Depuis le sommet Russie-Afrique, le monde s’interroge sur le nouvel ordre mondial qui pourrait s’en découler. Pour le Mali, les données sont simples : les terroristes seront écrasés et ceux qui ont créé et entretiennent cette crise vont rebrousser chemin. Lorsque le terrorisme est utilisé comme outil de politique étrangère par des Etats, cela s’appelle guerre par procuration. De quels Etats s’agit-il ? Comment ont-ils procédé ? Pourquoi la sortie de crise ne peut venir que de la Russie de Poutine ?
Notre analyse portera d’abord sur une compilation d’articles (Fruits rouges)publiés par Le Soir d’Algérie et reproduits par Mondialisation.ca avec la signature de Ali El Hadj Tahar en date du 13 février 2013sous le titre ” Mali : ingérence humanitaire ou nouveau Sahélistan ? ”
Pour introduire ses réflexions, Ali procède par des questionnements. La crise malienne est-elle en train d’être réglée ou bien va-t-elle perdurer ? Quelles sont ses origines ? Quels sont les acteurs de l’ombre et à qui obéissent les prétendus groupes “islamistes ” et “séparatistes” qui s’apparentent beaucoup plus à des mercenaires qu’à des rebelles de conviction et de principes, aussi faux et archaïques soient-ils ? Pourquoi l’Azawad est un mensonge, une mystification et surtout une construction coloniale ? Comment a fonctionné le scénario qui a permis à ces mercenaires de s’installer au Mali ? Avec quels moyens et soutiens ? Pourquoi le Mali ne pouvait pas se défendre ? Comment il en a été empêché avant et après un mystérieux coup d’Etat ? Dans ce conflit, l’Algérie a-t-elle été à la hauteur pour défendre ses intérêts et sa profondeur stratégique ? Un Sahelistan est-il possible et quels ingrédients lui faut-il ?
D’abord, nous passons au peigne fin la complicité voire la culpabilité de la France et des Etats-Unis (à travers le Qatar) dans la crise malienne.
Ces armes que le Qatar laisse aux terroristes…
Pour précipiter la chute de Kadhafi, l’OTAN a distribué 20 000 tonnes d’armes et de munitions aux groupes “révolutionnaires” par l’entremise du ministre de la défense du Qatar, en qualité de payeur de la facture. En septembre 2011, l’OTAN l’a également chargé de récupérer les armes en question, mais il a laissé des arsenaux entiers à disposition du Groupe islamique combattant en Libye (GICL), filiale d’Al-Qaïda. Le 10 novembre 2012, Mahmoud Jibril, leader du CNT et chef du parti Alliance des forces nationales libyennes, vainqueur des élections du 7 juillet 2012, disait sur la chaîne irakienne Al Hurra que le Qatar refusait toujours de récupérer les armes qu’il a distribuées aux groupes rebelles qui ont “libéré” son pays, ce qui suppose que Doha a aussi le contrôle sur ces groupes. En vérité, ce sont les Etats-Unis et la France qui sont les premiers responsables de cette situation car le Qatar ne peut laisser des armes dans la nature sans blanc-seing. Cette information, parmi d’autres dont celles qui filtrent des déclarations officielles, conforte la thèse d’une conspiration au Mali. En tout cas, il y a une évidence indéniable : l’effet domino de la “révolution” libyenne ne se limite pas à l’Afrique car il touche directement la Syrie et le Yémen : Obama a d’ailleurs reconnu (24 janvier 2013) que les arsenaux de Kadhafi sont utilisés dans ce pays. Il ne dit pas comment ils sont arrivés aussi loin et qui les a amenées, afin de ne pas endosser la responsabilité si une folie était commise contre un avion civil, quelque part dans le monde. Obama ne peut pas ignorer l’affaire du Lutfallah II, du bateau venu de Libye, qui est passé par l’Égypte et la Turquie et qui a été arraisonné par la marine libanaise, avec des tonnes d’armes à son bord : le président du Parlement libanais Nabih Berri a alerté l’opinion internationale, disant que le navire “ne portait des armes pour les anges”. Tous les théâtres d’opération du terrorisme sont interconnectés car le terrorisme est un système transnational avec les mêmes opérateurs et agents de différents niveaux jusqu’à des chefs d’Etat, des députés, des ministres, des chefs de services de renseignements et des marchands d’armes comme lors de la première guerre d’Afghanistan, lorsque des ministres saoudiens et du Golfe ainsi que les directeurs des plus grandes banques et sociétés étaient fiers de financer Ben Laden, le chouchou des Américains qu’il aidait à se débarrasser du méchant Russe communiste. Autrefois, le méchant c’était le Russe, avant lui le Nippon, puis l’Allemand, aujourd’hui le musulman… L’impérialisme se fabrique des ennemis selon la conjoncture. Le livre House of Bush, House of Saudde Craig Unger démonte cette alliance contre-nature des Etats-Unis avec le régime corrompu d’Arabie Saoudite, pas seulement avec la firme multimilliardaire Ben Laden.
