Les Maliens sont appelés aux urnes ce dimanche pour le premier tour de l'élection présidentielle. Le but du scrutin est de rétablir l'ordre constitutionnel interrompu par le coup d'Etat de mars dernier.
Atlantico : Les Maliens votent dimanche pour élire leur prochain président. Sept mois après le début de l’intervention française dans le pays, les conditions sont-elles réunies pour que le scrutin se déroule correctement ? Mathieu Guidère : Le scrutin pour l'élection présidentielle est loin de se dérouler dans des conditions correctes ni même normales. Outre le fait qu'il a lieu en plein mois du Ramadan et pendant la saison des pluies, ce qui affectera nécessairement le taux de participation, les conditions techniques sont loin d'être idéales pour son déroulement puisque le fichier électoral est très lacunaire, les cartes d'électeurs n'ont pas été distribuées partout, des milliers de réfugiés du nord du pays ne pourront pas voter dimanche et la sécurité du scrutin n'est pas assurée dans beaucoup d'endroits... Quels sont les principaux enjeux de cette élection pour le Mali ? Et pour la France ? Les enjeux de cette élection sont considérables pour le Mali: retrouver un gouvernement légitime, remettre en marche l'Etat, redorer le blason des institutions, diminuer la corruption endémique, réconcilier le nord et le sud, retrouver la confiance des pourvoyeurs de fonds internationaux et des investisseurs occidentaux, bref restaurer la république malienne et redonner au Mali la place qu'il mérite parmi les pays de la région. Pour la France, c'est la crédibilité même de son action militaire qui est en jeu : en remettant les hommes politiques maliens sur le chemin de la démocratie, Paris espère se débarrasser de l'impression d'avoir soutenu des ''putschistes'' contre des ''islamistes'' et pouvoir de désengager rapidement du Mali pour couper court à toute accusation d'occupation militaire ou de néocolonialisme. C'est un enjeu important pour l'image de la France en Afrique et pour sa crédibilité politique dans le Sahel. Qui sont les principaux candidats ? Quels sont les courants représentés dans cette élection ? Quelle vision du Mali défendent-ils ? Il existe grosso modo deux grandes catégories de candidats : ceux de l'ancienne écurie présidentielle d'ATT (Amadou Toumani Touré, le président déchu) et ceux de l'opposition historique à ATT ; les uns se positionnent plus ou moins dans la continuité de l'ancien régime, les autres se réclament du changement et de la réforme. Peu parmi la vingtaine de candidats sont connus de la majorité des Maliens et très peu d'entre eux possèdent une véritable expérience de gouvernement dans cette phase très délicate de l'histoire du Mali. Mais disons que deux candidats au moins se détachent de l'ensemble par leur personnalité et par leur parcours politique : Soumaïla Cissé et Ibrahim Boubacar Keïta, connu des Maliens comme IBK. Quel que soit le vainqueur, pourra-t-il asseoir sa légitimité ? Tout le monde sait que ce scrutin sera contesté -il l'est déjà par certains candidats- et que le nouveau président sera très mal élu. Mais personne ne veut jouer avec le feu encore une fois : cette élection est vitale pour le Mali et il faut sauver les formes pour doter le pays d'une direction durable et reconnue par les instances internationales. Après, tout dépendra en réalité de la personnalité de l'élu qui saura ou non s'imposer et asseoir sa légitimité par ses paroles et par ses actes. L’élection peut-elle tourner au fiasco ? Le risque de guerre civile est-il à prendre au sérieux ? L'élection sera imparfaite mais elle suscite des attentes énormes au Mali et à l'extérieur. Les Maliens ne peuvent pas se payer le luxe d'un fiasco après avoir frôlé la partition du pays. Le risque d'une guerre civile est improbable dans l'immédiat car toutes les forces militaires sur place (maliennes, africaines, onusiennes, françaises) veillent à ne pas laisser déraper la situation sécuritaire et qu'il existe très peu d'acteurs maliens qui ont intérêt, à ce stade du moins, à voir éclater une nouvelle guerre, qu'elle soit civile ou non d'ailleurs. Mais il est clair que les risques d'instabilité et de déstabilisation sont réels au cours des prochains mois, c'est pourquoi le nouveau président malien sera attendu au tournant et n'aura pas droit à l'erreur.... suite de l'article sur Autre presse