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19 novembre 1968 au Mali : Le jour fatidique
Publié le lundi 18 novembre 2019  |  Le 26 Mars
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© AFP par Byline
Lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita
Bamako, le 11 juin 2015, le CICB a abrité la cérémonie de lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita, c`était sous la Haute présidence de SEM, Ibrahim Boubacar KEITA
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Cette date du 19 novembre passera-t-il encore une fois inaperçue ? Comme un jour banal, ordinaire ?

Les martyrs réels ou autoproclamés (aujourd’hui encore en v1e) qui ont subi des humiliations, la prison, la torture à compter de ce jour fatidique du 19 novembre 1968 ont-ils oublié ?

Ceux qui ont mangé des araignées dans la prison de Taoudénit, partagé la prison de Kidal avec des cafards, salamandres et lézards et dont certains camarades y sont restés à jamais, ont-ils oublié ?



Pour mémoire, c’est dans la nuit du 18 au 19 novembre 1968, que les dernières consignes ont été données aux acteurs du coup d’Etat contre le peuple malien et le président Modibo Kéïta.

Quatorze officiers de l’armée font quadriller Bamako et lorsque la capitale s’éveille aux premières lueurs du jour, le calme règne…

Pendant ce temps Modibo Keïta, le père de l’indépendance, président depuis 1960, débarquait du bateau Général Abdoulaye Soumaré à Koulikoro. Il était de retour d’un voyage à l’intérieur du pays.

A Koulikoro ce 19 novembre 1968 où les militaires n’avaient pas osé venir l’arrêter au port, les jeunes étaient au rendez-vous. Modibo Kéïta leur avait déclaré : “le Mali, ce n’est plus nous, ce n’est non plus ceux qui ont pris le pouvoir aujourd’hui. Le Mali, c’est VOUS !”

Peu après, à une quinzaine de kilomètres de Bamako, son convoi est stoppé par un barrage.

« Monsieur le président, voulez-vous vous mettre à la disposition de l’armée ? », lui demande alors le lieutenant Tiekoro Bagayoko, un des leaders du putsch. Le président se rend et aux alentours de 11h30, il est amené à bord d’un blindé jusqu’au centre-ville. Les putschistes ont des revendications précises : qu’il renonce au socialisme et se sépare de ses principaux collaborateurs.

Réponse négative de Modibo Keïta : « Nous sommes dans un pays de droit et de démocratie. Nous respectons depuis l’indépendance la volonté populaire. C’est le peuple qui a opté pour le socialisme. Le socialisme n’est donc pas mon choix à moi tout seul, demandez au peuple ce qu’il en pense. Quant à mes collaborateurs, je leur fais confiance. »

Les putschistes menés par le lieutenant Moussa Traoré annoncent alors sur les ondes de Radio – Mali : « l’heure de la liberté a sonné » et que « le régime dictatorial de Modibo Keïta a chuté ».

Le même jour, le président Kéïta est transféré dans un camp militaire à Kidal. Avec lui, 40 responsables de l’US-RDA (Union soudanaise – Rassemblement démocratique africain) sont également déportés, à Kidal ou à Taoudéni.

Après leur prise de pouvoir, les putschistes abolissent la Constitution et fondent le Comité militaire de libération nationale (CMLN), qui devient l’organe suprême du pays. Dans les jours suivant le coup d’État, le nouvel homme fort, Moussa Traoré, promet dans un communiqué un régime démocratique avec libertés individuelles, organisations syndicales, multipartisme et élections libres et promet que la junte militaire ne resterait au pouvoir que seulement 6 mois.

Le reste est connu. Aucune des promesses n’a été respectée et le pouvoir, GMT l’a confisqué pendant 23 très longues années durant.



L’assassinat du Président Kéïta

Emprisonné dans des conditions les plus inhumaines, sans jugement et en contradiction flagrante avec les déclarations des nouveaux dirigeants, le président Kéïta n’en sortira que le 16 Mai 1977, mort, assassiné de la manière la plus atroce.

Ce jour en effet, le président Kéïta pris de violents malaises, était transporté à l’hôpital du Point G.

Le soldat qui le gardait, se précipitant pour demander de l’aide, s’était vu interdire tout déplacement.

Quelque temps après, un communiqué de Radio Mali, annonçait la mort de “l’instituteur à la retraite, Modibo Kéîta”.

Quelle autre interprétation, donner à l’absence de toute annonce officielle de la disparition subite du premier Président de la République du Mali ?.

“Espérait-on que son décès aurait pu passer inaperçu ?” s’interrogeait le journaliste français Pierre Morlet. Ce qui est plausible poursuivait-il, “c’est que, cette tentative peu reluisante, traduit pour l’essentiel, le désarroi d’une équipe déconsidérée”.

En effet, la première tentative d’explication de la mort de Modibo, donnée pour cause d’intoxication alimentaire”, était remplacée peu après, par un œdème pulmonaire”.

Il fallait nier l’évidence : l’assassinat.

Et l’autopsie demandée par la famille, a été refusée. Chacun savait cependant que Modibo Kéïta avait été empoisonné.

Le Jeudi 19 Mai, date des obsèques, les écoles et les lycées étaient gardés, les élèves dans la rue. Tous voulaient emmener le corps de Modibo pour le rendre au Comité Militaire : “leur rendre leur mort“.

Les élèves et étudiants sont venus dans la famille de Modibo. Ils ont cassé le cercueil et déchiré le linceuil pour voir son corps. Les élèves ont ensuite transporté le corps du Président assassiné jusqu’au cimetière de Hamdallaye et effectué l’enterrement.

Pourquoi avoir mis Modibo Kéïta à mort ?

Pour sauvegarder un pouvoir menacé, car le 9 Mai 1977, s’était déroulé à Bamako, une manifestation des élèves et étudiants faisant suite à la grève au cours de laquelle, les manifestants réclamaient le retour au pouvoir de Modibo Kéïta, dont ils clamaient le nom.

Modibo Kéïta, même en prison, était devenu encombrant, et sa vie, une menace pour le régime militaire.

Par l’assassinat de Modibo Kéïta, Moussa Traoré et ses valets ont liquidé un espoir, celui qui a consacré sa vie à l’indépendance de sa patrie, à la grandeur et à la dignité de son peuple, sans jamais se renier.

Moussa Traoré a aussi mis fin par le meurtre de Modibo Kéïta, à une histoire d’une grande foi et d’un profond attachement réciproque, nourris comme dans un pacte de sang, par une fidélité émouvante des Jeunes, à celui qui reste à jamais le père de la jeunesse malienne.



Malick Camara
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