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Lutte contre la corruption au Mali : L’Assemblée restera-t-elle sourde à l’interpellation de Soumaïla Cissé ?
Publié le jeudi 7 novembre 2019  |  Soleil Hebdo
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© aBamako.com par A S
Plénière à l`Assemblée nationale
Bamako, le 18 avril 2019 Trois Ministre étaient devant les élus de la Nation
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La lutte contre la corruption a été accélérée par les services judiciaires au Mali. Plusieurs personnalités ont été placées sous mandat de dépôt. Ces arrestations ne sont qu’une goutte d’eau dans un océan. C’est pourquoi le chef de file de l’opposition politique, l’honorable Soumaïla Cissé, a demandé la mise en place d’une commission parlementaire d’enquête spéciale sur plusieurs faits comme l’achat des hélicoptères PUMA, le trafic d’influence, faux et usage de faux… Hélas ! La réaction des députés, censés être la voix du peuple, se fait toujours attendre.





D’abord, l’achat de l’avion présidentiel : il a été opéré sur la base d’un montage financier, en dehors de toute procédure budgétaire en vigueur. A ce jour, le prix d’achat exact de l’aéronef n’est pas connu. Ne sont également pas connus les prétendus frais d’entretien et commissions pour lesquels des centaines de millions de nos francs ont été soustraits du Trésor public.

Ces faits ont d’ailleurs été sérieusement documentés aussi bien par un rapport du Bureau du Vérificateur Général que par un audit de la section des comptes de la Cour suprême.

Ensuite, l’achat d’équipements militaires : il concerne un marché de gré à gré portant sur un contrat d’armement opaque et surfacturé, passé en décembre 2013 pour l’équipement de l’armée malienne. Le marché initial portait sur 69 milliards de FCFA avant d’être finalement rehaussé à 108 milliards. Le ministre des Finances a été invité à couvrir ce marché par une garantie de 100 milliards de francs CFA. Sur ce dossier également, le Bureau du Vérificateur Général a déposé un rapport révélant le détournement de plus de 9 milliards de FCFA.

Le ministre de la Défense de l’époque, interrogé, a précisé: «Dans la mise en œuvre de ces contrats, il y a eu une information et un accord du Président de la République à chaque étape. Le choix du conseiller du Gouvernement pour l’acquisition de l’avion a également été établi sur la base de l’accord préalable du Président de la République ».

De ces faits, le Vérificateur Général a retenu les infractions suivantes: le détournement et la complicité de détournement de fonds publics par l’engagement irrégulier des finances publiques; l’utilisation frauduleuse et le détournement de deniers publics d’un montant de 9.350.120.750 FCFA ; le délit de favoritisme ; le faux et usage de faux ; le trafic d’influence ; les fraudes fiscales portant sur le non-paiement des droits d’enregistrement et des redevances de régulation, en l’absence de toute autorisation légale d’exemption.

Il y a aussi l’achat d’hélicoptères PUMA :

Un premier hélicoptère PUMA d’occasion, payé à près de 3,5 milliards de FCFA en violation de toutes les règles élémentaires de procédure budgétaire en la matière, est cloué au sol malgré l’achat de pièces de rechange à hauteur de 3 milliards de francs CFA.

Un second hélicoptère PUMA a été acheté à 3,9 milliards de FCFA auprès d’Airbus sur la base d’un document contractuel « illisible ». C’est dire que les termes et conditions de ce contrat sont inconnus. Cet avion est aussi est cloué au sol.

Dans une interview donnée au magazine « Jeune Afrique » daté du 30 juin 2019 sous le n°3051, le chef de l’État, chef suprême des armées a confirmé que les hélicoptères achetés, en l’occurrence les « deux hélicoptères PUMA, sont cloués au sol faute de maintenance appropriée », tout en clamant haut et fort à la Une dudit journal : « Nous sommes en guerre ».

Le président de la Commission défense de l’Assemblée nationale, le député Karim Keïta, saisit l’occasion d’un colloque à Paris le 12 juillet 2019 pour confirmer et renchérir en des termes sans équivoques que lesdits hélicoptères ne peuvent plus voler. « Ça marchait au début, mais vraisemblablement on a un problème d’entretien depuis l’achat. Je me demande si on n’a pas été floué à l’achat ».

Que le Mali ait été floué, cela ne semble faire l’objet d’aucun doute. Mais il importe que ceux qui ont initié les procédures d’achat des avions et des hélicoptères et autres équipements militaires, sous la conduite et avec les bénédictions du chef suprême des armées et qui ont la charge de défendre les intérêts de la nation, au-delà des annonces désinvoltes, s’expliquent devant la justice.

L’achat d’avions SUPER TUCANO!

En plus des PUMA, le Mali, en juin 2015, a signé un contrat de 88,7 millions de dollars américains, soit environ 51,682 milliards FCFA pour l’acquisition de six (6) avions de guerre « SUPER TUCANO », sur lesquels quatre (4) ont été livrés.

La valeur totale de ces quatre avions (qui inclut aussi des prestations de service) est d’environ 68 millions de dollars.

