Selon un communiqué du Gouvernement de la République du Mali informant l’opinion publique nationale et internationale, dans l’après-midi du mercredi 13 novembre 2019, les Forces Armées du Mali (FAMa) basées à Ouenkoro (cercle de Bankass), dans la région de Mopti sont intervenues dans le village de Peh, à la suite des informations faisant état d’attaque par des individus non encore identifiés. Le communiqué ajoute qu’après la débandade des assaillants à l’arrivée des FAMa, une fouille des éléments dépêchés dans les campements voisins a abouti à la découverte de dix-neuf (19) corps abandonnés, dont certains, dans des puits. ‘’Les FAMa ont inhumé les corps et le bilan total enregistré fait état de vingt (20) corps retrouvés’’. Tels sont les faits qui n’ont été remis en cause par aucune source indépendante.
Nonobstant la tendance à la banalisation de la mort, il n’en demeure pas moins que la tragédie de Peh a une spécificité : des corps abandonnés dans des puits. Il y a indéniablement une forte similitude avec les ‘’fosses communes’’ ou les ‘’charniers’’ qui seraient la marque de fabrique des FAMa, des crimes pour lesquels elles ont essuyé les feux roulants des défenseurs des droits de l’Homme.
Les accusations ‘’d’exécutions sommaires », « d’exactions » (uniquement sur une communauté donnée comme si elle ne comptait pas d’officiers et d’hommes du rang dans cette même armée), de ‘’massacres’’, en réalité, sont le fagotage de nos FAMa perpétuellement dans la ligne de mire de ceux que l’ancien ministre Tiéna COULIBALY qualifiait d’ennemis du pays.
« Vous savez, notre pays a beaucoup d’ennemis. Le Mali, depuis l’époque du président Modibo KEITA, est un pays dont la personnalité est supérieure. Il y a plein de pays qui ne veulent pas que le Mali émerge », accuse-t-il, omettant les ennemis intérieurs très actifs dans leur entreprise de déstabilisation du pays.
C’est fort opportunément qu’au cours d’une conférence de presse, en juin 2018, le ministre de la Défense et des anciens combattants, Tiéna COULIBALY mettait en exergue que l’Armée est constituée de tous les fils de ce pays, de toutes les régions, et chaque ethnie a sa chance dans cette Armée ; contrairement à certains pays où l’Armée est l’affaire d’une ethnie qui la monopolise. Il en déduit, qu’il ne puisse pas arriver au Mali que l’Armée se braque contre une ethnie ou une région.
L’histoire bégaie par moment et souvent pour rendre sa propre justice. Ainsi, hier, nous étions en présence de ‘’fosses communes’’ impliquant prétendument les Forces armées et de sécurité du Mali. Aujourd’hui, ce sont des ‘’puits’’ qui sont découverts avec des corps à l’intérieur. Si les auteurs de ces œuvres macabres ne sont pas les mêmes, la constante est que des personnes sont traitées de façon inhumaine et que cela doit être dénoncé avec constance.
Au grand dam des partisans de l’équité, la dénonciation semble à géométrie variable. Il y a un paradoxe au cœur de ce psychodrame sécuritaire.
La preuve : dans les conclusions préliminaires de la Mission d’Enquête Spéciale sur les graves atteintes aux droits de l’homme commises à Ogossagou (Commune de Bankass, cercle de Bankass, région de Mopti), le 23 mars 2019, de la MINUSMA, on peut lire : ‘’l’attaque a donné lieu à une confrontation armée ayant opposé les dozos aux éléments armés peuls faisant partie d’un rassemblement de candidats au processus de « désarmement volontaire », installés dans le village et qui s’étaient constitués de facto en groupe d’auto-défense. Le groupe de chasseurs, supérieur en nombre et en puissance de feu, a continué d’avancer sur le village, tuant de manière indiscriminée hommes, femmes et enfants, et incendiant les maisons à l’aide de torches et autres combustibles préparés à cet effet’’. Les termes sont bien choisis pour faire ressortir toute l’étendue de l’horreur.
Par contre, le drame de Peh n’a pas suscité la même émotion, même si ce sont les mêmes horreurs qui sont commises ; toute vie humaine en valant une autre. En tout cas, au regard de la Constitution de notre pays qui dispose en ses articles 1er et 2 : ‘’la personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne’’ ; ‘’tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée’’.
À l’évidence, ce n’est pas seulement le charivari dans lequel tombe le communiqué du Gouvernement qui fait sous-estimer la tragédie de Peh. Il y a en sus et surtout, la volonté délibérée de certains de violer ces dispositions constitutionnelles pour des motivations inavouées.
Qu’on félicite l’Armée malienne pour son action humanitaire ? Ce serait lui faire trop d’honneur. Il est le mouton noir ; il faut qu’il le reste. Ne serait-ce que pour permettre à certains à continuer à jouir de privilèges en enseignant le Droit international humanitaire qui est beaucoup plus un handicap qu’un avantage pour nos soldats timorés et vulnérables.
Cependant, que ceux qui ethnicisent la crise, ces agents de l’étranger, pour certains, en fin de carrière politique et en fin de séjour sur cette terre, brillent par un silence aussi assourdissant sur la tragédie de Peh, cela laisse pantois. Les conventions des droits de l’homme et le droit international humanitaire seraient-ils sélectifs ? Le droit à la vie serait-il à deux vitesses ? Le déni de réalité est troublant.
Toutefois, il est toujours possible de résister à la tentation d’ensemencement de la haine. À condition bien sûr de privilégier les valeurs sur les intérêts sordides.