En l’espace d’un mois, les Forces armées maliennes [FAMa] ont subi deux importants revers avec l’attaque de l’une de ses unités mises à la disposition de la Force conjointe du G5 Sahel [FC-G5S] menée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM pour Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimi] à Boulikessi [au moins 39 tués] et l’assaut lancé par l’État islamique au Grand Sahara [EIGS] contre le camp militaire d’In Delimane, dans le Gourma [au moins 49 tués].
La situation n’est guère meilleure dans les pays voisins. En août, l’armée burkinabè a également subi de lourdes pertes dans le secteur de Koutougou [24 tués et 7 blessés]. Et, sur fond de tensions interethniques, les violences attribuées au jihadistes sont devenues monnaie courante dans le nord et l’est du pays, au point de menacer le Bénin et le Ghana
Le Niger est quant à lui pris dans un étau. Ses forces armées étant régulièrement prises pour cible, ce pays doit faire face aux groupes jihadistes implantés au Sahel mais aussi, au sud, aux factions de Boko Haram, l’organisation jihadiste d’origine nigériane dont est issue l’ISWAP, c’est à dire la « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique « . Cette dernière a en outre resserré ses liens avec l’EIGS.
Selon un rapport des Nations unies publié durant l’été, ces deux organisations ayant fait allégeance à l’EI sont soupçonnées d’avoir établi des coopérations opérationnelles au Niger, comme lors d’une embuscade tendue en mai dernier dans la région de Tongo Tongo [une vingtaine de soldats nigériens y avaient laissé la vie, ndlr], ainsi qu’un partenariat logistique, avec l’installation d’une base de soutien dans la région de Sokoto, au Nigéria.
« L’ambition et l’emprise croissantes de groupes terroristes au Sahel et en Afrique de l’Ouest, où les combattants se réclamant d’al-Qaida et de l’EI collaborent afin de saper l’autorité de juridictions nationales fragiles, comptent parmi les faits les plus marquants survenus à l’échelle internationale au cours de la période considérée. Le nombre d’États de la région susceptibles de voir les mouvements insurrectionnels du Sahel et du Nigéria franchir leurs frontières a augmenté », avait avance le rapport de l’ONU.
Et cela, malgré l’activité de la force française Barkhane [qui, avec 4.500 soldats, fait le maximum qu’elle peut dans une région grande comme l’Europe], la présence des Casques bleus de la Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA] et la mission européenne EUTM Mali, destinée à former l’armée malienne.
« Je considère que nous avons été exagérément optimistes en imaginant en 2013 que tout serait résolu et que la victoire éclair remportée contre les jihadistes se traduirait immédiatement en un succès politique. Force est de constater que tel n’a pas été le cas », avait reconnu, en juillet, le général François Lecointre, le chef d’état-major des Armées [CEMA], en faisant référence à l’opération Serval, lors d’une audition parlementaire.
La stratégie française consiste à affaiblir les groupes jihadistes afin de les mettre à la portée des armées locales ainsi que de la Force conjointe du G5 Sahel [Tchad, Niger, Mauritanie, Burkina Faso, Mali, ndlr]. Dans le même temps, il s’agit de faire progresser ces dernières, afin qu’elles puissent mener leurs propres opérations avec le plus d’autonomie possible.
Seulement, les financements internationaux pourtant promis à cette force conjointe du G5 Sahel peinent à être débloqués, ce qui ne permet pas de remédier aux lacunes les plus criantes… alors que la situation matérielle des armées locales n’est guère plus reluisante. Du moins, pour certaines d’entre-elles.
Ayant entamé, ce 4 novembre, une série de déplacements dans les pays du Sahel, en commençant par le Tchad, la ministre des Armées, Florence Parly, a appelé à faire preuve de « patience », après avoir rendu hommage au brigadier Ronan Pointeau, du 1er Spahis, tués par un engin explosif improvisé dans le secteur de Menaka [Mali], le 2 novembre.
Le combat contre les groupes terroristes est « indispensable », a dit Mme Parly. « C’est un combat difficile. C’est un combat que vous menez avec abnégation et un grand professionnalisme. C’est un combat dans lequel il faut faire preuve de patience. Car les attaques menées par les groupes armés terroristes perdurent », a-t-elle ajouté, en s’adressant aux militaires français de Centre opérationnel interarmées de l’opération Barkhane, à N’Djamena.
« Nous mettrons du temps à vaincre ces groupes qui prospèrent sur les difficultés sociales et économiques des pays sahéliens. Ce long chemin, difficile et sinueux vers le retour de l’Etat de droit et la sécurité, c’est grâce à vous [les militaires français, ndlr] que nous le parcourons depuis 2014. Nous le parcourons, avec intelligence, tactique et réactivité », a enchaîné la ministre, pour qui la force Barkhane « ne s’enlise pas » étant donné qu’elle « s’adapte en permanence et qu’elle « se transforme pour avancer plus loin, pour être plus efficace, pour mieux accompagner les forces africaines dans leurs opérations. »
À ce titre, a continué Mme Parly, « nous planifions désormais des opérations avec les forces partenaires, guidés par une seule conviction : la véritable victoire sera celle des armées sahéliennes. » Et, « plus que jamais, nous devons concentrer nos efforts sur l’accompagnement des forces sahéliennes, épauler nos frères d’armes jusqu’à la résilience de leurs armées », a-t-elle insisté. D’où les entretiens qu’elle aura avec les présidents du Tchad, du Mali et du Burkina Faso. « Notre engagement au Sahel est et reste une priorité pour la France », a-t-elle assuré.
Cependant, a prévenu la ministre, il « faudra encore du temps pour construire cette résilience des forces locales » et « encore des efforts, de la détermination et de la constance. » Et sans doute l’apport de partenaires européens, comme l’avait évoqué Mme Parly, lors d’une allocution prononcée lors d’un déplacement au au 4e Régiment d’hélicoptères des forces spéciales [RHFS], en juin dernier.
« Il faut accompagner les forces armées sahéliennes après les avoir formées, y compris lorsqu’elles vont au combat, et pas seulement dans les états-majors. Ce n’est pas un sport de masse, j’en conviens. […] Si les Européens, qui sont directement concernés, ne le font pas, qui, alors, le fera? », avait affirmé la ministre.