La parcelle TF 363, notamment le N°94/A et le N°94/B, à Kabala-Est créé assez de remous aujourd’hui entre l’imam Salif Kaba et un groupe d’individus qui réclament le lieu comme étant une place publique donnée par les autorités afin de servir de mosquée et de Medersa. Certes, sur le plan, on peut bien voir que ces deux parcelles sont bien destinées à cela. Mais comment les choses se sont déroulées ? S’agit-il réellement d’un espace public ? Nous avons eu un entretien avec l’imam Kaba.
Des jeunes empêchent un imam d’accéder à la mosquée parce que le juge d’être un spéculateur foncier. L’imam Salif Kaba, puisque c’est de lui qu’il s’agit, saisit le tribunal de la Commune V. Or c’est la décision du préfet du cercle de Kati en 2017, Sadio Kéita, montre que cette parcelle appartient bien à Salif Kaba.
Selon l’imam Kaba, en 2005, ce sont les habitants de Kabala-Est, sous la demande de feu Kola Gadiaga, qui lui ont demandé, voire supplié de devenir imam dudit quartier où il bénéficiait du statut de recaser. À l’époque, précise-t-il, la prière se faisait sur un espace public jusqu’à ce qu’un géomètre indique que le champ de feu Kola prévoie la construction d’une mosquée. Les démarches pour cette construction ont été menées, souligne Salif Kabala, par lui-même, Ismaila Togola et Zamba Camara, tous habitants dudit quartier. Pour les travaux de construction, 100 briques et un chargement de benne en sable ont été livrés par Issiaka Touré, habitant dudit quartier. Outre celui-ci, Kola et son frère ont également assez contribué à la construction de ladite mosquée, indique-t-il.
Quant à la Medersa, Salif Kaba explique que l’idée est venue de Bakary Diarra et de M. Coulibaly, tous habitants de ce quartier. Pour concrétiser cette idée, une assemblée a été sollicitée au cours de laquelle toutes les 12 personnes réunies, en plus de Kola et son frère, ont décidé à l’unanimité que Salif s’occupe de toutes les démarches puisqu’étant le seul homme instruit parmi eux.
La Medersa une fois construite, tous les maîtres qui venaient enseigner étaient logés et nourris par l’imam, a-t-il expliqué. Malgré tout, il invitait les habitants, chaque fin d’année, pour les compte-rendu, dit-il. Mais peu de gens venaient à ces rencontres et ceux qui y participaient n’avaient jamais de recommandations à faire, déplore l’imam. Pour montrer davantage toute leur indifférence par rapport à cette école, on invite Salif à trouver des moyens pour contenir ses élèves afin qu’ils ne salissent pas les nattes de la mosquée, indique l’imam Kaba.
Dans cette confusion, l’imam Salif dit avoir contacté le propriétaire de la parcelle qui lui a donné de vieilles toiles de la maison de son gardien. Une maison qui était tombée, précise-t-il. Avec celles-ci, il construit un hangar pour abriter les élèves.
Malgré toute l’indifférence manifeste des autres fidèles vis-à-vis de cette école, Salif dit avoir continué à faire ses compte-rendu. Cela jusqu’à ce que le chef de quartier lui fasse savoir, à son tour, qu’il n’a que géré cette école. « Le chef de quartier a alors demandé, explique l’imam, de prendre 400 briques parmi celles bâties pour la construction de la mosquée ». Cela a mis le feu à la poudre. Les campagnes de sensibilisation ont commencé de la part d’un groupe d’individus, souligne-t-il, pour inviter les habitants à ne pas inscrire leurs enfants dans cette école qui n’a, selon eux, aucun avenir pour leurs enfants. Si cette école était réellement pour eux, allaient-ils agir de la sorte, s’est-il interrogé.
