Pour une fois dans sa longue et glorieuse histoire, l’IUG n’a pas suscité cette année l’engouement attendu chez les candidats au test d’entrée. Un signal qui n’a pas échappé aux enseignants, désormais inquiets de l’avenir de leur école. Un établissement qui, de l’EHEP (Ecole des Hautes Etudes Pratiques), son ancienne appellation, à l’actuelle, l’IUG, a jusque-là été le fleuron de l’enseignement supérieur public, et dont le triste sort qui est le sien depuis quelques années, particulièrement sous l’actuel Directeur Général, Badra Macalou, devrait rendre malheureux nombre de cadres de qualité qu’elle a eu à mettre sur le dur marché de l’emploi. La situation est si préoccupante qu’on se pose pas mal de questions au sujet des mésaventures successives et de la triste célébrité de l’établissement au cours de ces dernières années. Entre autres, se demande-t-on : coïncidence ou mort programmée ? « Je ne crois pas beaucoup aux coïncidences », dirait l’autre, et nous avec. En effet, nombreux sont les indices qui montrent à suffisance que ce qui arrive à cette école est loin d’être un simple concours de circonstances.
Me Tall en cause
En 2016, Me MountagaTall, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, et le recteur, Pr Samba Diallo, avaient attendu quatre mois avant de faire face à une grève du comité SNESUP. Pire, devant les députés, Me Tall n’avait pas pris de gants pour vilipender les enseignants, déclarant haut et fort que ceux-ci voulaient « privatiser » l’établissement. Mais oubliant délibérément, par la même occasion, de rappeler l’historique de la création de l’Unité de Formation et de Production – UFP ou ‘’Cours du soir), objet principal de la discorde, qui attribue l’initiative non pas à l’Etat, mais précisément aux enseignants à la suite d’une expérience vue au Canada, où s’étaient rendus justement certains camarades. Cette sortie musclée de Tall était-elle innocente ? Son entourage a souvent fait comprendre que c’était Koulouba même, par l’intermédiaire de Me K. Tapo -protecteur présumé de Samba Diallo-au nom d’une certaine solidarité adémiste – qui lui aurait formellement demandé de laisser faire son ‘’protégé’’ ; autrement dit, de laisser Samba Diallo tranquille. Etait-ce la seule raison du désintérêt du ministre ? Pas évident quand on croit des ‘’mauvaises langues’’ proches de l’IUG qui insinuent que le cabinet de Tall a bénéficié de quelque 80 millions détournés des recettes des Cours du soir. Ceci expliquerait-il cela ? Allez savoir !
Mais toujours est-il que le même Tall, avant d’aller à la Communication (ministère), a plongé l’IUG dans les abîmes en nommant Dr Badra Macalou comme Directeur Général, en remplacement de Famakan Oulé Konaté, ayant fait valoir ses droits à la retraite. Etait-ce là aussi une nomination innocente ? Pas si sûr que cela. Il y a eu pas mal de supputations à ce sujet, notamment que Macalou lui aurait été recommandé ; qu’il aurait reçu de l’argent pour cela ; ou encore que la contrepartie serait que Macalou« roule » pour son parti, le CNID. On ne peut totalement exclure tous ses arguments puisqu’un autre cadre affirme que le ministre lui avait demandé d’intégrer son parti. Offre qu’il a naturellement déclinée tout en sachant qu’il ne devait plus espérer occuper le poste de D.G., en tout cas avec Me Tall comme ministre de tutelle.
Avec Macalou, c’est une mort brutale et certaine de l’IUG, au regard de tout ce qui se passe depuis son arrivée. De nombreux enseignants de l’établissement sont convaincus que Badra Macalou a été sciemment mis à la tête de l’IUG pour le « détruire ». On pourrait, à priori, penser qu’une telle affirmation est simpliste, mais en mettant divers éléments, les uns à côté des autres, on n’est pas loin d’entrevoir une ligne directrice qui mène tout droit à cette mort programmée de l’école. En effet, comme souligné plus haut, cette année 2019 est celle qui a le moins attiré de candidats au test d’entrée, alors qu’habituellement on s’y bouscule. Ce faible engouement n’est sûrement pas sans lien avec la mauvaise pub de ces dernières semaines : boycott des enseignants du SNESUP, le racket de l’AEEM autorisé par Macalou même qui ne se cachait même pas pour dire aux dirigeants de l’association de ne pas dépasser « 500 F par fiche d’inscription » (L’enquête du confrère L’Essor a mis l’accent sur ce business de l’AEEM où le ‘’Prix VIP’’ était de 5000 F CFA).