Les armes sont livrées à domicile aux terroristes dans des bateaux et cargos de pays de l’OTAN
Aujourd’hui, le commanditaire du terrorisme international est toujours le même bien qu’il donne l’impression d’être polymorphe. Le but ici est aussi de montrer la face de ce DarkVador au masque de métal. En outre, le transfert des armes d’un pays dont le gouvernement est issu des “printemps arabes” à l’axe qui veut imposer de nouveaux “printemps arabes” indique que ces “révolutions” ont été fabriquées dans des officines et que le plan est toujours opérationnel. Non seulement une foule de régimes aux ordres est née mais une infinité de traîtres et d’agents de l’Occident ont été introduits dans les rouages de tous ces Etats, à tous les niveaux. Ils s’occupent, à différents niveaux de hiérarchie, à rendre possible ce trafic d’armes destinées aux terrorises et qui a amené le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov, à dire que “les menaces de l’opposition syrienne d’abattre des avions civils est le résultat de livraisons irresponsables des Manpad (les systèmes portatifs de défense aérienne)”. Certains médias ont révélé (début août 2012) que l’Armée syrienne libre avait obtenu environ 20 de ces Manpad (Man Portable Air Defence dont le modèle célèbre est le Stinger) de la Turquie. Selon les experts russes, l’Arabie Saoudite et le Qatar seraient derrière ces livraisons. C’est Obama lui-même qui a autorisé (fin août 2012) la livraison d’armements lourds aux rebelles anti-Bachar ; et Hillary Clinton a fait une déclaration demandant aux mercenaires syriens de ne pas déposer les armes le jour-même où le “mufti” d’Al Jazeera, Al-Qardaoui, a fait une fatwa en ce sens. Les milliers d’armes saisies par l’armée syrienne sur les terroristes n’ont rien à voir avec l’arsenal russe de Kadhafi ; et une dizaine des Stinger a été saisie récemment dans ce pays. La Turquie ne se contente pas d’abriter des terroristes, de les entraîner et de les envoyer avec des armes en pays voisin, où elle est responsable de l’envoi de 90% des 100 000 terroristes qui ont pillé et massacré dans ce pays : elle a envoyé deux bateaux chargés d’armes aux djihadistes au Yémen, la dernière saisie de ces armes par les autorités yéménites a eu lieu le 25 janvier 2013. Un pays membre de l’OTAN et vassal de l’Amérique, peut-il se permettre d’envoyer des armes à Al-Qaïda au Yémen sans blanc-seing ? En 2011, la division Intelligence de l’OTAN (qui n’a rien à voir avec la CIA) estimait à 200 à 300 hommes le nombre des éléments d’Al-Qaïda parmi les combattants libyens anti-Kadhafi qui, il faut le dire, étaient soutenus par des officiers américains : parmi eux, des chefs du Groupe islamique des combattants libyens (GICL) dont Abdelkrim Belhadj, Ismael As-Salabi et Abdelhakim Al-Assadi… Comme en Afghanistan, en Bosnie, en Tchétchénie, mercenaires d’Al-Qaïda et soldats américains ont combattu sur le même front en Libye. Le terrorisme est devenu transnational et ses armes lui sont livrées à domicile dans des bateaux et cargos de pays de l’OTAN. De nombreux auteurs, officiels, anciens officiers des renseignements dont des Américains, de nombreux écrivains – dont Peter Dale Scott, David Ray Griffin, Thierry Meyssan, Michel Bounan, NafeezMosaddeq Ahmed, Gerhard Wisnewski, Mathieu Kassovitz – apportent des preuves de l’instrumentalisation du terrorisme par des Etats, aujourd’hui de plus en plus nombreux à en faire un moyen de pression et/ou de destruction d’autres Etats. Le président nigérien cité plus haut parlait de terrorisme transnational. Le chercheur GhalebKandil l’écrit aussi : “Ce sont les États-Unis qui ont géré la guerre en Syrie, ont mis sur pied des chambres d’opération en Turquie, où siègent des agents de la CIA chargés de coordonner les efforts internationaux et régionaux de mobilisation des terroristes du monde entier pour les envoyer en Syrie. Les responsables américains se vantent publiquement d’avoir fourni des matériels de communication modernes aux gangs armés, et ils n’ont exprimé aucun regret, même après avoir reconnu qu’une grande partie de ces équipements est tombée aux mains des combattants qaïdistes du Front An-Nosra ; une organisation qu’ils ont tardivement inscrit sur leur liste terroriste, dans laquelle ils pourraient inclure d’autres groupes prochainement, sans pour cela modifier leur position au sujet des engagements sur l’arrêt de la violence.”
