Au cours du mois d’octobre qui vient de s’écouler, le Bureau du vérificateur général a produit un rapport dit de suivi des recommandations de la vérification financière des opérations de dépenses et de conformité des conventions et contrats de la société Energie du Mali (Edm-sa) réalisée en 2016. C’est ce rapport qui a mis au goût du jour des faits de 2013 ayant certainement conduit à l’interpellation du maire central de Bamako, Adama Sangaré et du Dg de l’Edm-sa, Sékou Alpha Djittèye et leurs supposés complices.
En 2016, le Vérificateur Général a effectué une vérification initiale qui a relevé des dysfonctionnements et irrégularités aussi bien dans les opérations de dépenses que dans la mise en œuvre des conventions et contrats.”, précise le récent rapport du Bureau du vérificateur général, datant du mois d’octobre 2019 et qui rend compte du suivi des recommandations de la vérification antérieure.
En effet, le Vérificateur général (Végal) a mené cette année une mission qui avait pour objet le suivi des recommandations formulées lors de la vérification financière des opérations de dépenses effectuées par Energie du Mali (Edm-sa) et de conformité des conventions et contrats pour les exercices 2012, 2013, 2014 et 2015 (1er semestre).
En termes plus précis, il fallait s’assurer de la mise en œuvre des 26 recommandations formulées après les vérifications de 2016 et d’évaluer les mesures prises en vue de corriger les lacunes constatées.
Retenons que les recommandations avaient été adressées à cinq entités intervenant dans la gestion de ladite société : 17 pour Edm-sa, 6 pour le Ministère chargé de l’Energie et de l’Eau, 1 pour Conseil d’administration d’Edm-sa, 1 pour la Commission de régulation de l’énergie et de l’eau (Cree) et enfin 1 pour la Mairie du district de Bamako.
Selon le rapport du Vegal, rendu public au mois d’octobre qui vient tout juste de se terminer, sur les 26 recommandations, 4 sont devenues sans objet, c’est-à-dire l’entité n’a pas encore eu l’occasion d’appliquer lesdites recommandations parce que la situation visée par celles-ci ne s’est pas produite depuis la vérification initiale.
Le taux global de mise en œuvre des recommandations est de 28%. En effet, sur les vingt-deux (22) recommandations applicables, trois seulement ont été entièrement mises en œuvre, trois ont été partiellement mises en œuvre. Les recommandations non mises en œuvre sont au nombre de 16, soit un taux de 72% (16/22).
Le processus de recrutement remis en cause
Selon les constats du Vegal, le processus de recrutement à Edm-sa ne répond pas à des besoins réellement exprimés par les services techniques et ne respecte pas les critères fixés pour les recrutements.
Qualité des combustibles
Par ailleurs, Edm-sa ne procède pas à l’analyse de tous les paramètres exigés pour la qualité des combustibles avant le dépotage dans chaque centrale. La société publique d’électricité, non plus, n’a pas mis en place un compteur au niveau de chaque aire de dépotage dans les centrales et n’a pas veillé à leur fonctionnement.
Dépenses irrégulières au profit de la Sopam
En outre, Edm-sa ne suspend pas les demandes de paiements ne comportant pas toutes les pièces requises. Elle n’a pas appliqué les pénalités de retard dues par Sopam Energie-sa dans le cadre du contrat d’achat d’énergie et n’a pas récupéré auprès de Sopam Énergie-sa les dépenses irrégulièrement effectuées hors contrat d’achat d’énergies pour la somme de 25 305 477 063 Fcfa.
En plus, Edm-sa n’a pas fait évaluer, par Sopam Energie-sa, les atteintes éventuelles portées à l’environnement et à la qualité de vie des populations concernées.
De son côté, le Ministère de l’Energie et de l’Eau n’a pas fait valoir les pénalités dues au retard de la mise en exploitation de la centrale dans l’évaluation de la valeur de Sopam Energie-sa pour le montant de 768 000 000 Fcfa au moment du transfert de Sopam Energie-sa à l’Etat.
Irrégularités dans l’exécution des contrats d’achat d’hydrocarbures
La mission de vérification initiale avait recommandé au directeur d’Edm-sa de procéder à l’exécution régulière des contrats d’achat d’hydrocarbures dans le cadre de l’apurement des D24.
La mission avait constaté, de janvier 2012 au 30 juin 2015, l’existence de 518 déclarations d’enlèvement direct (D24) effectuées au compte d’Edm-sa qui ne sont pas apurées et pour lesquelles les livraisons n’ont pas été effectuées.
Ces enlèvements directs, totalisant 28 672 818 litres de combustibles, ont permis à des fournisseurs d’être exonérés du paiement des droits et taxes dus au cordon douanier.
La mission a relevé que la somme des quantités de combustibles mentionnées sur les D24 physiques ne correspond pas au total des quantités apurées retracé à partir des titres d’exonération. En effet, la société EDM-SA n’a pas pu fournir une situation détaillée de l’apurement des D24. Sur les 325 D24 des cinq (5) contrats de régularisation (2017- 2018) examinés, la mission n’a pas pu reconstituer la totalité des quantités apurées (inscrit sur les différents titres d’exonération).
Dans le souci de ne pas être trop long, nous faisons l’économie des recommandations faites au ministère de l’Energie et de l’Eau et une seule a été faite à la Commission de régulation de l’eau et de l’électricité (Cree). Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Mais il y a aussi des recommandations non applicables qui ont été relevées par le rapport du Vegal d’octobre dernier.
Edm-sa a effectué des dépenses non éligibles.
La mission de vérification initiale avait recommandé à Edm-sa d’éviter d’effectuer des dépenses non éligibles.