Le timing du test : est-ce vraiment gratuit ?
Mais il y a un autre élément crucial qui implique non seulement le DG Macalou, mais aussi d’autres niveaux : c’est le moment choisi pour organiser le test d’entrée. Pourquoi attendre quasiment la fin de l’année pour organiser un test aussi important ? Aucune date n’était fixée cette semaine encore pour le test d’entrée en cours du jour. Même scénario pour les cours du soir où les inscriptions se font sur simple dossier. Hasard tout cela ? Ce serait pour le moins troublant, et pour cause !
A qui profite le crime ? Une véritable mafia
Aucun parent ne souhaitant laisser son enfant à ne rien faire à la maison, il va de soi que beaucoup optent pour des solutions plus concrètes et rapides, et conséquemment inscrivent leurs enfants où ils peuvent. Notamment dans des écoles privées. « C’est tout sauf un hasard de calendrier. Tout est fait pour permettre à certains établissements privés de faire le plein au détriment, bien entendu, de l’IUG ; lequel, en commençant tôt les inscriptions, priverait ses concurrents d’une manne importante », témoigne un enseignant. Mais il n’y a pas que Macalou sur ce registre de ‘’mort programmée de l’IUG et de l’enseignement supérieur en général’’, soutient une source proche de l’Administration publique : « Que faut-il comprendre de la nomination de l’ancien recteur de l’USSBG (Université des Sciences Sociales et de gestion de Bamako), Pr Samba Diallo, comme doyen de la nouvelle ‘’Université Tuniso-Malienne’’ implantée juste à quelques centaines de mètres de l’IUG ? » D’abord l’école est située dans la zone dite universitaire (la Colline du Savoir), zone pour laquelle l’AEEM a timidement tenté de se battre contre les usurpateurs, qui, à la faveur de leurs positions au sein du pouvoir, sont en train de se partager un site initialement prévu pour uniquement les écoles publiques. Sauf que cette fois-ci, les noms « cités » pour cette université sont notamment ceux de Karim Keïta (fils du président de la République), Moussa Timbiné, premier vice-président de l’Assemblée nationale, diplômé de l’IUG et proche historique de l’AEEM: « Avec l’ouverture de cette école, je comprends mieux maintenant pourquoi Moussa Timbiné n’a pas levé le petit doigt lorsqu’il a été sollicité par un enseignant par rapport à la crise de l’IUG » ; et ce, malgré qu’il y eût un argument de taille, à savoir que « Macalou ne soutenait pas IBK et était convaincu qu’il ne serait pas réélu … »: « Ce régime va partir ; nous allons pouvoir faire beaucoup de choses… », Prête-t-on au D.G. de l’IUG à la veille de la dernière présidentielle. En somme, explique-t-on, Moussa Timbiné, son projet en tête, n’avait aucun intérêt à voler au secours de son ancienne école ; il fallait donc laisser la situation pourrir. Et qui pourraient contribuer à cette déliquescence ? Il y a eu le ministre Tall, ensuite le recteur Samba Diallo (qui devient curieusement le doyen de la nouvelle université), puis Badra Macalou pour porter l’estocade.
Les fameux masters, une autre facette du complot
Par ailleurs, pendant que l’on refuse deux à quatre masters à l’IUG la première école sinon l’une des écoles maliennes les plus cotées à l’étranger, grâce surtout à l’aura de l’ancienne EHEP), la nouvelle université tuniso-malienne va débuter avec une dizaine de masters d’emblée, indique une source proche du milieu ! Quelle « veine » ! La Direction générale de l’Enseignement Supérieur de Cheick Keïta répondra sûrement devant l’histoire lorsqu’elle refuse des masters à l’IUG pour les accorder facilement à des écoles, comme l’ESGIC, qui s’appuient essentiellement sur le personnel enseignant de l’école à laquelle ces masters ont été refusés.
