C’est ainsi que j’ai décidé de venir à Bamako pour tenter ma chance dans ce domaine. Je suis passé par pas mal de troupes théâtrales, notamment la troupe Babemba, Niongolon, j’ai travaillé aussi aux coté du grand réalisateur Boubacar Sidibé. J’ai eu chance de côtoyer des grandes figures de ce monde comme feu Ténéma Sanogo “Lacidant”, Ousmane Sow, Guimba National. Voilà comment j’ai fait mon chemin dans ce monde. Et Dieu merci, aujourd’hui, je suis en train de vivre ma passion.
Que signifie votre surnom Bintou Yoro et comment est-il venu ?
Bintou est le nom de la femme qui m’a mis au monde, ma mère. C’est l’occasion pour moi de dire merci à cette brave dame qui s’est beaucoup battue pour moi. Merci à toutes nos mamans, à nos femmes, ainsi qu’à nos sœurs. Parce que la vie d’un homme sans femme est fade comme un plat de riz sans sauce. Ce surnom parce que partout où je passe sur scène, je veux dire à mon public que nous ne devons jamais cesser de remercier nos mamans. Aussi, c’est une façon pour moi de montrer l’amour que j’ai pour ma mère.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confronté dans ce domaine, notamment à vos débuts ?
Vous savez, rien n’est facile dans la vie et le début de toute chose a ses difficultés. Au départ, j’ai rencontré des difficultés d’abord au sein même de ma famille. Vous savez, notre société est très conservatrice et certains membres de ma famille ne voulaient pas que je fasse de la comédie. Mais au fur et mesure, ils ont compris que c’était un métier noble tout comme les autres. Mais au début, ce n’était pas facile car la famille, les proches et l’entourage, voire la société, avaient une mauvaise image du métier de comédien. Au-delà de la famille, j’ai beaucoup souffert au début car je n’avais même pas de moyen de déplacement pour aller à mes répétitions. Je marchais à pied pour aller à mes spectacles. Après quelque temps, je me suis acheté un petit vélo, ensuite une moto, ainsi de suite.
Avez-vous remporté des trophées dans votre carrière de comédien ? Si oui, lesquels ? Et lequel vous a le plus marqué ?
J’ai eu pas mal de trophées au cours de ma jeune carrière. Par exemple, cette année même, j’ai remporté le trophée de la première édition de Mali Awards. Avant ça, j’ai remporté pas mal de distinctions au Mali et à l’extérieur. J’ai remporté, en 2012, le prix du meilleur humoriste du festival international Tizi Ouzou en Algérie, meilleur humoriste de la 1ère édition du talent du rire de Galaxy Plus en 2013. Le trophée qui m’a le plus marqué est celui de l’un des plus grands festivals du rire au Burkina Faso, le Ouistiti d’Or en 2018, que j’ai été le premier malien à remporter. C’est à travers un personnage que j’incarnais dans l’émission Tadaza sur l’Ortm où j’imitais les islamistes, les djihadistes. C’était une façon pour moi de dire au monde entier de ne pas se fier à ces djihadistes qui se cachent dernière l’islam pour faire du mal. Il est écrit sur ce trophée, “Trophée d’honneur pour l’engagement à l’éveil des consciences et la tolérance religieuses”. Ce qui m’a vraiment touché.
Yoro Diakité a-t-il des projets dans ce domaine ?
J’ai beaucoup de projets, nomment un centre de formation pour pouvoir aider les jeunes qui ont vraiment envie d’embrasser ce métier. Je suis également en phase préparatoire de mon tout premier spectacle One Man Show intitulé “Tchounai”, qui parle de l’éducation des enfants. C’est une manière pour moi d’interpeller la jeunesse, les parents et surtout les autorités maliennes par rapport à l’éducation. Je prévois de créer aussi un festival qui permettra aux humoristes africains, voire du monde, de découvrir le Mali et la culture malienne.
Quelles sont les ambitions de Yoro dans sa carrière de comédien ?
J’ambitionne de devenir un grand réalisateur de cinéma. C’est pourquoi je suis souvent dernière la caméra pour apprendre le métier de réalisateur. Je voudrais, à l’avenir, écrire des histoires et les réalités de ma société et d’en faire des films pouvant aider ma société. Je voudrais contribuer au rayonnement de la comédie et du cinéma malien. Porter plus haut la culture malienne et rehausser l’image de la culture malienne partout dans le monde reste mon ambition la plus ardente.
Quel sera votre dernier mot ?
Je demande à la jeunesse de se préparer à relever les défis qui l’attendent. Il est temps qu’on cesse de s’asseoir autour du thé. Il est temps d’affronter la réalité de ce pays. Il faut que les jeunes sachent que la jeunesse est une chance pour une nation. Nous devons exploiter cette jeunesse. J’invite donc la jeunesse à se donner la main et à travailler ensemble pour le bonheur du pays. Que chacun fasse ce qu’il peut pour le développement de notre pays. Jouons notre rôle quand il est encore temps car l’histoire nous jugera un jour.