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Interview : ‘’Les 3 missions de la CNDH sont la protection des droits de l’homme; la promotion des droits de l’homme et la prévention de la torture au Mali’’, dixit son président Aguibou Bouaré
Publié le jeudi 17 octobre 2019  |  Le Confident
Formation
© aBamako.com par FS
Formation des OSC sur l`élaboration de rapport
La Commission Nationale des Droits de l`Homme (CNDH) a organisé les 25 et 26 Juillet 2019, une session de formation sur l`élaboration de rapport sur la situation des Droits de l`Homme à l`intention des Organisation de défense des Droits de l`Homme.
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Dans cette interview inédite, M. Aguibou Bouaré nous permet de mieux connaitre la Commission Nationale des Droits de l’homme du Mali (CNDH). De par la même occasion, il met l’accent sur les objectifs qu’il compte atteindre.

Lisez plutôt la suite…

Le Confident : Qui est M. Aguibou Bouaré ?

AB : Je me nomme Aguibou BOUARÉ, je suis juriste, diplômé de l’ENA de Bamako, titulaire d’un DESS en droit des affaires, Responsable Juridique de Banque pendant 17 ans, Syndicaliste, Commissaire des Droits de l’Homme, Président de la Commission Nationale des Droits de l’homme du Mali.

Le Confident : Il y a de cela 3 mois, vous avez été choisi pour diriger la Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH), comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?

AB : J’ai accepté avec plaisir fierté et beaucoup d’humilité la confiance que mes pairs (Commissaires) ont placée en ma modeste personne, en me désignant Président de cette importante Autorité Administrative Indépendante, Institution Nationale des Droits de l’homme et Mécanisme National de prévention de la torture, qu’est la CNDH.

Je profite de l’opportunité, que vous m’offrez ainsi, pour encore clarifier le statut juridique de la CNDH que beaucoup de nos concitoyens confonde à une Association ou à une organisation de la société civile, parfois à des niveaux insoupçonnés.

La CNDH n’est ni une Association, ni une organisation de la société civile, elle est bien une Autorité Administrative Indépendante créée par la Loi N°2016/036 du 07 juillet 2016. Elle est investie de trois missions essentielles : la protection des droits de l’homme; la promotion des droits de l’homme et la prévention de la torture au Mali.

Le Confident : Quelles sont les missions principales assignées à la Commission nationale des Droits de l’Homme ?

AB : Pour revenir aux missions essentielles de la CNDH, il faut retenir la mission de protection des droits de l’homme: À ce titre, la CNDH a un mandat légal de recevoir des plaintes individuelles ou collectives de toute personne physique ou morale, relatives à des allégations de violation des droits humains. Elle a le pouvoir d’enquêter, d’investiguer et d’entreprendre toutes mesures nécessaires, en vue de mettre fin auxdites violations. Elle oriente les plaignants et leur assure une assistance juridique, en cas de besoin. Elle a un mandat de donner les conseils avisés aux autorités compétentes ; de faire des recommandations à leur attention dans le sens d’un meilleur respect des droits de l’homme.

Au titre de la prévention de la torture, la CNDH est investie du mandat d’effectuer des visites régulières ou inopinées au niveau de tous les lieux de privation de liberté (unités d’enquête, maisons d’arrêt, tout autre lieu où une personne serait détenue). Elle doit prendre des mesures et/ou faire des recommandations dans le sens de l’humanisation des lieux de privation de liberté, et veiller au respect, dans lesdits lieux, de l’interdiction stricte de la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Au titre de la promotion des droits de l’homme, la CNDH a mandat d’instaurer une culture des droits de l’homme au Mali, à travers la formation, l’information, la sensibilisation, la communication, et l’institution de l’enseignement des droits humains au niveau de tous les cycles d’enseignement.

