Le président Macky SALL, lors de l’ouverture de la 6e édition du Forum inter-national de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, s’est étonné le lundi 18 novembre de la dégradation de la situation sécuritaire au Mali avec la présence sur le terrain d’au moins 30 000 militaires maliens, de l’opération Barkhane, de la MINUSMA et du G5 Sahel. Pour lui, il y a un problème que ces forces soient prises en otage par une bande d’individus. La situation est inacceptable, désap-prouve le ministre sénégalais, tout en exhortant l’ONU de reformer son système et adopter un mandat robuste à la MINUSMA. Face à des forces terroristes ar-mées et déterminées, il n’y a d’autre choix que d’opposer des forces militaires supérieures, mieux armées et plus déterminées. Autrement, les groupes terro-ristes vaincus et démantelés ailleurs continueront de trouver dans les zones de vulnérabilité en Afrique des sanctuaires où ils pourront prospérer, se réorgani-ser et poursuivre leur expansion. Toutefois, il estime que les missions des Na-tions unies ne doivent pas servir que de payer des indemnités à des pays.
Excellence, Monsieur le Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, Prési-dent de la République Islamique de Mauritanie, cher frère,
Monsieur Edouard Philippe, Premier Ministre de la République française,
Excellence, Monsieur Pierre Buyoya, ancien Président de la République du Bu-rundi, Haut Représentant de l’Union Africaine pour le Mali et le Sahel,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Madame la Présidente du Haut Conseil des Collectivités Territoriales,
Madame la Présidente du Conseil économique, social et environnemental,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les membres du Corps diplomatique,
Mesdames, Messieurs les chefs de délégations,
Chers amis, chers invités,
Mon frère et ami, le Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, nous a fait le grand honneur de rehausser de sa présence, en tant qu’invité spécial, ce 6e Forum international sur la paix et la sécurité en Afrique. Mes premiers mots seront pour le remercier.
Merci, Monsieur le Président et cher frère. Nous sommes heureux de vous ac-cueillir. Vous êtes chez vous. Votre présence ici traduit notre attachement commun aux relations ancestrales entre les peuples sénégalais et mauritanien, solidement tissées par l’histoire, la parenté, la spiritualité et le voisinage.
Merci à vous, Monsieur le Premier Ministre Edouard Philippe, pour votre vi-site, dans le cadre du séminaire intergouvernemental franco-sénégalais et pour votre participation au Forum.
Je vous remercie toutes et tous, chers invités, d’être venus encore nombreux, d’Afrique et d’ailleurs, à notre rendez-vous annuel.
J’exprime notre gratitude aux partenaires qui accompagnent le Forum de Dakar sur la Paix et la sécurité en Afrique : la France, le Japon, les Emirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite, le Koweit, la Chine, l’Inde, l’UEMOA et la Fondation Konrad Adenauer.
Cette année, le thème du Forum porte sur Paix et Sécurité en Afrique : les dé-fis actuels du multilatéralisme.
Le sujet s’impose de lui-même, tant les défis du multilatéralisme, dans ces do-maines, en Afrique et ailleurs, sont à la fois multiples, complexes et persistants.
Souvenons-nous que la première mission de maintien de la paix des Nations Unies, encore active à ce jour, remonte à 1948, avec l’Organisme des Nations Unies chargé de la Surveillance de la Trève au Moyen Orient.
Il y a eu, depuis lors, plus de 70 opérations de maintien de la paix, dont 13 en cours, parmi lesquelles 7 sont déployées en Afrique.
Il faut rendre hommage à l’action multilatérale. Au fil du temps, les missions de paix des Nations Unies ont considérablement évolué. Elles ont acquis une vocation multidimensionnelle, contribuant à faciliter des processus électoraux, à reconstruire des systèmes judiciaires, aider au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration d’ex-soldats, protéger des civils et prendre en charge les besoins spécifiques des femmes, des enfants et des personnes âgées. Les succès du multilatéralisme sont indéniables.
Mais ses défis le sont tout autant. La situation au Sahel en est un exemple em-blématique.
Il y a plus de six ans, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies au Mali (MINUSMA), a été créée par le Conseil de Sécurité, avec comme mission l’appui aux efforts de stabilisation du pays, la protection des civils, et le rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire malien. Telle était la lettre de la mission de la MINUSMA.
