Plus un virage est brusque, plus il est susceptible de provoquer le déséquilibre et donc la chute. Naturellement, aucun citoyen responsable ne souhaite cela pour son pays, mais les coupables doivent assumer. Il y a peu, IBK annonçait la lutte contre la corruption et une montée en puissance de l’Armée nationale. Les faits semblent pourtant le contredire.
DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
L’année 2014 avait été annoncée en grande pompe comme celle de la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite au Mali. IBK est certainement de bonne foi, mais il n’avait pas pris la juste mesure du pourrissement de la situation qui s’étend à des domaines et à des personnes qu’il était loin de soupçonner. Le dilemme est devenu cornélien, car, emprisonner à tour de bras des personnes proches politiquement ou socialement n’est pas la meilleure façon de gouverner, face à une opposition politique tapie depuis le départ dans une logique de déstabilisation du régime. Le phénomène de la corruption s’est tellement amplifié aujourd’hui que ce sont désormais ceux qui dénoncent ou poursuivent les délinquants qui sont menacés. Il est devenu difficile, voire impossible de travailler proprement et honnêtement parce que le vice a pris le pas sur la vertu au Mali. Les marchés publics sont attribués Dieu seul sait comment, le contrôle de leur exécution dépend de nombreux paramètres défaillants à souhait, les paiements sont obtenus en fonction de tractations incompréhensibles pour un non-initié. Au point où il en est actuellement, IBK a- t-il le choix pour laisser courir impunément ceux et celles qui trainent des casseroles trop bruyantes ? L’action de la justice doit- elle être contrariée par des personnes ou des organisations dont on peut raisonnablement penser qu’elles ont bénéficié des fruits des détournements effectués au détriment de l’État ? IBK se trouve véritablement au pied du mur et le peuple prendra la mesure de son engagement dans la lutte contre la corruption annoncée pendant la campagne électorale en 2013 et consacrée par la déclaration de 2014. Entre juges et délinquants, les seconds ont souvent eu raison des premiers dans ce Mali du tout politique. La situation va-t-elle enfin s’inverser ?
DE LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L’ARMÉE
Le Mali est en pleine guerre depuis 2012 et, en sept ans les acteurs et leur rôle sont désormais connus. En réalité, les terroristes et djihadistes ont fait moins mal que les fils indignes du pays et certains de nos « amis » de la communauté internationale, notamment la France qui a cautionné la partition de fait du territoire en créant l’enclave de Kidal dont tout le Mali est malade et qui est devenue le symbole de l’humiliation nationale. Non seulement les groupes rebelles ne sont pas désarmés, mais les FAMa ne peuvent pas entrer dans la ville de Kidal. Ne s’est-on pas trompé d’ennemis dès le départ ? De deux maux, n’avons-nous pas choisi le pire ? Ceux qui veulent la partition du pays ne sont-ils pas plus sinon autant dangereux pour la république que ceux qui demandent un État islamique ? Avec une population très majoritairement de confession musulmane, l’Islam n’est pas perçu comme un problème et, dans ce cas précis l’islamisme se combat mieux de l’intérieur. C’est le MNLA avec ses principaux soutiens en Europe qui ont servi de cheval de Troie aux djihadistes pour déstabiliser le Mali. Le résultat est tangible, car ce sont les FAMa qui sont systématiquement pris pour cibles et non les mouvements rebelles. Malgré les fortes présences de la MINUSMA et de BARKHANE avec les moyens importants d’observation et d’écoute dont elles disposent, la situation s’est dégradée encore plus. Alors, qui fait quoi et à quelle fin ? La seule réponse qu’attendent les Maliens, c’est une vraie montée en puissance des FAMa de façon que la peur change de camp et qu’on les sente maîtres du terrain. L’armée nationale doit redevenir la priorité et tout doit être mis en œuvre pour arrêter les luttes ethniques orchestrées par malveillance au centre du pays entre Dogons et Peuls. Finalement, le choix de négocier à Alger avec les séparatistes en excluant les islamistes obéissait à quelle logique ? Comment les pourparlers inter-maliens se sont-ils transformés en une négociation internationale ? Pourquoi l’Accord issu du processus d’Alger ne fait aucune référence à la Constitution du Mali ? On sait aujourd’hui que de fortes pressions subies à Alger ont complètement biaisé le dialogue inter-malien.
Les erreurs de coaching et les sorties de route ont été nombreuses dans la gestion de la crise. La situation ayant échappé aux politiques, la société civile doit prendre ses responsabilités. Le recouvrement de l’intégrité du territoire et le rétablissement de la sécurité sur l’ensemble du pays sont indispensables afin que l’Administration soit déployée pour assurer ses missions régaliennes. C’est la condition pour arrêter la descente aux enfers, car il n’y a rien de plus dangereux qu’un pouvoir politique faible, incapable de sortir des pressions et des considérations de personnes pour prendre les décisions que la situation exige.