C’est un « simple militaire du rang » nigérien, comme on le dit pudiquement pour nommer les « lacrous » et compagnie, qui s’est chargé d’apporter le plus cinglant démenti à six ans de mensonges et de fanfaronnade du pouvoir IBK sur l’état réel de l’armée. Sous le poids de l’indicible douleur des 30 premiers morts de Tanbakort passés à 43 victimes, très peu de Maliens ont prêté attention à ce post sur les réseaux sociaux où un « sans grade » de l’armée nigérienne fait le récit à son Adjudant des combats de Tanbakort et s’étonne, avec une confondante naïveté, de la faiblesse de l’équipement de l’armée malienne (une trentaine de pick-up) par rapport aux exigences de l’engagement. Il rappelle que l’armée nigérienne disposait au même moment de plus de plus d’une soixantaine d’engins dont au moins trente blindés contre zéro côté FAMAs. Le soldat, sans hésitation ni murmure, conclut à la canonnière: « l’armée malienne n’est pas prête pour cette guerre ! ».
C’est fou combien cette déclaration d’un militaire qui ne vote pas aux élections maliennes, qui se fiche des bisbilles majorité-opposition peut tailler en pièces les arguments d’un régime qui pense que ce sont les mots qui créent la réalité ! Le chef de file de l’opposition a essuyé une volée de bois vert, lors de l’interview-bilan de la première année du second mandat de IBK pour avoir demandé une commission d’enquête sur les allégations concernant les équipements militaires. IBK, du haut de son insondable mépris, comme à l’accoutumée, avait marmonné : « qu’on ne me désoblige pas ! L’armée sait que j’ai souci d’elle ! ». Fermez le ban !
Deux hélicos de combat cloués au sol, 6 Tucano brésiliens, pardon 4, réduits au rang de joujoux sur le tarmac ; rien de tout cela ne donne le droit à aucun Malien, à personne d’objecter sur le moindre détail sur la vie de la Nation sous peine de subir les courroux d’un homme qui s’est largement construit dans la critique voire le dénigrement de ses prédécesseurs.
Les Maliens qui ont fait un choix autre que celui du candidat IBK ont été disqualifiés dès le lendemain de son élection et relégués à leur place de « hassidis » et de « nyengos ».
Au fil d’une présidence sans relief autre que la grandiloquence protocolaire, les doutes, puis le désarroi des partisans du régime n’ont pas eu plus d’écho. La sortie de Salif KEITA, le musicien, est symptomatique de ce pouvoir perclus de suffisance. Salif a voté IBK en 2013. Ses chansons ont été le point d’orgue des meetings, le candidat lui-même les fredonnait de bon cœur ! Cinq ans après, il a choisi de donner sa voix à Soumaïla Cissé, non sans donner ses raisons. La dernière vidéo du musicien montre qu’il est parti du soutien affectueux au désamour pour tomber aujourd’hui dans la déception face à une gouvernance qu’il avait rêvée six ans plus tôt » vertueuse et efficace ». Et comme d’habitude, les proches du pouvoir se sont empressés d’insinuer que Salif KEITA serait frustré de n’avoir pas été invité un Banquet à Koulouba qui a été animé par Sidiki Diabaté. Incurable allergie à la critique ! On attend maintenant leur réaction à l’analyse accablante d’un soudard nigérien, avec un fort accent de compassion, sur notre défaite de Tanbakort. La sorcellerie, c’est de manquer à tous ses devoirs et d’en tenir les autres pour responsables.
Sambou Diarra
xxxx
Post-scriptum
Dans la foulée de Tabankort, les propos du ministre de la Défense, Dahirou Dembelé, lors de son interpellation à l’Assemblée Nationale, ne manquent pas d’inquiéter sur le fond comme sur la forme. Sur le fond, on découvre qu’après avoir dépensé plus de 1200 milliards CFA dans le cadre de la Loi de Programmation militaire, nous restons devoir de l’argent à la Russie pour un hélicoptère de combat qui n’est toujours pas livré. Que le Trésor public est si fauché qu’il n’arrive pas à honorer les engagements de l’Etat vis-à-vis des ayant-droit des soldats tombés sur le champ d’honneur.
Dans la forme, on est étonné de la lecture qu’un ministre de son rang fait d’un « accord de défense et de coopération militaire » en l’assimilant à un simple « document technique ». Pas plus un poste de ministre de la Défense n’est un poste technique mais bien politique, un accord de défense relève du même registre. Sur l’expression et le niveau de langue, on attendait sans doute plus d’un jeune officier général.