D’un effectif de 6491 éléments à ses débuts, la MINUSMA en compte au-jourd’hui 14.400 ; plus que le double.
Paradoxalement, l’agression terroriste contre le Mali s’est intensifiée ; et pire, le terrorisme étend son spectre ravageur à d’autres pays, charriant au quotidien des morts, des blessés, des réfugiés et personnes déplacées.
Les attaques sont devenues plus fréquentes, plus meurtrières et plus audacieuses, puisque les groupes terroristes s’en prennent de plus en plus aux Forces de dé-fense et de sécurité, jusque dans leurs casernes.
Je voudrais réitérer ici notre solidarité et notre soutien aux pays amis et frères victimes du terrorisme. Je salue leur résilience et celles des populations.
Je tiens, également, à renouveler notre ferme attachement à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale de la République sœur du Mali. Pour nous, le Mali est un, le Mali est indivisible. Il faut que l’autorité de l’Etat s’instaure sur l’ensemble du territoire national.
Je salue les efforts du G5 Sahel et des partenaires bilatéraux et multilatéraux engagés dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, évidemment sans lesquels la situation aurait été dramatique. Car, n’oublions pas la réaction de l’intervention de l’Opération Serval au début, aujourd’hui nous aurions une autre situation.
Nous devons remercier les partenaires parmi lesquels la France, qui n’a hésité à plonger la 1ere, mais également depuis lors le G5 Sahel et toutes les autres ini-tiatives américaines, européenne et autres qui viennent s’ajouter à ce bourbier sahélien qui mérite nos réflexions au cours de ce 6e forum et proposer des solu-tions.
Dans mon discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies en sep-tembre dernier, je rappelais que les périls transcendent les frontières, que leur prise en charge ne saurait être fragmentée, et que la paix, la sécurité et la stabi-lité du sahel sont parties intégrantes de la paix, de la sécurité et de la stabilité du monde.
En conséquence, combattre ensemble le terrorisme au sahel est à la fois un de-voir de solidarité et un impératif de sécurité collective. En Afrique ou hors du continent, nous sommes tous menacés. Nous avons tous intérêt au maintien de la paix. Mais pour maintenir la paix, faudrait-il d’abord la rétablir. C’est l’un des défis qui se posent au multilatéralisme de nos jours.
A travers le thème retenu, cette 6e édition du Forum de Dakar suggère d’interroger nos pratiques et d’explorer les améliorations possibles, afin de rendre plus efficaces les missions de paix et de sécurité en Afrique.
Posons alors les questions de fond.
Pourquoi, en dépit de la présence plus massive des forces internationales, la situation continue de se dégrader au sahel ? Comment articuler et coordonner les différentes initiatives déployées sur le terrain, de façon à rendre leur action plus cohérente et plus efficace ?
Plus de 14 000 hommes de la MINUSMA, G5 Sahel 5 000 hommes. Ce qui fait 19 000 hommes. Barkhane, tout le reste et l’armée malienne, ce n’est pas moins de 30 000 hommes sur terrain qui est pris en otage par une bande d’individus. Il y a u n problème. Pourquoi, nous ne sommes pas capables de régler cette af-faire. C’est un problème, mais où se situe le problème, c’est ça que nous devons trouver. Mettre en cohérence les actions s’il faut on met tout dans un comman-dement unique. C’est là que l’ONU doit évoluer dans le concept. Il ne s’agit pas de faire le procès de l’ONU. L’ONU c’est nous-mêmes mais il faut qu’elle ac-cepte de se reformer et de reformer ses procédures. Il faut un mandat robuste au Mali. Je sais que la France n’est pas contre. On m’a dit que la position des USA a bien évolué, merci si c’est le cas. Le Royaume uni est également d’accord. Il faut que la Russie et la Chine pour le Sahel acceptent de donner le mandat robuste pour qu’on en finisse avec ce qui se passe dans le Sahel.
Qu’en est-il des mandats, des équipements et règles d’engagement ? Voilà toute la problématique qui se pose, autrement ces missions servent payer des indem-nités à des pays. C’est bien, c’est confortable. Mais on perd de l’argent dura-blement et on aggrave la situation sur le terrain. Donc, il urge qu’il ait vraiment des efforts sur le système des opérations de maintien de la paix dans les zones où le terrorisme sévit.
