24 heures après le scrutin majeur au Mali qui doit déterminer qui a eu l'onction populaire à ce premier tour ou quels seront les duellistes d'un éventuel second tour, la guerre des chiffres officieux fait rage. D'un côté, il y a les partisans du Rassemblement pour le Mali (RPM) d'IBK, qui ont commencé à jubiler comme des diablotins. En effet après que les radios privées et autres sites Internet ont laissé entendre que l'ex-Premier ministre pourrait décrocher la timbale dès ce premier tour, il n'en fallut pas plus pour que les RPMistes lançassent ex-cathédra dans tout Bamako "takokélé !", ce qui signifie en langue bambara "1er tour K.-O. !"
De l'autre côté, la coalition du Front pour la sauvegarde de la démocratie et la République (FDR), un conglomérat de partis antiputsh né le 24 mars 2012 au lendemain du coup d'Etat du capitaine Amadou Haya Sanogo, ne l'entend pas de cette oreille.
Plus exactement, les têtes de proue de ce rassemblement, vrais challengers d'IBK, que sont Soumaïla Cissé de l'URD, Dramane Dembélé de l'ADEMA et Modibo Sidibé de la Convergence pour un nouveau pôle politique, ont poussé de l'urticaire et se sont inscrits en faux contre ces chiffres non officiels et favorables au RPM. Pour le FDR, un second tour est inéluctable.
En vérité, si certaines tendances non officielles créditaient l'enfant terrible de Koutiala d'un avantage certain sur les autres candidats, seule la CENI est habilitée à proclamer les résultats officiels.
Dans cette atmosphère de guerre des nerfs, des médias et des chiffres, trois scénarios demeurent plausibles :
- Soit IBK est conforté par la CENI et décroche ainsi le très convoité sésame du palais de Koulouba dès le premier round. Ce qui ne serait d'ailleurs pas un scandale. Car celui qui eut pour pygmalion politique Alpha Omar Konaré, lequel le propulsa Premier ministre avant que n'intervienne leur divorce en 2000, est une "bête politique" qui a blanchi sous le harnais. Force est de reconnaître qu'en manœurier hors pair qui fit ses armes au sein de l'ADEMA, il a su, durant cette campagne électorale, vendre son label politique : "Le Mali d'abord" ; un thème de campagne qui semble avoir fait mouche, on le dit majoritaire à Bamako, Ségou, Mopti. Selon toujours les données non consolidées par la CENI même si IBK laisse derrière lui ce parfum de cautionneur de putsch, allusion à ses allers-retours au camp de Kati au lendemain du coup d'Etat de mars 2012. On le dit d'ailleurs proche de la grande muette, ce qui n'est pas rien dans ce Mali, en mal de président-sécurocrate.
- La deuxième possibilité est le recours à un second tour le 11 août prochain. Dans ce cas de figure, et sous réserve du score des leaders du FDR, les haricots risquent d'être cuits pour le champion du RPM. En effet, si les consignes de report des voix sont suivies, on voit mal comment IBK pourrait tenir face à ce front antiputsh mué en coalition anti-IBK.
Le TSI, "tout sauf IBK", pourrait alors fonctionner à plein régime, et le "Takokélé" n'aura été qu'une grosse et éphémère illusion.
Un tel scénario scellerait en même temps le destin du porte-étendard du RPM, qui mène là son dernier combat politique, car une défaite serait synonyme de retraite honorifique, l'intéressé l'ayant lui-même confessé le 3 juillet dernier. A-t-il du reste le choix à 69 printemps sonnés, et après 4 tentatives infructueuses de gravir la colline du pouvoir que de se retirer définitivement de l'arène ?
Cette perspective par contre pourrait donner toutes les chances à soit Modibo Sidibé, soit à Soumaïla Cissé, qu'on dit au coude à coude à ce premier tour. Qui se désistera pour qui, selon la consigne arrêtée au sein du FDR, qui veut qu'on s'aligne au second tour derrière celui qui aura engrangé le plus de suffrages ? Le premier a servi sous Konaré et ATT, et compte bien avoir un destin national.
Le second qui était à la tête de l'UEMOA 8 ans durant tout en dirigeant l'URD depuis les rives du Kadiogo à Ouaga n'a cessé de penser au palais de Koulouba, si près et si loin de lui.
- Troisième cas de figure : en dépit de ce barrage FDR, à un second tour, IBK pourrait parvenir à se faire élire avec l'aide d'un autre front qui fera chorus derrière lui. Il confirmera alors sa stature d'homme d'Etat et comblerait les vœux de bon nombre de ses compatriotes qui voient en lui l'homme qu'il faut actuellement pour redresser un Mali qui a été touché, mais n'a pas encore coulé.