Dans la même veine, elle fait le plaidoyer afin d’amener notre pays à ratifier les instruments juridiques internationaux pertinents sur les questions de droits de l’homme. Elle émet également un avis éclairé sur tout projet ou proposition de textes en lien avec les questions de droits humains. Il est important de préciser que la loi confère aux Commissaires de la CNDH un pouvoir de réquisition à l’égard de toutes structures privées, publiques ou parapubliques; ces structures sont tenues de déférer à ses réquisitions. Les Commissaires jouissent également de l’immunité judiciaire, en ce sens qu’ils ne peuvent être ni poursuivis ni interpellés ou jugés aussi bien pendant leur mandat qu’après, par rapport à tout acte posé dans le cadre de l’exercice dudit mandat. En clair, cette loi attribuant ces importantes prérogatives et missions à la CNDH répond aux exigences d’une résolution des Nations Unies qu’on appelle “Principes de Paris “, lesquels imposent aux États disposant d’Institutions Nationales des Droits de l’homme, le respect de certaines normes.

Le Confident : De votre nomination à nos jours, quels sont les actes que vous avez d’ores et déjà eu à poser ?

AB : Depuis ma désignation, à la succession de Maître Malick Coulibaly, un grand juriste, droit de l’hommiste bon teint que je salue et félicite au passage pour son engagement et les immenses efforts qu’il ne cesse de consentir pour la noble cause des droits fondamentaux de la personne humaine, j’ai continué, bien entendu, avec l’ensemble des Commissaires composant la CNDH, la mise en œuvre de notre plan stratégique triennal.

Ce plan tourne autour de la protection des droits de l’homme à travers le traitement des nombreuses allégations de violation des droits fondamentaux (les cas de dépassement de délais légaux de détention, les cas de torture, les cas de détention illégale ou arbitraire, l’assistance juridique régulière, l’assistance judiciaire etc.).

Nous avons continué les visites régulières ou inopinées au niveau de différentes unités d’enquête, de maisons d’arrêt tant à Bamako que dans d’autres régions du Mali. Nous avons également organisé des sessions de renforcement de capacité sur les questions de droits humains à l’intention des acteurs gouvernementaux et de la société civile dont l’une à l’intention des hommes de médias.
Nous avons entamé des campagnes de sensibilisation dans le sens d’une meilleure visibilité de la CNDH et d’une bonne connaissance de son mandat légal.

Nous avons effectué des missions d’enquête et d’établissements des faits par rapport à certaines violations des droits. Nous avons publié des communiqués appelant l’attention de l’État sur certains cas de violations des droits humains. Nous avons accentué la promotion de la collaboration avec les Institutions de la République, les associations et organisations de défense des droits de l’homme ainsi qu’avec certains organes du système des Nations Unies notamment la division des droits de l’homme de la MINUSMA comme la loi nous y invite.
Je profite de l’occasion pour exprimer toute ma gratitude à cet organe pour l’assistance multiforme qu’elle accorde à la CNDH pour un meilleur respect des droits humains dans notre pays.

Je remercie également, singulièrement, le Royaume du Danemark pour son assistance précieuse à travers le Fonds d’Appui aux Moteurs du Changement (FAMOC), sans oublier l’Institut Danois des Droits de l’Homme (IDDH), EUCAP SAHEL, PNUD bref tous les partenaires de la CNDH.

Je ne saurais occulter l’apport déterminant des organisations de défense des droits de l’homme du Mali représentées du reste par certains Commissaire de la CNDH, singulièrement les organisations membres du Cadre de Concertation de la CNDH.

Le Confident : Quels sont les objectifs majeurs que vous souhaitez atteindre ?

AB : Nous avons un certain nombre d’objectifs majeurs, notamment instaurer une véritable culture des droits de l’homme dans notre pays afin d’assurer une meilleure protection des droits fondamentaux; Faire en sorte que tout le monde comprenne dans notre pays que les droits de l’homme inhérents à la nature humaine fondés sur la sacralité de l’homme, le respect de sa dignité, font partie de notre quotidien qu’ils ne sont point un concept importé, contrairement à certains clichés.

Qu’il s’agisse du droit à la vie, du droit à l’intégrité physique, du droit à la justice, du droit à la santé, à la culture, à l’éducation, à un environnement sain etc., nous sommes tous préoccupés (confrontés) au quotidien, par le respect de ces différentes catégories de droits.