La Fonction Publique aussi
Les tentacules de la mafia sont partout, y compris au niveau de la Direction Nationale de la Fonction Publique.
Congé de formation = Ecole privée
Autrement, le rejet est quasi systématique. Ainsi, selon nos sources, certaines écoles ont noué un cadre « officieux » de collaboration avec des agents de la Fonction publique auxquels elles remettent des enveloppes contre l’envoi d’agents de l’Etat en formation continue. Là aussi, l’IUG paye un lourd tribut car très prisé des agents : « Vous voulez un congé de formation, ne demandez jamais à aller à l’IUG, ou même dans un établissement public d’enseignement supérieur. Il y a des écoles privilégiées comme Technolab, ESGIC, INTEC , ISPRIC et quelques deux à trois autres établissements privés… », témoigne un agent.
Pour toutes ces raisons, et il y en a bien d’autres qu’on développera ultérieurement, il faut dire que ce qui arrive à l’IUG est loin d’être fortuit. « C’est une mort programmée au profit de certains intérêts privés, souvent haut placés », résume un syndicaliste, soucieux de l’avenir de son école et du « manque de prise de conscience » de certains camarades face à la déperdition du joyau. Un joyau sur lequel les enseignants n’ont désormais aucune prise. Ils tendent vers leur troisième mois sans leurs heures supplémentaires des cours du soir. Pour la simple raison que Macalou et certaines personnes (du rectorat, dit-on), au mépris de la loi, ont décidé de jongler avec Orabank les sous obtenus à la sueur du front des enseignants. Mais ils devront un jour répondre de tout cela, tant qu’un Malick et un Magassouba seront aux affaires. Le processus est déjà enclenché puisque bon nombre d’agents ont déjà fait un tour au Pôle économique. Dont l’Agent comptable Kanouté, qui a déjà obtenu sa mutation, faisant suite à son Billeteur et à bien d’autres agents ou enseignants qui ont préféré fuir Macalou, y compris son ex-ami Cissé, celui-là même qui l’avait aidé à obtenir quelques heures en cours du soir : « Macalou est l’incarnation du mal ; tout ce qu’il touche se transforme en mal. La seule pétition de voisins contre lui, parce qu’il frappait à sang sa première épouse au logement public vers ECICA, suffit à comprendre le personnage. Aussi son choix comme DG ne saurait-il être innocent. D’ailleurs ne clamait-il pas récemment dans la cour que ‘’les gens veulent son départ mais ne savent pas comment, lui, il est arrivé ? Les mots aussi ne sont pas innocents, ils sont chargés de sens. A méditer ! », s’agace un syndicaliste, avant de répondre à cette question lancinante : « Pourquoi le garde-t-on malgré tout ? » : « Parce qu’il est un maillon d’une chaîne de destruction de l’IUG et qu’il partage les sous de l’UFP avec des instances supérieures. Avec son audition au Pôle économique, Macalou se dit qu’il n’a plus rien à perdre, alors tout casser entre temps ; d’où cette situation de morosité par rapport au test et aux inscriptions en cours du soir. Après moi, le déluge quoi ! ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’année universitaire serait tout sauf un long fleuve tranquille. Le SNESUP n’est pas impliqué dans le test, a décidé de faire les cours mais sans évaluer. Il est aussi à couteaux tirés avec le rectorat pour son autonomie et la fermeture du litigieux compte à Orabank. Il pourrait déposer prochainement un préavis de grève soutenu par le Comité exécutif national , puisque le rectorat refuse d’appliquer les résolutions des derniers procès-verbaux de commissions de conciliation dirigées par l’ancien ministre, Pr Younouss Hamèye Dicko. On ne connaît pas encore la date du test d’entrée, tout comme l’on ne se presse guère pour ouvrir les inscriptions en cours du soir. Ça fait beaucoup pour une seule école et une même année universitaire. Une école qui a visiblement, comme ailleurs dans les autres facs et instituts, besoin d’une promotion interne. L’IUG a les mêmes cadres que les autres écoles supérieures. Aussi le parachutage de cadres (comme parfois sortis des cuisses de Jupiter) commence à vraiment agacer. A suivre.
La Rédaction