Au lieu de 51,7 milliards FCFA initialement prévus, le contrat de juin 2015 a fait l’objet de 53,302 milliards de FCFA d’engagement et de mandatement entre 2015 et 2017 par les services financiers de l’Etat. Une première tranche de 13,367 milliards a été « liquidée » en 2015. Une seconde tranche de 18,636 milliards a été payée en 2016. La troisième tranche de 21,298 milliards a été liquidée en 2017.

Où sont donc passés les deux autres avions ?

La valeur de ces deux avions non livrés est d’environ 20,7 millions de dollars, soit au cours actuel du dollar 11,2 milliards de FCFA. Que s’est-il passé entre temps? Un mystère que l’Assemblée nationale se doit de dissiper au plus vite.

La réparation d’hélicoptères PUMA et la formation de pilotes à des tarifs exorbitants!

De même, le gouvernement a signé un contrat pour la formation de 15 pilotes à 3,78 milliards de FCFA. Des vérifications auprès d’experts suggèrent que le coût de formation d’un pilote se situe entre 20 et 35 millions de FCFA contre 250 millions de FCFA facturés. Un hélicoptère de combat acquis sous le président Amadou Toumani Touré a été réparé en 2016 à hauteur de 5,8 milliards de FCFA. Sur quelle base ?

Les spéculations sur les taux de change !

Toutes ces opérations ont été effectuées sur la base de taux de change imaginaires. La plupart des contrats ont été signés en dollars américains. Entre 2015 et 2017, le dollar a fluctué entre 545 et 630 FCFA. Pourtant, les sommes converties l’ont toujours été en défaveur du Trésor public qui a perdu plus de 2,1 milliards de FCFA dans les opérations de change.

Aussi, de l’achat des avions et hélicoptères, d’autres matériels et d’équipements militaires, à la formation des pilotes, un vaste réseau de spoliation des ressources dégagées pour la mise en œuvre de la loi d’orientation et de programmation militaire a été mis en place.

De graves et dramatiques conséquences ont découlé de cette situation pour la nation : aggravation de l’insécurité, des centaines de victimes civiles et militaires tuées dans diverses attaques faute d’équipements adaptés à la nature des conflits, alors que nous avons une armée déterminée.

De 2013 à 2019, l’insécurité grandissante a occasionné la mort de plus de 4000 civils et militaires, plus de 500 pour le seul semestre 2019. Pendant ce temps, les violences liées aux conflits n’ont jamais baissé d’intensité ; au contraire, elles ont atteint un niveau de gravité inégalée.

Le nombre de personnes déplacées fuyant les violences est estimé à 120 000, tandis que plus de 179 000 enfants sont privés d’éducation, un droit fondamental, et 926 écoles sont restées fermées. Dans un Mali « en guerre », 3,8 millions de personnes sont touchées par un manque sévère de vivres ou sont à risque.



Tel est le tableau noir sur lequel s’écrivent les souffrances des enfants, des femmes et des hommes du Mali, conséquence de la corruption, du détournement des ressources de l’armée.

C’est tout simplement inacceptable !

Au moment où nos forces armées tombent quotidiennement sur le champ de l’honneur, parfois faute de moyens matériels adéquats, il est inadmissible de tolérer de tels scandales.

Affirmer sans ambages que notre pays est en guerre et utiliser et ou laisser utiliser à d’autres fins les fonds destinés à équiper l’armée pour qu’elle puisse faire face à l’ennemi à tout moment et partout sur le territoire national constitue un acte assimilable à une haute trahison de la part du chef Suprême des armées susceptible d’ouvrir la voie à sa mise en accusation.

L’Assemblée nationale du Mali se doit de procéder, au regard des faits articulés et des pièces versées, à toutes les investigations utiles pour répondre aux questions suivantes :

Qui sont les responsables de ces tragédies ? Qui a choisi et commandé les hélicoptères et avions et autres matériels et équipements militaires en cause ? Qui a ordonné les achats et à combien ? Qui a procédé aux règlements et de quelle manière ? Comment se sont opérées les transactions ? Pourquoi des hélicoptères PUMA sont cloués au sol ? Pourquoi les avions SUPER TUCANO livrés n’ont pas les équipements de combat appropriés ? Pourquoi les deux avions SUPER TUCANO n’ont jamais été livrés ?

De tout ce qui précède, il appartient désormais à l’Assemblée nationale du Mali de mener toutes les investigations utiles et de renvoyer en conséquence devant les juridictions compétentes toute personne impliquée, fut-il Président de la République, chef suprême des armées, Premier ministre, ministre et leurs éventuels complices civils et militaires en raison des faits cités qui sont constitutifs de crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions : la haute trahison ; le détournement et la complicité de détournement de fonds publics par l’engagement irrégulier des finances publiques ; l’utilisation frauduleuse de deniers publics ; le favoritisme ; le faux et usage de faux ; le trafic d’influence ; l’enrichissement illicite ; la trahison; les fraudes fiscales portant sur le non-paiement des droits d’enregistrement et des redevances de régulation, en l’absence de toute autorisation légale d’exemption.

Ces faits sont prévus et punis par les articles 34 et suivants, 102 et suivants, 107 et suivants, 112 et suivants, 120 et suivants, 123 et suivants du Code pénal du Mali et la Loi n°2014-015 du 27 mai 2014 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite au Mali.

André Traoré
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