De façon prosaïque, sans le respect des droits humains, la torture aurait cours, or imaginez qu’au détour d’une promenade dans votre quartier, vous vous retrouvez sur le théâtre d’un crime, la police vient interpeler toutes les personnes présentes sur les lieux de l’infraction pour besoin d’enquête, avant que votre innocence ne soit établie, vous pourriez être l’objet de torture, de garde à vue sans respect du délai légal…

C’est le respect du principe de la présomption d’innocence (une garantie judiciaire exigée par les droits fondamentaux), de l’interdiction de la torture qui vous permettront de bénéficier de meilleures conditions de détention même si vous êtes jugé finalement coupable a fortiori innocent. C’est vous dire tout simplement que nous frôlons au quotidien la violation de nos droits fondamentaux ou de ceux d’autrui.

Que dire de la vindicte populaire, une violation grave des droits de l’homme, conduisant souvent à l’assassinat d’innocentes personnes injustement assimilées à des brigands… Un autre objectif est de sensibiliser les Responsables des unités d’enquête, les forces de l’ordre et de sécurité, les juges… à l’obligation de respect des droits de l’homme, mais avant, à les familiariser avec les instruments juridiques en la matière, à travers des sessions de renforcement de capacité.

Un objectif important aussi consistera à assurer un meilleur maillage du territoire national en déployant les antennes régionales de la CNDH pour une surveillance rapprochée et efficace du respect des droits des personnes sur le territoire Malien. Rendre la justice dans un délai raisonnable fait aussi partie de nos objectifs dans le cadre du droit à une justice crédible et équitable.

Le Confident : Quelles sont vos difficultés dans l’exercice de votre fonction et que proposez-vous pour y remédier ?

AB : Le premier défi auquel nous sommes confrontés, en ce moment, est celui sécuritaire en ce sens que nous n’avons pas les moyens de nous déployer dans certaines localités du pays pour des raisons d’insécurité. L’insuffisance de ressources financières et humaines face à l’immensité des tâches. Néanmoins, il convient de saluer les efforts du gouvernement, à travers le Ministère des Finances, pour l’amélioration progressive du budget alloué à la CNDH, et les appuis logistiques.

Ensuite, la méconnaissance du mandat légal de la CNDH par la plupart des structures publiques et parapublique avec lesquels nous devons collaborer d’où certaines résistances persistantes que nous rencontrons dans la mise en œuvre de la loi. À ce niveau, il convient de saluer les Ministres de la sécurité et de la justice pour avoir initié et diffusé des lettres circulaires invitant expressément leurs structures de tutelle à une bonne collaboration avec la CNDH.

D’ailleurs suite à une de nos plaintes pour déficit de collaboration et manque de professionnalisme, en violation du mandat légal de la CNDH, un responsable d’unité d’enquête a écopé d’une sanction exemplaire. C’est dire à quel point le mandat légal de la CNDH a besoin d’être connu, diffusé au niveau des Institutions de la République, des unités d’enquête, des juridictions, des Famas, surtout des populations afin que toute personne puisse bénéficier d’une jouissance effective de ses droits dans notre pays.

Le Confident : Votre mot de la fin ?

AB : Je tiens à vous remercier sincèrement pour cette opportunité que vous m’offrez de clarifier le statut juridique de la CNDH, d’expliquer son mandat légal aux populations. Je réitère l’appel à l’endroit des plus hautes autorités, dont la CNDH, dans sa forme actuelle, résulte de l’expression de la forte volonté politique, à travers sa loi de création en 2016 conforme aux principes de Paris, à accompagner, soutenir et renforcer le combat noble pour la protection et la promotion des droits humains. Il est constant que le respect des droits de l’homme conditionne le développement de tout pays.

J’invite l’ensemble des citoyens, toute personne vivant sur le territoire Malien à être le porte-parole de la CNDH dans le combat des droits de l’homme car la protection desdits droits est une responsabilité partagée. La violation des droits de l’homme n’arrive pas qu’aux autres. Il suffit de se retrouver au mauvais moment au mauvais endroit.

Nul ne se sauvera seul!

Interview réalisée par Drissa Kantao
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