En accordant une attention particulière à la renaissance de La Poste, les autorités publiques du Mali ne font que rendre justice à une des plus vieilles institutions du monde, agressée depuis quelques décennies par le tout commercial, au détour duquel, comme en avisait l’Union postale universelle (Upu) dès 1985, l’usager devait disparaître pour être replacé par le client. La nuance vaut son peson d’or !
Ainsi donc, sans être préparés, les postiers de nombre de pays africains se devaient alors de s’adapter très rapidement à un nouvel environnement où la logique commerciale s’imposait au traditionnel service public.
Les administrations postales qui ont vite été projetées dans l’air du temps, sont celles ayant compris qu’il fallait alors se remettre en cause rapidement, redéfinir plus exactement le métier, ce socle sur lequel doit se construire toute stratégie viable de développement. Plus prosaïquement, Il fallait donc comprendre rapidement qu’avec le développement des Technologies de l’information et de la communication, le transfert de fonds allait passer du circuit physique à celui virtuel. Ceci pour faire siennes lesdites technologies, lesquelles ont fini de bouleverser les habitudes de vie dans le monde entier. Il fallait donc opérer une rupture dans laquelle l’optique marketing devrait être de mise pour anticiper sur la demande de services, par une étude des besoins évolutifs des populations.
Mais les administrations postales qui ont eu cette chance de résister à ce bouleversement de l’environnement et ensuite se mettre à niveau un tant soit peu, ne font pas partie de celles quasiment oubliées par leurs autorités publiques, plus préoccupées à gérer au quotidien des réformes économiques taillées par les institutions de Bretton Woods dans des politiques d’austérité impopulaires, ayant d’ailleurs entrainé la chute de nombre de régimes africains dans les années 1980-90.
Ce fut plus grave pour La Poste du Mali, véritable laboratoire de réformes drastiques du secteur postal, au nom de prétendues conditionnalités de l’appui budgétaire qui sous-tendait lesdites réformes. Ce qui a amené à faire le départ entre les services purement postaux et les services financiers postaux, lesquels constituent pourtant, aujourd’hui, l’axe de développement des plus grandes administrations postales dans le monde. Et certaines de ces administrations postales se permettent même de créer des établissements financiers postaux, véritables banques populaires de style moderne qui concourent de façon déterminante à l’inclusion bancaire.
Pourtant, c’est à la suite de la scission de la poste du Mali qui a perdu des services importants et futuristes comme les chèques postaux et la Caisse d’épargne, que des postiers de pays voisins, ayant compris le caractère néfaste desdites réformes imposées par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, se sont mobilisés pour éviter le même sort chez eux. L’exemple du Mali était très souvent cité par les responsables syndicaux des postes des pays de l’Afrique de l’ouest qui se battaient contre ce qu’ils appelaient “la balkanisation de la poste à la malienne”.
La Poste malienne, ayant donc servi de cobaye, a été réduite, après la séparation des services postaux et des télécommunications, à se départir de sa branche de services financiers, pour ne garder que les prestations relatives au traitement du courrier physique, aux mandats postaux, aux colis et paquets postaux. La suite est connue : le courrier physique est cannibalisé par celui électronique, le service des mandats tué par les transferts électroniques d’argent et le service des colis et paquets postaux vendangé à travers des autorisations délivrées à des sociétés privées de messagerie. C’était l’enterrement de première classe du monopole postal, abattu par l’usure du temps.
C’est donc heureux de voir que malgré une longue traversée du désert, les femmes et les hommes de la grande famille postale du Mali n’ont jamais baissé les bras. Ils ont fait preuve de patience et d’abnégation pour sortir la poste de l’agonie prémédité, dans laquelle elle se trouvait plongée. Enfin le bout du tunnel pour sortir définitivement la Poste malienne de la pénombre et la faire rayonner au soleil de l’espoir et à la pleine lune de la performance.
Mais ce n’est que le début de la renaissance de la Poste. L’Etat malien doit donc accompagner davantage la Poste qui est en train de se relever, en actionnant ses deux leviers essentiels : d’une part sa proximité de la population bâtie sur une solide expertise de prestation de services publics et d’autre part son réseau bâti au fil des ans.
Justement, ce réseau qui participe de l’aménagement et du développement du territoire doit être renforcé. C’est là où les autorités publiques doivent beaucoup s’investir pour prévoir, au nom de l’aménagement du territoire, la présence et la place de la Poste dans toutes les localités du pays, et surtout dans les nouveaux quartiers qui repoussent chaque jour les limites de la capitale, Bamako. C’est le meilleur moyen d’accompagner les efforts de l’équipe dirigeante actuelle de la Poste malienne dont la démarche stratégique vise à réhabiliter le patrimoine, rendre la poste plus visible et attrayante, non seulement par sa présence physique, mais aussi et surtout par ses offres de services innovants.
La conjugaison des efforts de la grande famille postale, des autorités publiques et des populations, permettra d’engager la Poste du Mali su le chemin de la prospérité et de l’efficacité, pour qu’elle puisse très vite retrouver une véritable envergure nationale et jouer pleinement son rôle de haute portée stratégique dans l’œuvre de construction nationale, au même titre que les chemins de fer qui attendent, hélas, d’être réhabilités.