Résidence du Château des Perriers, c’est le choc après la mort, mardi soir, d’Aminata, 31 ans, poignardée par son conjoint, selon les premiers éléments de l’enquête.
Leur chagrin est « immense, et bien trop profond pour être apaisé de sitôt ». Ce mercredi soir, à Montfermeil, les sanglots étouffés des adultes comme des enfants n'en finissent pas de déchirer le silence assourdissant de la résidence Le Château des Perriers, un lieu d'apparence si calme. « Mais comment y retourner désormais ? » hurle dans le vide une femme au bord de la crise de nerfs.
Toute la journée, une soixantaine d'entre eux a été reçue en mairie par des médecins et des psychologues dépêchés en urgence par le Samu et la ville. « Il fallait mettre des mots sur une douleur hors-norme », expliquent plusieurs élus. La veille, un jeune couple connu de tous dans ce quartier situé en centre-ville, s'est entre-tué.
Comble de l'horreur, ce sont les enfants du couple qui ont donné l'alerte, fuyant vers le voisinage le différent familial au cours duquel leur mère, Aminata T, 31 ans, touché de plusieurs coups de couteau, rendait l'âme. Selon les premiers témoignages recueillis le soir du drame, ils ont été portés par son mari Alou T, 40 ans. Egalement gravement blessé, ce dernier décédera des suites de ses blessures dans la nuit, à l'hôpital Bichat, à Paris. Choquées, mais non blessées, les fillettes ont été prises en charge par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) et par une aide psychologique.
«Inimaginable, innommable»
Alors, à Montfermeil, face à cette violence inouïe, l'effroi a laissé place à une infinie tristesse mais aussi une sacrée dose d'incompréhension. « C'est inimaginable, innommable », soupirent des mères éplorées.
« Non, c'est simple, rectifie un garçonnet de… 7 ans. Ça s'appelle la mort : le père a tué la mère, qui s'est défendue et l'a tué, et maintenant mes copines sont toutes seules. »
Sur une feuille blanche, le môme haut comme trois pommes a dessiné quatre bonshommes : deux adultes, un homme, une femme, et deux enfants. Puis, il a raturé le visage des parents. Peut-être surmontera-t-il l'épreuve plus vite que ses nombreux aînés, car toute la journée durant, amis sous le choc, voisins, collègues, membres de la famille… se sont réunis dans la salle des fêtes de la mairie pour bénéficier du soutien de médecins dépêchés en urgence par la Samu.
Dans la salle des fêtes, les hommes sont souvent restés silencieux tandis que les femmes s'enlaçaient devant les plus jeunes. Pour lui rendre hommage, la famille et les proches de cette femme, n'ont cessé de la décrire « telle qu'elle était », assurent-ils : « Gentille, belle, coquette, souriante et qui tenait à son indépendance, puisqu'elle travaillait et venait d'obtenir son permis de conduire ».
Sa nièce, Kinty, 14 ans, gardera l'image « d'une femme moderne, forte, émancipée », avec qui elle partait « à deux faire du shopping ». Au quartier, des hommes dépeignent le mari comme quelqu'un de « discret, très gentil et croyant ». Du côté des femmes, le son de cloche diffère sensiblement. Des collègues et amis d'Alimata évoquent, sous couvert d'anonymat, « des tensions dans le couple, puisqu'elle songeait à prendre un appartement juste pour elle ». Son mari, affirment plusieurs amies très proches « ne voulait pas qu'elle travaille autant ». Une tension qui avait poussé la mère de famille à réduire sensiblement ses heures de présence au travail.
«Aucun antécédent de violences»
Quoi qu'il en soit, « aucun antécédent de violences dans le couple n'était connu par les services de police », affirme le parquet de Bobigny. Aucun voisin n'ont plus n'avait entendu des cris. Ils évoquent plutôt le bruit « des rires des petites », dans cette cité où les murs fins comme du papier permettent à chacun d'entendre la vie des autres.
Le couple, originaire de Bamako (Mali), s'était marié au pays. Elle avait 19 ans, lui, neuf de plus. « Elle avait arrêté ses études après l'obtention du brevet, puis elle avait travaillé, vendait des beignets, et des petites choses pour aider ses parents », relate une tante de la famille.
Quelque temps plus tard, le couple s'était installé en France, avait vécu en banlieue parisienne, vivotant de foyers en foyers. Enfin, ils avaient trouvé une stabilité à Montfermeil. Lui travaillait comme vigile dans un magasin à Paris, elle comme hôtesse de caisse, à Auchan, à Montfermeil. Pour le directeur de l'enseigne, présent ce mercredi à la cellule d'aide psychologique, «Aminata était une femme exemplaire».