Dans cette situation confuse arrivent des agents du Centre d’animation pédagogique (CAP) de Kalaban-coro pour demander l’agrément alors que l’école n’en avait aucun, déplore l’imam. Comme à ses habitudes, il informe les fidèles qui l’autorisent à entamer les démarches pour acquérir ce papier. Selon lui, une fois au cap, on lui fait comprendre que l’agrément ne peut plus être livré qu’à un seul individu. Il revient faire le compte-rendu aux fidèles, explique-t-il, ceux-ci l’autorisent à le chercher à son nom propre, en 2014. Une autorisation qu’il obtiendra en 2015, sous le N°00526/GRKK-CAB.
Cette décision ne concernait que l’ouverture du premier cycle de l’enseignement fondamental. Alors lorsqu’il a voulu agrandir l’établissement pour avoir le second cycle et le lycée, les agents du cap lui ont demandé de chercher un autre agrément, précise-t-il. C’est alors qu’il obtient la décision N°01552/GRKK-CAB pour le second cycle et le N°01553/GRKK-CAB portant autorisation de création d’un établissement privé d’enseignement secondaire général dénommé « l’école privée Franco-Arabe Mahad Kola ». Des décisions signées par le Gouverneur de la région de Koulikoro.
Avant d’entamer ces démarches, explique-t-il, il a invité la famille Gadiaga, après la mort de leur père Kola, afin que le terrain soit mis au nom d’un des leurs pour que les démarches puissent être faciles. Les fils du défunt, notamment Amadou Gadiaga, ont demandé l’avis des fidèles qui ont fait comprendre qu’ils n’en avaient aucun. C’est à ce titre que Amadou a fait savoir que la famille a décidé que la parcelle soit au nom de l’imam Salif.
Le vieil imam, comme toujours, a continué à construire des classes pour abriter les enfants. Des constructions qui se faisaient sur ses fonds propres.
Toutefois, nous avons appelé sans succès Amadou Gadiaga afin de recouper ces informations auprès de lui.
Dès lors, la jeunesse, avec à sa tête Drissa Sidibé, s’est mise debout afin de savoir la provenance de l’argent ainsi que de connaitre celui à qui la parcelle appartenait, indique l’imam avant de souligner qu’il leur a fait savoir que c’est à son nom. Les jeunes ont alors exigé que la décision leur soit remise pour qu’ils la déchirent puisqu’il s’agit selon eux d’un espace public qui ne saurait être au nom de quiconque. « Tant que nous n’aurons pas ce papier, tu n’auras jamais la paix que tu cherches », rapporte Salif Kaba avant de préciser son aventure avec ces jeunes à la mairie de Kalaban-Coro où le maire a eu à vérifier l’authenticité des documents qu’il possède.
Après tous ceux-ci, le samedi 22 juin 2019, Drissa Sidibé a accompagné les jeunes pour détruire toutes les nouvelles constructions faites par l’imam, nous précise ce dernier. Ce n’est pas tout, ils ont fait sortir les élèves et boucler toutes les classes pendant neuf jours. Sur place ainsi que sur les constats d’huissiers, nous avons eu à constater les destructions faites.
Pour que les classes puissent être rouvertes, le maire est intervenu en vain. C’est dans ce cadre que l’imam a saisi le tribunal pour que les classes soient ouvertes et permettent aux élèves de faire leur examen de fin d’année. Cette destruction de classe s’est suivie par celle du mur de séparation entre la mosquée et la medersa. Pire, ils ont bouclé la mosquée et interdit à l’imam de guider désormais la prière des fidèles s’il ne veut pas perdre sa vie, nous explique imam Kaba.
Cette affaire se trouve au niveau du tribunal de la commune V de Bamako. L’imam Salif se dit confiant aux autorités maliennes qui trancheront convenablement cette affaire. À l’en croire, il n’y a aucun problème entre lui et les habitants, mais plutôt entre lui et un « groupe de bandits qui ne cherche qu’à le nuire ». Quant à certaines affirmations faisant croire qu’il s’est vanté d’avoir suffisamment d’argent, de guerriers, et d’être très proches des autorités, l’imam Salif nie en bloc ces affirmations. Qu’est-ce qu’un imam a comme richesse, s’interroge-t-il ? Cette situation est assez inquiétante aujourd’hui dans cette zone.
Plus d’informations sur cette affaire dans nos prochaines parutions.