C’est en réponse à cette préoccupation que le Sénégal n’a eu de cesse, au cours de son mandat au Conseil de Sécurité sur la période 2016-2017, de plaider pour des mandats robustes et des équipements et règles d’engagement adéquats pour venir à bout des groupes terroristes au sahel.
Bien évidemment, la réponse au terrorisme n’est pas que militaire. Elle est aus-si dans les stratégies préventives et durables d’ordre économique, éducationnel, social et doctrinal.
Mais dans l’urgence, face à des forces terroristes armées et déterminées, il n’y a d’autre choix que d’opposer des forces militaires supérieures, mieux armées et plus déterminées. Autrement, les groupes terroristes vaincus et démantelés ailleurs continueront de trouver dans les zones de vulnérabilité en Afrique des sanctuaires où ils pourront prospérer, se réorganiser et poursuivre leur expan-sion.
Un autre défi au multilatéralisme en Afrique tient à son articulation avec les mécanismes régionaux.
Le Chapitre 8 de la Charte des Nations Unies, relatif à ces mécanismes, recon-nait l’existence d’accords ou d’organismes régionaux destinés à régler les af-faires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces orga-nismes et leur activité soient compatibles avec les buts et les principes des Na-tions Unies.
Sur cette base, l’Union Africaine, poursuit aujourd’hui une tradition qui re-monte à l’OUA. Ainsi, depuis 2004, année de démarrage des activités du Con-seil de paix et de sécurité de l’Union, l’Organisation a déployé 9 Opérations de maintien de la paix, dont deux actuellement en cours au Darfour et en Somalie et une en préparation pour la République Centrafricaine.
En Afrique occidentale, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest conduit depuis plusieurs années des missions allant du maintien de la paix et de la sécurité, à l’encadrement de processus électoraux et à la lutte contre la criminalité transfrontalière.
Plus récemment, l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, tenant compte des nouvelles menaces à la paix et à la sécurité dans son espace commu-nautaire, a ouvert un Chantier paix et sécurité coordonné par le Sénégal.
Les deux organisations ont ainsi décidé de contribuer substantiellement au fi-nancement de la lutte contre le terrorisme dans nos espaces communautaires.
L’expérience africaine en matière de prévention, de rétablissement et de conso-lidation de la paix commande donc que le multilatéral soit davantage à l’écoute du régional. C’est ce que veut la Charte des Nations Unies ; et c’est le sens du Cadre commun Organisation des Nations Unies-Union-Africaine pour un parte-nariat renforcé en matière de paix et de sécurité, adopté en avril 2017.
La complémentarité entre le multilatéralisme et les mécanismes régionaux offre des chances de succès aux missions de paix.
C’est le cas en République Centrafricaine, où la signature d’un Accord de paix a permis la réduction de la violence, en Somalie, avec l’adoption d’un système constitutionnel devant conduire à la tenue d’élections en 2020-2021 et au Sou-dan, avec la mise en place d’une transition apaisée.
Par contre, l’impasse en Libye est révélatrice des limites du multilatéralisme chaque fois que l’Afrique n’est pas associée au règlement de ses propres pro-blèmes. L’union Africaine l’a déploré plus d’une fois.
Et en octobre dernier, à l’occasion du débat sur la coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales, les pays africains membres actuels du Conseil de sécurité ont réitéré la nécessité de tenir compte du rôle de l’Union Africaine pour la résolution du conflit en Libye, y compris par la nomination d’un En-voyé spécial conjoint.
Voilà, entre autres, les problématiques que le Forum abordera dans ses Ateliers autour de plusieurs questions, notamment : Quelles approches pour repenser la sécurité collective ? Quels mécanismes de prévention des conflits et de sortie de crises ? Quelles réponses aux défis à la paix et à la sécurité face à la crise du multilatéralisme ? Quel rôle pour les populations et les acteurs de la société ci-vile dans la sécurité en Afrique ?
J’espère que les réponses à ces questions, et à d’autres inscrites aux Ateliers, seront à la fois pertinentes, pragmatiques et orientées vers l’action. C’est la fi-nalité même du Forum, afin de contribuer à changer le cours de l’histoire dans le bon sens, pour l’avènement d’une nouvelle ère de paix, de sécurité et de sta-bilité durables en Afrique.
Je déclare ouverts les travaux du 6e Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique.
Je vous remercie.