Le premier tour de l'élection présidentielle aura lieu ce dimanche au Mali. Un scrutin censé censé rétablir l'ordre constitutionnel interrompu par un coup d'État en mars 2012. L'analyse de Roland Marchal, spécialiste de l'afrique sahélienne.
Les électeurs se rendent aux urnes dimanche au Mali, après un an et demi de crise politique et militaire. 27 candidats ont sillonné la plupart des grandes villes du pays, attirant de nombreux partisans dans le Sud, beaucoup moins dans le Nord, secoué en 2012 par l'occupation de groupes rebelles touareg, et djihadistes, avant d'être libéré début 2013 par une intervention militaire menée par la France. De nombreux observateurs jugeaient précipitée la tenue d'une élection ce 28 juillet. L'analyse de Roland Marchal, chercheur au CNRS/CERI-Sciences-Po.
Une élection présidentielle dans la situation d'instabilité que connait le Mali actuellement a-t-elle du sens?
Elle en a visiblement pour la France, les Etats-Unis et l'Union européenne. Le point de vue malien est plus partagé. S'il y a un relatif consensus sur le fait qu'il faut clore la période de transition commencée en avril 2012, beaucoup s'interrogent: une refondation de l'état malien qui est au coeur d'une solution de la crise est-elle crédible si une partie de la jeunesse (environ 300 000), la diaspora (les listes électorales sont en déshérence dans nombre de pays, sans évoquer le sort fait aux réfugiés) et des villages entiers (au moins 400 fin juin) sont exclus du vote pour des raisons techniques? Certains s'interrogent aussi sur les conditions de vote dans le Nord. Bref, c'est d'abord un pari imposé par la communauté internationale, surtout la France.
Pourquoi cette précipitation?
Paris a quelques bons arguments. Il faut une clarification au sommet de l'état, un dirigeant qui soit capable de trancher et non de retarder les choix, et d'achever en fait toute une série de tâches de la transition, ouvrir également le processus de dialogue avec les insurgés admissibles du Nord, etc. Si le nouveau Président malien n'est pas vu comme légitime, Paris devra gérer le fait qu'il sera perçu comme l'homme des Français par une population qui s'interroge de plus en plus sur la présence de milliers de soldats étrangers sur son sol. Si l'opération Serval est un succès, elle n'est que l'instrument d'une solution politique que les Français ont très maladroitement esquissée et qui ne fait pas l'unanimité. Pris dans son déploiement militaire, les lenteurs de la communauté internationale, les contradictions maliennes, les militaires français vont devoir rester. Depuis janvier, toutes les promesses faites par François Hollande ont dû être revues à la baisse. Cela va durer.
Comment ce scrutin s'inscrit-il dans le contexte des tensions nord-sud au Mali?
Trop tôt et trop vite. L'histoire électorale dans le nord du Mali depuis vingt ans correspond bien mal aux conditions d'un vote démocratique. Ces élections ne trancheront pas avec le passé. Je doute que leurs résultats soient acceptés dans une bonne partie de la population dans le nord. Paris sera tenu responsable des fraudes réelles ou imaginaires.
Un nouveau président pourra-t-il s'imposer face aux ex-putschistes?
Les putschistes sont mal nommés car ils ne sont que la composante militaire d'un courant social très fort hostile au système politique qui vit pour lui-même.
Le problème sera donc moins les putschistes que les élites politiques. Les premiers sont affaiblis à cause de départs à l'étranger et de promotions dans l'appareil d'état qui les a isolés politiquement depuis l'intervention française. Il faudrait beaucoup de maladresse du côté de la communauté internationale et un grand aveuglement des principaux partis maliens ainsi que du nouveau président pour les remettre en selle. Cependant, cela n'est pas complètement impossible surtout si la critique des élections mobilise la jeunesse et une frange significative de la population urbaine.