La Russie est la bienvenue
De ce qui précède, il est indéniable qu’il n’y a pas plus voleurs que ceux que ceux qui crient aux voleurs dans cette supposée lutte contre le terrorisme. Ce sont eux, les puissances militaires et réservoirs d’armes lourdes, qui les forment, les ravitaillent en armes de destruction massive et les organisent pour les combats. Ce sont eux qui les financent et leur procurent des stupéfiants pour faire d’eux de véritables criminels de guerre. Une fois la mission accomplie de mettre à genou tel ou tel régime, ces mercenaires sont laissés pour compte, incapables qu’ils sont désormais de vivre sans la drogue qui leur coûte des fortunes, sans fonction ni titre leur permettant de se remplir les poches. Ces nouveaux chômeurs, armés jusqu’aux dents, de surcroît aguerris dans le métier des armes, retournent la veste contre leur employeur (cas de Ben Laden) ou se créent des situations conflictuelles (crise malienne) leur permettant de vivre par les armes avec le soutien des producteurs et marchands d’armes cités par Ali El Hadj Tahar.
Il n’y a pas de doute que l’invasion de l’Afghanistan (novembre 2001) et celle de l’Irak (20 mars 2003) étaient planifiées, sous de faux prétextes : l’une pour “l’élimination” ou “l’arrestation” de Ben Laden, et l’autre pour détruire les “armes de destruction massive” de Saddam Hussein. Toutes ces années après l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan, au lieu d’éliminer Al-Qaïda, l’intervention étatsunienne en a fait un fléau international et mis ces pays sur les genoux.
D’ailleurs Obama dira en juin 2010, à quelques mois des “Printemps arabes” : “Dans ce monde incertain, le temps est venu pour un nouveau commencement, une nouvelle aube de leadership américain.” Et d’ajouter : “Notre puissance économique doit soutenir notre force militaire, notre influence diplomatique et notre leadership mondial. Voilà pourquoi je construirai une armée du XXIe siècle et un partenariat aussi puissant que l’alliance anticommuniste qui a remporté la guerre froide, afin que nous demeurions partout à l’offensive, de Djibouti à Kandahar.” Cette “armée du XXIe siècle ” vise donc clairement le monde musulman, car il cite deux villes musulmanes. Par “partenariat aussi puissant que l’alliance anticommuniste”, il entend une alliance stratégique et fondamentale avec des Etats-valets comme le Qatar, l’Arabie Saoudite et les nouveaux gouvernements issus des “Printemps arabes” qui s’acharnent déjà à détruire d’autres peuples arabes et à écraser le dernier des raïs digne de ce nom. Ce partenariat est en action, de manière foudroyante : plusieurs présidents déchus en l’espace d’une année, plusieurs crises nouvelles dans le monde arabe et, pour finir, un Sahelistan qui prend forme dans plusieurs régions. Jamais le monde musulman n’a vécu des crises aussi graves et destructrices, autant de divisions et de partitions.
L’invasion du Nord du Mali s’inscrit dans cette logique bien ficelée jusqu’au dernier détail. Au Mali il ne s’agit pas de terrorisme mais de terrorisme d’Etat, les mercenaires employés pour ce dessein ne sont que des tentacules d’une même pieuvre, qu’ils prétendent agir au nom de l’Islam ou au nom de l’Azawad. La crise malienne s’inscrit dans une vision géostratégique impérialiste avec une aire géographique précise dont le but est la mainmise sur des ressources, l’extension et la domination mais aussi l’octroi de budgets faramineux aux entreprises du complexe militaro- industriel, entre autres.
Disons-le haut et fort, le terrorisme dit “islamiste” est une fabrication américaine qui ne sert que les intérêts occidentaux, avec le soutien et la bénédiction de supplétifs. Ce terrorisme et l’islamisme qui le sous-tend ne s’apparentent pas à une idéologie mais à un mercenariat de groupes qui travaillent pour des forces étrangères. Dès lors qu’il tue et terrorise et viserait à instaurer une dictature fasciste, “l’islamisme” n’est donc pas une idéologie mais un crime. Aujourd’hui, cette stratégie ne vise plus un seul pays mais plusieurs à la fois, depuis que les “Printemps arabes” ont enclenché le passage de ce plan impérialiste à une vitesse supérieure. C’est pourquoi la Russie est la bienvenue, avec la Chine, pour mettre aux pas ces fossoyeurs qui allument le feu pour venir l’attiser dans le sens de leurs intérêts au lieu de l’éteindre. C’est ainsi que l’opération Serval avait pour objectif de réorienter le terrorisme qui échappait à ses précurseurs. Ce terrorisme avait détruit le MNLA et envisageait de contrôler le Mali tout entier. Or le Mali est à la France et le Nord du Mali est en partage entre cette France pour des raisons économiques (le sous-sol) et les Etats-Unis pour des raisons technologiques (l’espace aérien servant aux données satellitaires ou recherches spatiales).
C’est pourquoi, la MINUSMA restera au Mali jusqu’en 2023 au moins, si IBK ne renforce pas l’offensive vers la Russie. Et elle aura des chances à demeurer plus longtemps, si les maîtres du monde arrivent à instrumentaliser un candidat à la présidentielle et l’imposer par les moyens qui leur sont familiers dans la conquête du pouvoir dans nos pays depuis des lustres. Que Dieu nous en garde !