La gestion de la crise malienne est entrée dans une phase décisive avec le réveil et l’implication de la société civile à tous les niveaux. Les questions essentielles sont désormais posées et il faudra bien y répondre. En effet, pendant que les éléments des groupes armés circulent librement de Kidal à Bamako, allant même jusqu’à se faire recevoir à Koulouba, il y a entrave à l’entrée des autorités maliennes dans la ville de Kidal. Qui maintient ce verrou et à quelle fin ?
ENTRE EXIGENCES ET ERREURS À NE PAS COMMETTRE
Certains citoyens français, dont des intellectuels et des politiques, dénoncent régulièrement les abus et les torts causés au Mali à aux anciennes colonies françaises en général. C’est pourquoi, on ne peut s’attaquer à toute la France sans discernement. Les première et seconde générations d’hommes politiques français ont cédé le pas à la troisième qui hérite d’une situation en fin de cycle car, la jeunesse africaine, qui n’a pas connu la colonisation, ne nourrit aucun complexe de colonisé. Elle est confrontée au chômage, au refus du visa européen et au refoulement systématique. Cette jeunesse constitue aujourd’hui une masse suffisamment critique pour troubler le sommeil des hommes politiques tant en Afrique qu’en Europe. Comme l’attitude des dirigeants politiques français n’a presque jamais varié face aux anciennes colonies, la plupart des dirigeants africains ont choisi le confort d’éviter les débats qui fâchent avec la France, au risque d’affronter leur propre peuple qui sait que les intérêts sont totalement divergents. L’Afrique est riche, mais ses richesses ne profitent pas aux Africains. Ceux qui en profitent ne veulent plus des Africains sur leur sol. A qui la faute ? Aux dirigeants africains d’abord et à ceux qui, au sein de la communauté internationale ont mis en place et maintiennent un système de vampirisation des ressources au détriment des pays pauvres. La morale n’a aucune place dans cette compétition pour la survie dans laquelle les plus forts ont choisi l’expropriation par tous les moyens des pays pauvres, souvent en complicité avec leurs propres dirigeants qui se trouvent ainsi pris dans un piège mortel. Le pouvoir malien doit préciser ce qu’on attend de la France ainsi que les limites à son action, car l’enclave de Kidal ne semble être que la partie visible de l’iceberg. Pourquoi construire un aéroport aux normes internationales dans une localité de moins de cinquante mille habitants, pendant que les autorités maliennes n’y ont pas accès ? Qui contrôlera et gérera cet aéroport ? N’est-ce pas la preuve de l’aliénation du pays sous le couvert d’une assistance dont personne ne voit l’efficacité sur le terrain ? Le peuple malien peut-il rester indifférent devant ce spectacle humiliant des décisions concernant Kidal dictées de l’extérieur ?
LA SOCIÉTÉ CIVILE POUR CHANGER LA DONNE
Malgré les déclarations sans équivoque de responsables politiques africains et européens, à quelques exceptions près les hommes politiques maliens sont muets sur l’intervention française, ressassant la même rengaine qui ne convainc personne. Le manque de confiance dans les institutions et ceux qui les incarnent d’une part, l’indiscipline et la corruption au sein de l’administration d’autre part, sont devenus les signes du mal être malien. On est allé de mal en pis depuis l’avènement de la démocratie. Comment faire face à un péril aussi grave que celui que nous vivons en ce moment, si les forces étrangères venues et accueillies en sauveurs n’inspirent plus confiance? L’analyse de la situation montre que la solution ne viendra que des Maliens eux-mêmes. Après avoir été presque plébiscité, IBK a laissé la politique politicienne reprendre le dessus en voulant faire du neuf avec du vieux. Le naturel est revenu au galop et le voilà au pied du mur dans une position plus qu’inconfortable, et dans une gêne que ressent amèrement le peuple malien. Non seulement l’administration n’exerce ses prérogatives qu’au sud du pays mais ailleurs, on ne sent que la présence des forces étrangères, ce qui crée un terreau fertile pour les islamistes constitués en grande partie et dirigés par des Maliens bon teint. Les acteurs de la société civile qui se sont relayés ces derniers temps pour dénoncer la gestion de la crise et le rôle de la France seront-ils entendus ? En tant que père la Nation, IBK doit parler à son peuple de façon claire et intelligible sur la situation du pays, ainsi que son projet pour sauver le Mali. Vivre de la charité internationale n’est pas une option digne d’un peuple comme le Mali. Le pays est en guerre et le président doit se comporter comme un vrai chef de guerre qui a certes besoin d’alliés extérieurs, mais qui compte d’abord sur son peuple et son armée. Le peuple malien a les moyens humains et culturels de réduire l’islamisme de l’intérieur, alors qu’on a choisi de le combattre de la pire des façons, c’est-à-dire de la façon dont on combat des séparatistes. Si l’on ne change pas rapidement le fusil d’épaule, l’enlisement n’est pas loin et on risque à terme de voir une partie de la population se rallier aux islamistes face aux troupes françaises.
Le Mali a fait appel à la France en 2013 dans un contexte particulier, mais six ans après, la présence militaire française est perçue comme une partie du problème parce que de Serval à Barkhane, s’est opérée une transposition incompréhensible. En effet, pour le commun des maliens, la crise a été provoquée par les groupes rebelles qui ont introduit les djihadistes dans leur sillage. On ne règlera donc pas le problème en protégeant Kidal et en créant de fausses pistes.
Mahamadou Camara
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