Les bénéficiaires de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) à Mopti ne savent plus à quel saint se vouer. Et pour cause, depuis le lundi 18 novembre 2019, les pharmacies et officines privées ont décidé de créer une rupture artificielle des produits affiliés à l’AMO. Argument avancé : une accumulation de factures impayées par les assureurs de l’INPS et de la Caisse malienne de la sécurité sociale (CMSS).
Plus d’une centaine de pharmacies de la région de Mopti observent cette grève, mettant du coup les abonnés de l’AMO dans une impasse qui ne dit pas son nom. Le pire, c’est qu’aucune couche sociale n’est épargnée, à savoir les retraités, assurées de la CMSS, les fonctionnaires, dont la grande partie est constituée de militaires et leurs ayant droits…
Sur la question, nous avons rencontré le Dr Adama TRAORE, le président de la cellule syndicale des pharmaciens et officines privés de la région de Mopti, et non moins le promoteur de la pharmacie Motel de Sevaré. Le Dr TRAORE charge ses partenaires assureurs de cumuls de factures impayées de plusieurs millions de francs CFA. Selon lui, leur bonne volonté à livrer des produits, à des échéances de payement trop longues, a des limites.
« Depuis la mise en place de l’AMO, nous y avons adhéré sans arrière-pensée, vu notre statut, dans le schéma sanitaire, nous avons jugé nécessaire de servir l’AMO, et cela, même avant la signature d’un contrat de partenariat formel. Parce que dans les normes de distribution des services sanitaires dans laquelle la pharmacie fait partie intégrante, aucune personne ne peut se prendre en charge de manière descente sans le système d’assurance maladie. C’est la raison pour laquelle, les officines privées, en tant que structures sanitaires paraétatiques ont pris cet engagement d’être aux côtés de l’Etat dans sa mission régalienne de protection des populations, pour leur garantir une santé digne de ce nom », nous a-t-il expliqué. Selon lui, de plus en plus, cette bonne volonté de leur part commence à poser des problèmes, à cause des retards qu’accuse le remboursement. Pour ne pas en arriver à une situation, qui n’arrange personne, le SYNAPO de Mopti a pris des mesures pour éviter le pire.
« Nous avons mis sur place une commission régionale de suivi de l’AMO, qui travaillait en étroite collaboration avec l’INPS, la CMSS, les hôpitaux et autres centres de santé de Mopti. Ladite commission était présidée par l’INPS. Malgré tout, on a été confronté à la situation de retard de règlement des factures déposées. Les factures déposées peuvent accuser un retard de 60 jours du délai réglementaire. Cela a pour conséquence une rupture de livraison entre les officines et leurs fournisseurs, puisque le temps règlementaire entre les pharmacies et les fournisseurs est de 15 jours, ou payer au comptent dans certaines situation. Donc, sur le plan financier, on ne peut pas tenir », a-t-il été clarifié ! Il a tout de même reconnu qu’au niveau régional, les feuilles de soins prennent trop de temps avant d’être envoyées à Bamako. Et là-bas aussi, poursuit-il, le traitement peut prendre la même durée avant que leurs dû ne soient virés dans les comptes.
« Il faut compter deux mois au minimum pour accéder à nos sous. Vu la situation, nous, nous ne pouvons plus tenir ! Il faut que nous arrêtons parce que nous avons des dettes auprès des fournisseurs. Et, ces dettes sont très élevées cumulées à d’autres factures. Nous ne le faisons pas par gaité de cœur. Si nous continuons ainsi, nous allons aussi pénaliser les populations qui ne sont pas régies par l’AMO, car nous ne pourrons plus assurer le service correctement. Le rythme d’approvisionnement de stocks est réduit, ce qui va entrainer des ruptures prolongées », a-t-il martelé. Il a une fois de plus insisté sur leur bonne foi. Le Dr TRAORE a ainsi affirmé que les responsables du syndicat ont fait des négociations et se sont entretenus avec ces différentes structures d’assurance, mais en vain. Pire, poursuit-il, l’INPS s’était engagée par la signature d’un protocole dans lequel il devait tout payer dans le délai réglementaire. Il a, par ailleurs, révélé que d’autres problèmes comme le rejet de facture du « au droit fermé », qui consiste à une trêve entre l’assuré et les assureurs, est une autre cause de cette grève.
Pour finir, le Dr TRAORE s’est adressé aux abonnés de l’AMO.
« Je lance un appel à la population à nous comprendre. Cette grève n’est contre une personne, c’est pour garantir la sécurité sanitaire pour toute la population de Mopti aussi longtemps que possible », a-t-il dit.
Par contre, le Directeur régional de l’INPS de Mopti rejette en bloc toutes les accusations à l’encontre de son service. Il explique : «Quand la facture arrive chez nous ici, nous les envoyons au bureau de saisie où une vingtaine d’agents se mettent systématiquement au travail et l’information remonte à la base jusqu’à Bamako, pour une validation. Ils nous retournent les documents, nous on paye. On fait des ordres de virement, on les dépose à la banque. Le problème qui se pose, c’est que souvent, le réseau internet ne fonctionnement pas. Nous pouvons passer toute une journée sans réseau. Mais présentement, on n’a pas de retard cumulé », a-t-il dit. Selon lui, entre le 04 et 08 novembre 2019, L’INPS a payé 42 millions de FCFA, pour les factures l’AMO.
« C’est vrai qu’i y a des factures en cours. Il y a des bordereaux qui manquent à une ou deux factures, donc cela ne peut pas passer. On a fait la situation, on a demandé aux pharmacies de nous rapporter ces factures-là, et on va payer. Où est le problème ? Moi je demande à ces pharmaciens d’être patients et coopératifs. A Mopti ici, les gens vivent dans la psychose, il ne faut pas en ajouter sur le mal. Ces agissements n’ont pas de sens », a-t-il dit, avant d’indiquer que l’INPS n’a aucune facture impayée qui date d’un mois.
« Nous à l’INPS, nous sommes autonomes, nous payons sur place. 80% des factures sont payés et nous attelons pour que les autres factures soient à jour du jour au lendemain », a-t-il affirmé.