La manifestation de la Conférence de la société civile en soutien à l’armée nationale a dégénéré, ce vendredi 8 novembre, au Monument de l’Indépendance. Des manifestants très remontés s’en sont pris aux organisateurs en leur lançant sachets d’eau. En cause, ils accusent ces derniers de rouler pour l’intérêt de la France. Mouillés, la plupart des organisateurs ont quitté les lieux sur la pointe des pieds.
La Conférence de la société civile a réuni des milliers de personnes au Monument de l’Indépendance. Les familles de soldats victimes habilitées en noir ou rouge étaient fortement mobilisées. L’objectif du meeting était d’apporter leur soutien à l’armée malienne victime d’attaques récurrentes. Ce meeting intervient après deux attaques très meurtrières contre les FAMa à l’Indélimane et Boulkessi où près de 100 militaires maliens ont été tués.
A la surprise générale, la mobilisation du jour a dérapé. Elle a tourné au fiasco au monument de l’Indépendance à cause d’une grosse incompréhension entre les organisateurs et les manifestants. Si pour les premiers, il n’est pas question de s’en prendre à la France qui est un pays allié et un soutien ; les participants à la manifestation pensent le contraire. Ces derniers indexent d’ailleurs la France d’être complice de la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays, à travers son opération Barkhane.
Alors des militants très remontés puisqu’ils ne se retrouvaient dans les messages des premiers intervenants ont hué et jeté des sachets d’eau aux responsables du meeting juchés sur le podium. À cause de cette situation, le meeting n’a pu se tenir tel qu’il était programmé. Mouillés, la plupart des organisateurs étaient contraints de quitter les lieux sans livrer leur adresse.
Toutefois, la foule est restée sur place pour exprimer sa colère contre la France. « A bas la France », « On ne veut pas Barkhane », « Dégage la France », scandaient des manifestants. D’autres par contre s’en prenaient aux responsables du meeting pour les avoir trahis.
« Nous avons compris que dernière la manifestation, il y a des objectifs politiques clairement affichés. Nous disons non à ce que notre mobilisation soit transformée à d’autres fins », a indiqué Amadou MAIGA, l’un des manifestants. Très déçu, il a expliqué avoir fermé ses boutiques et laissé ses occupations afin d’exprimer son soutien et sa solidarité à l’armée et non à un clan politique. « Et si je savais (…)», soupire-t-il, tout en faisant un geste de regret avec sa tête.
Contrairement au jeune MAIGA, le ton de certains manifestants était plus agressif avec des messages très émouvants. Il y a deux semaines, A.C. a perdu son frère lors d’une attaque dans le nord du pays, de plus en plus en proie à l’insécurité. Présent à la manif, il était venu exprimer son devoir de reconnaissance et d’hommage à tous les soldats tués pour la défense la patrie. Hélas, dit-il, ils (les organisateurs de la manifestation) les ont trahis. « Certainement, ils ne vivent pas la même situation que nous. Ils n’ont pas de parents parmi les victimes. C’est pourquoi ils voulaient profiter de notre souffrance pour faire des communications politiques », a déploré A. C. portant un brassard noir en signe de deuil.
Les yeux remplis de larmes, il reste silencieux pendant quelques secondes avant de déclarer : «il n’y a pas de terroriste au Mali. C’est la France qui est en train de former des gens pour déstabiliser notre pays. Et les organisateurs du meeting ne souhaitent pas que l’on exprime notre mécontentement contre ce pays. Je dis haut et fort à bas à la France, à bas Barkhane ». Ces propos sont d’un jeune manifestant qui n’arrive pas à s’empêcher de proférer des injures très graves à l’endroit des organisateurs.
Comme lui, le vieux Souleymane DEMBELE ajoute : « ils ne se serviront pas de nous. Ce sont des charognards. La mort de nos soldats est pour eux des occasions de récupération politique. On ne se laissera plus enjôler par ces politiques sans scrupule ». Malgré son âge, il répétait également les injures en refrain des manifestants en colère. En même temps, ils scandaient des messages hostiles à la France et à l’opération Barkhane.
Dans leur furie, des jeunes ont mis le feu au drapeau français avant d’exhiber celui de la Russie, tout en invitant l’État malien à nouer une nouvelle coopération militaire avec ce pays.
Pour l’un des membres du Comité d’organisation, l’objectif du meeting n’était pas d’insulter un pays, mais d’exprimer notre compassion aux soldats morts sur le front. « Aujourd’hui, un peuple qui se respecte n’insulte les autres. Aujourd’hui, s’il y a la France sur le territoire malien, c’est parce que nous avons failli. Qu’on ne se voile pas la face ; sans les autres y compris la France, on ne peut réussir cette lutte. En ce moment, ça ne sert à rien de manquer de respect à ce pays », a-t-il expliqué.
Après le sauve-qui-peut des organisateurs, certains manifestants ont convergé vers l’ambassade de la France où ils ont manifesté leur indignation face à la situation sécuritaire qui échappe à tout contrôle.