L’annonce par la ministre française des Armées de l’élimination d’une des figures du terrorisme au Sahel n’est qu’un effet de communication, estime ce quotidien burkinabé. Cette soi-disant victoire masque la réalité du terrain.
Ali Maychou a été tué dans la nuit du 8 au 9 octobre par les forces françaises. Avec l’appui des États-Unis d’Amérique et de l’armée malienne, a précisé celle qui a annoncé la nouvelle, depuis l’avion qui la ramenait en France, après une tournée marathon [le 4 et 5 novembre] dans le Sahel africain. En effet, la ministre française des armées qui a porté la nouvelle de la mort du leader spirituel du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), venait de séjourner au Tchad, au Burkina Faso et au Mali. À Bamako, Florence Parly a pleuré avec ses hôtes la mort tragique d’une cinquantaine de soldats maliens [le 1er novembre] et d’un brigadier français [le 2 novembre] tués dans des attaques terroristes.
Au Burkina, les mêmes forces du mal qui endeuillent au quotidien les Forces de défense et de sécurité venaient de liquider, de façon odieuse, le député-maire de Djibo et trois autres personnes [le 3 novembre], sans oublier les cinq gendarmes tués pendant que Dame Parly séjournait à Ouagadougou. Avant le communiqué nécrologique de Abou Abderahman Al-Maghrebi dit Ali Maychou, c’était celui d’Abou Bakr Al-Baghdadi, le grand chef du groupe État islamique qui a été pompeusement annoncé par Donald Trump himself. On peut le dire sans risque de se tromper, c’est vraiment un sale temps pour les chefs djihadistes.
Un Sahel écumé par les terroristes
Certes, l’hydre terroriste dont les têtes repoussent aussitôt décapitées est loin d’être anéantie, mais ces coups qui lui ont été assénés, sans lui être fatals, ne l’ont pas moins fait trembler. C’est du reste la conviction de Florence Parly, pour qui il faut “désorganiser ces mouvements en profondeur”. Si pour une fois des humains ont l’occasion de se délecter de la mort de leurs semblables, il n’en demeure pas moins que toutes ces annonces ont pour but de rechercher à redorer l’image de puissances fortement contestées. Donald Trump, lui, compte profiter de l’élimination par ses troupes du chef de Daech pour remonter dans l’estime de ses concitoyens, alors qu’il est empêtré dans bien des difficultés à une année de l’élection présidentielle.
Quant à la France, elle est de plus en plus décriée dans un Sahel écumé par les terroristes, malgré la présence de ses bases militaires et de la force militaire Barkhane [déployée au Sahel depuis 2014]. Du reste, ce sont toutes les puissances occidentales, et même les Nations unies, qui sont prises à partie par des populations meurtries par les attaques terroristes qui les endeuillent au quotidien. C’est dire combien les populations ont perdu espoir, n’hésitant même plus à accuser ces missions de l’Onu et autres forces de complicité avec les djihadistes pour semer le chaos sur le continent et, selon les mots chers à certaines organisations de la société civile, “piller nos richesses”.
Repositionner la France
Pourquoi donc avoir attendu près d’un mois, et entre-temps l’hécatombe d’Indelimane et la mort du jeune brigadier français Ronan Pointeau, au Mali, avant de dévoiler la mort de Ali Maychou, dans un scénario hollywoodien ? La France n’apporte-elle pas ainsi de l’eau au moulin de ses contempteurs pour qui la guerre contre le terrorisme passe après ses propres intérêts et la restauration de son image ? Dans ces circonstances, quelle foi accorder à Bourgou IV, la nouvelle opération conjointe lancée dans la zone frontalière entre le Burkina, le Mali et le Niger et révélée, à l’occasion de son séjour, par Florence Parly dans le Sahel ? En tout cas, tout semble avoir été bien agencé pour essayer de repositionner la France auprès de ses “partenaires” de toujours. Pourvu que la lutte contre le terrorisme trouve sa place dans cet étalage de “succès” que présentent les gendarmes du monde.
Morin Yamongbe
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