«En plus de l’imam Yattabaré, je voulais aussi assassiner le président Ibrahim Boubacar Keita, le prêcheur Ousmane Chérif Madani Haidara et l’imam Mahamoud Dicko car pour moi, ils sont tous des mécréants ».
Voici la principale révélation qu’a faite Moussa Guindo devant le juge d’instruction qui l’interrogeait au sujet de l’assassinat de l’imam Adoul Aziz Yattabaré. Guindo sera jugé le mardi 19 novembre 2019, lors de la 2ème session de la Cour d’assises de Bamako au titre de l’année 2019, qui s’ouvre ce lundi 28 octobre 2019.
Rappel des faits
De l’arrêt de renvoi de Moussa Guindo devant la Cour d’assises dont nous avons obtenu copie, il ressort que dans la mosquée dite «Yattabaré» sise à Médina Coura, en face du stade omnisports Modibo Keita de Bamako, Moussa Guindo avait pris l’habitude d’effectuer ses 5 prières quotidiennes. Il y fera la connaissance de l’imam de la mosquée, Abdoul Aziz Yattabaré.
Le 19 janvier 2019 vers 5 heures du matin, Moussa Guindo quitte son dortoir (un magasin contigu à la mosquée), muni d’un couteau et d’un gourdin. Il se place dans un coin où passe très souvent l’imam Yattabaré pour rejoindre la mosquée.
L’imam, comme d’habitude, quitte son domicile pour la prière de l’aube qu’il doit présider. Arrivé au niveau de Moussa Guindo, il est abordé par celui-ci. Guindo lui demande : « Pourquoi m’en veux-tu? Que t’ai-je fait de mal? ». L’imam Yattabaré ne répond pas à la question de Moussa Guindo et poursuit son chemin. Moussa se rapproche alors de l’imam et le terrasse. Ensuite, il lui donne plusieurs coups de gourdin à la tête. La victime n’arrive pas à crier pour appeler à l’aide. Moussa Guindo multiplie les coups de gourdin. Il sort enfin son couteau et en assène plusieurs coups à l’imam Yatabbaré. Mortellement blessé, ce dernier tente de rejoindre la mosquée en rampant. Il est aperçu par le muezzin qui guettait son arrivée à la porte de la mosquée. Le muezzin crie au secours, alertant les fidèles déjà installés dans la mosquée. L’imam est conduit à la clinique Pasteur. Il rendra l’âme quelques instants après son admission aux urgences de la clinique.
Au même moment, Moussa Guindo se rend lui-même au commissariat du 3ème arrondissement de police de Bamako pour déclarer son crime. Devant les enquêteurs du 3ème arrondissement et, plus tard, devant le juge d’instruction, il fait des aveux circonstanciés. Il dira qu’en plus de l’Imam Yattabaré, il avait pour objectif d’assassiner le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita; Mahamoud Dicko, alors président du Haut conseil islamique, et Ousmane Madani Haidara, le leader de l’association islamique Ansardine. Selon Moussa Guindo, ces personnalités ne méritent pas de vivre car « ce sont des mécréants ». À la question du juge d’instruction pourquoi il s’est rendu aux autorités après le premier crime, Guindo va du coq à l’âne. Il rappelle toutefois avoir déjà été condamné à 10 ans de prison en Guinée Equatoriale pour complicité de vol. Il n’arrive pas à expliquer s’il a été libéré ou s’il s’est évadé de la prison équato-guinéenne.
Le magistrat instructeur trouvant trop d’incohérences dans l’attitude de Moussa Guindo, ordonne une expertise médicale. Une première expertise en date du 21 janvier 2019, effectuée par le Docteur Souleymane Coulibaly du CHU du Point G, révèle chez Moussa Guindo un trouble de nature psychosomatique, une schizophrénie paranoïaque avec une dangerosité psychiatrique. Une seconde expertise en date du 10 avril 2019 effectuée par le Docteur Joseph Traoré confirme les premières constatations.
Malgré ces expertises qui reconnaissent fou le criminel, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako retient sa responsabilité pénale et le renvoie devant la Cour d’assises pour être jugé pour crimes d’assassinat, de torture et d’outrage envers des dépositaires de l’autorité publique. Placé sous mandat de dépôt le 21 janvier 2019, Moussa Guindo comparaîtra le mardi 19 novembre 2019 et jours suivants devant la Cour.
La question qui se pose à présent est de savoir comment juger un inculpé reconnu fou par des experts. Autre problème : si les juges décident d’acquitter l’assassin pour raison de folie, la ville risque d’entrer en ébullition. En effet, certains leaders religieux, depuis plusieurs semaines, mettent en garde contre toute libération de Moussa Guindo. Ils exigent sa condamnation à mort et l’exécution effective de la sentence, voyant même derrière son crime des mains politiques.
Il faut noter qu’en plus de cette affaire d’assassinat de l’imam Abdoul Aziz Yattabaré, 130 autres affaires sont inscrites au rôle de cette 2ème session de la Cour d’assises. Elles impliquent 168 accusés parmi lesquels 117 sont détenus. Selon Alou Nampé, avocat général près la Cour d’appel de Bamako, les affaires portent entre autres sur des cas de terrorisme, d’assassinat, de coups et blessures volontaires, d’infanticides, de blanchiment de capitaux, d’atteinte aux biens publics et de trafic international de drogue.