La mission initiale avait constaté que la société Edm-sa a effectué des dépenses consécutives à des travaux de réalisation d’un système d’adduction d’eau qui n’a pas de lien avec son objet social. En effet, le financement du contrat n°0011/188 EDM-SA/2013 portant sur la réalisation d’un système d’adduction d’eau sommaire à partir d’un forage aux 1008 logements sociaux de Yirimadio a été imputé irrégulièrement aux fonds de la redevance de concession. Bien que l’Ordonnance n°0019/P-RM du 15 mars 2000 indique qu’au titre des installations de production, hydroélectrique relevant du domaine public, le concessionnaire payera à l’autorité concédante une redevance unique pour l’usage et l’exploitation des installations mises à sa disposition.
La réalisation de système d’adduction d’eau ne se justifie pas, du fait que les Ordonnances n°10- 039 et n°10-040/P-RM du 5 août 2010 consacrent la création d’une Société malienne de patrimoine de l’eau potable (Somapep-sa) et d’une Société malienne de gestion de l’eau potable (Somagep-sa). Le montant de 36 830 160 Fcfa Ttc prélevés sur la redevance de concession constitue une irrégularité.
La mission de suivi des recommandations s’est entretenue avec les responsables concernés, notamment le directeur des Finances et de la Comptabilité et le directeur général adjoint administratif et financier. Elle a ensuite demandé la mise à la disposition des documents, notamment la déclaration des actions mises en œuvre, les supports d’autorisation des dépenses et le protocole d’accord concernant l’adduction d’eau. Elle a ensuite procédé à l’examen desdits documents.
La mission a constaté que la dépense non éligible était relative à la réalisation de 8 forages au niveau des 1008 logements sous forme de compensation de la dégradation de l’environnement subie par la population de Sirakoro, suite à l’installation de la centrale.
En outre, elle a constaté que le financement a été effectué sur la base d’un protocole d’accord conclu entre le Gouvernement et la société d’Énergie du Mali-SA. Toutefois, la nature de cette dépense n’a aucun lien avec l’objet social d’Edm-sa.
En plus, cette pratique relève du cas de l’ordonnancement des dépenses sur les recettes de la redevance qu’Edm-sa devrait reverser au Trésor Public, seul le Ministre des Finances est l’ordonnateur principal des recettes de l’État. Cependant, la mission de suivi n’a pas constaté un nouveau cas. Par conséquent, la recommandation est non applicable.
Le maire du District ne peut pas recouvrer la somme de 50 715 506 Fcfa au titre des pénalités contractuelles dues par une société
Le Bureau du vérificateur général de rappeler que “la mission de vérification initiale avait recommandé au maire du district de Bamako de recouvrer la somme de 50 715 506 Fcfa au titre des pénalités contractuelles dues. La mission de 2016 avait constaté que le directeur général d’Edm-sa et le maire du District ont autorisé le paiement intégral, hors retenue de garantie, des montants dus au fournisseur avant la réception définitive des travaux. Il ressort aussi de l’analyse des pièces justificatives relatives à ce marché que ces travaux n’étaient pas entièrement exécutés à la date du passage de la mission.”
Et le Vérificateur Général d’enfoncer le clou, suite à cette accusation déjà grave : “De plus, l’entreprise, au lieu de procéder au préfinancement du contrat comme prévu, a bénéficié de paiements, hors retenue de garantie, par chèque et par traite à des échéances mensuelles allant du 22 octobre 2010 au 22 juin 2013.”
Par ailleurs, souligne le Bureau du vérificateur général, dans le cadre de l’exécution dudit contrat, “l’Avenant n°01 au Contrat n°0010/250 DCPS du 17 août 2010 consacre une augmentation du montant du contrat pour 71 723 128 Fcfa et diminue en même temps les travaux à réaliser. Cette diminution porte sur la réhabilitation de l’éclairage public de l’Aéroport Bamako Sénou jusqu’au Musée National en passant par l’Avenue Cedeao et l’Avenue du 5 septembre, ainsi que la réhabilitation de l’éclairage public de l’Avenue Modibo Kéïta, initialement prévues au contrat.”
Selon toujours le rapport du Vegal, “ladite société a reçu le paiement d’un montant de 1 431 335 218 Fcfa alors qu’elle n’a exécuté le contrat que pour 488 583 624 Fcfa. Il en résulte ainsi des travaux non réalisés d’un montant de 942 751 594 Fcfa auquel s’ajoute la somme de 50 715 506 Fcfa relative aux pénalités de retard non appliquées, contrairement aux dispositions de l’article 14 de l’avenant au contrat.”
Le rapport précise qu’afin de s’assurer de la mise en œuvre de la recommandation, la mission a effectué un entretien avec le Contrôleur de gestion de la Mairie du district de Bamako. Elle a également demandé la déclaration des actions mises en œuvre. Elle a ensuite procédé à l’examen des documents mis à la disposition de la mission.
Pourtant, “la mission constate que la Mairie du District est le Maitre d’Ouvrage et qu’Edm-sa est le Maitre d’Ouvrage Délégué et gestionnaire du Fonds de l’éclairage public, dans ce cas d’espèces, le recouvrement ne relève pas de la responsabilité du Maire de District. Par conséquent, la recommandation n’est pas applicable.”
Cette recommandation étant désormais inapplicable, la justice, après le rapport du Végal, est alors entrée en jeu pour se mettre sur les traces de ces 993 467 100 Fcfa perdus par l’Etat. D’où cette série d’interpellations qui ont conduit à l’embastillement du maire central de Bamako, Adama Sangaré et de l’ex-Dg de l’Edm-sa, Sékou Alpha Djittèye.