Il dérobe une voiture pour ensuite la transformer en véhicule de transport en commun oubliant de dissimuler le numéro du châssis. Par malchance, il embarque un client en ville qui s’avère le vrai propriétaire de l’engin volé
C’est une nouvelle race de voleurs d’engins à quatre roues qui est sur le point de voir le jour à Bamako. Ils sont tellement ingénieux que, s’ils s’emparent de votre voiture à votre insu, il faut prier Dieu et être accompagné d’une chance hors du commun pour la retrouver.
Donc, être comme cet enseignant du supérieur que nous désignons par l’initial « C ». Apparemment, dans le registre des policiers du commissariat de police du 6è arrondissement, ce modeste enseignant fait partie des premières victimes connues de ce genre de vol à Bamako.
C’était il y a quelques semaines à Babouyabougou, quartier périphérique de la Cité des Trois caïmans. « C » est calmement rentré chez lui à la fin d’une journée harassante. L’enseignant en a l’habitude. Une fois à la maison, il gare sa voiture, une « Mercedes 190 », dans un endroit qui, pour lui, est censé la mettre à l’abri des malfaiteurs.
Rassuré, et sans se soucier de quoi que ce soit, « C » s’est engouffré chez lui, le temps que le jour paraisse pour reprendre ses activités quotidiennes à l’image de tout bon chef de famille à Bamako. Ce jour-là, il s’attendait à tout sauf qu’il allait être victime du vol spectaculaire de sa « Mercedes 190 ».
Pourtant, ce fut le cas, à sa grande surprise avant même que le soleil ne se lève. La surprise était telle que notre enseignant ne pourra expliquer dans quelles conditions sa voiture a subitement disparu de chez lui. Tout ce qu’il a pu, c’est d’avoir fait l’amer constat que sa voiture n’est plus à sa place. Imaginez une scène du genre.
Complètement confus et abattu, le pauvre enseignant a fouillé dans sa tête pour comprendre ce qui a pu se passer la veille. Des dizaines de minutes de réflexion n’y font rien. Il informe (naturellement) parents et proches du mauvais sort que le destin semble lui avoir réservé ce jour-là.
En quelques heures seulement, celui qui se déplaçait avec un certain confort dans la ville, est retourné, contre son gré, à ses vieilles habitudes, en empruntant les véhicules de transport en commun pour effectuer ses déplacements dans la capitale.
Totalement chagriné face à une situation d’impasse, et en bon croyant, l’homme n’a pu que s’en remettre à Dieu, le Tout-Puissant. Il est convaincu que Dieu ne dort pas. Et que c’est Lui et Lui Seul qui peut détricoter les situations les plus confuses, ici-bas.
Le malheureux enseignant a pris son mal en patience, très probablement avec l’espoir de chercher une autre voiture. Il ne voyait aucun signe d’espoir de retrouver celle qu’il vient de perdre dans des circonstances inexplicables.
Environ trois semaines durant, « C » a recours aux services des véhicules de transport en commun (taxis et autres Sotrama) pour effectuer ses déplacements au quotidien. Il y a environ une dizaine de jours, le malheureux a emprunté un taxi pour se rendre au centre-ville pour ses courses. Après quelques heures en ville, il lui fallait retourner à la maison.
Comme font les clients des taximen, l’enseignant s’est arrêté au bord de la route, le temps d’avoir un taxi pour rentrer chez lui à Babouyabougou. Ce jour-là, l’homme savait tout sauf que la chance allait lui sourire et le remettre dans ses droits, comme, on
le dit.
TABLEAU DE BORD PARTICULIER
Pendant qu’il est arrêté au bord de la route, un taxi pointe à l’horizon et se dirige vers lui. D’un geste rapide, il parvient à attirer l’attention du chauffeur sur lui. Et tout est allé vite. Les deux discutent du prix à payer pour ce déplacement. Ils tombent d’accord et le chauffeur met le feu au moteur de la « Jaune », direction Babouyabougou. Jusque-là, rien d’anormal.
En cours de route, l’enseignant qui ne semble pas toujours digérer la perte de son véhicule, jette de temps à autres des coups d’œil anodins sur le tableau de bord de ce taxi à bord duquel il a pris place peu avant. C’était également une « Mercedes 190 » qui a quasiment toutes les caractéristiques que la sienne qu’il vient de perdre il y a juste quelques semaines. Pendant qu’il scrutait des yeux le tableau de bord, il a été surpris d’y faire un constat qui le fit sursauter en silence.
Au moment où il avait acquis cette voiture, il s’était amusé à faire une marque avec un objet tranchant que lui seul pouvait déchiffrer quelque part sur le tableau de bord. Peut être que l’enseignant a fait cela sans savoir que cette marque allait lui être utile un jour.
Pourtant, c’était le cas ce jour-là. Pendant tout le trajet, l’homme ne faisait que fouiller des yeux le tableau de bord du véhicule. Il est arrivé un moment, où l’enseignant était convaincu à cent pour cent que cette « Mercedes 190 » lui appartenait. A la différence de certains individus, l’homme a gardé tout son sang-froid. Il est resté calme et imperturbable assis à côté du chauffeur jusqu’à destination.
En homme intelligent, il a essayé de tisser une certaine affinité avec ce jeune homme qui devient du coup un suspect sérieux pour lui. Il lui a proposé de passer le prendre chaque matin à cet endroit précis. Face à un tel marché juteux, le chauffeur de taxi ne pouvait qu’accepter.
Il semble même qu’ils ont échangé les numéros de téléphone au cas où… Sur place, le client a payé ce qu’il devait au taximan, puis les deux se sont séparés. En réalité, c’est le début de la décente aux enfers pour le jeune chauffeur de taxi.
Quelques instants plus tard, l’enseignant s’est précipité vers le commissariat de police du 12è arrondissement. Au chef de la brigade des recherches de ce commissariat de police, le capitaine de police Dansény Koné, il a fait un bref ramassé de son histoire de vol.
A l’officier de police judiciaire, l’enseignant a ensuite remis tous les documents de sa voiture volée. Il a également fait tout son possible pour faciliter l’interpellation du taximan suspect. A partir du moment où les limiers disposaient d’indices concordants, le chauffeur de taxi a été très vite appréhendé sans grande difficulté en pleine circulation alors qu’il cherchait sa fameuse recette du jour.
Conduit dans les locaux du 12è arrondissement, l’homme a été placé en garde à vue pour quelques heures. Histoire de lui rafraîchir la mémoire. Interrogé, l’indélicat chauffeur de taxi, qui s’est avéré un véritable voleur de voiture, a avoué sans ambages. Mieux, il aurait même coopéré en dénonçant un complice qui serait actuellement emprisonné quelque part à l’intérieur du pays. Preuve qu’il évolue dans le vol.
Mais auparavant, les policiers ont vérifié les deux documents. Ceux du chauffeur et du plaignant. Conclusion : « La Mercedes 190 » appartient au second sans aucun doute. Il s’est trouvé qu’après s’être emparé du véhicule, le voleur l’a repeint en jaune. Il a changé la plaque minéralogique en la remplaçant avec une autre. Bref, il a fait en sorte que l’engin paraisse comme lui appartenant. Mais malheureusement, il ne s’est pas donné la peine de faire disparaître le numéro du châssis.
Minutieusement, les policiers ont tout vérifié pour éviter tout doute dans cette histoire. Les preuves étaient suffisantes pour que « La Mercedes 190 » revienne à l’enseignant, son vrai propriétaire. C’est la justice qui se chargera de la suite à donner à cette affaire rocambolesque de vol de voiture.