Dirigeants et supporters du Stade malien de Bamako ont un respect quasi-religieux et une grande estime pour certains joueurs du club au-delà même de leur carrière. Parmi ceux-ci, retenons Ibrahim Berthé alias M’Bappé, Lassine Soumaoro, Gaoussou Samaké, Seydou Diarra dit Platini, Ousmane Farota. A ceux-ci, il convient d’ajouter le jeune Ibrahim Aba Koné. A l’instar de ses aînés, celui-ci a incarné un comportement des plus honorables malgré son jeune âge. Notre confrère et doyen de l’ORTM, Papa Oumar Diop l’a surnommé “L’Aigle chanceux” parce que c’est à la dernière minute qu’il fut appelé pour compléter la liste des Aigles à quelques jours de la phase finale de la Can-2004, l’ancien joueur du Djoliba Alassane Touré venait alors de faire défection. L’ex-sociétaire du Stade malien de Bamako et de la Jeanne d’Arc (JA) de Dakar est le héros de de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” cette semaine. Retour sur une carrière exemplaire.
Ibrahim Koné dit Aba incarnait sur le terrain la bonne éducation reçue en famille. Par son comportement, sa discipline et son sérieux, il a vite conquis le cœur des dirigeants stadistes, des dizaines de milliers de supporters blancs et maliens. Evoluant dans l’axe, il faisait preuve d’une sérénité presque absolue. Véritable régulateur de par sa position axiale, il incarnait l’autorité sur le terrain. Dire donc qu’il personnifiait la sagesse dans sa jeunesse relèverait de la lapalissade.
C’est d’ailleurs ce sérieux qui a mis l’entraîneur français des Aigles Henry Stambouli dans l’embarras au moment de lui annoncer qu’il n’était pas retenu pour la Can-2004. Cependant, le technicien a fait preuve de beaucoup de psychologie pour lui signifier toute son admiration. Malgré tout, les choses étaient telles qu’il était au regret de ne pas le sélectionner pour la Coupe d’Afrique des nations “Tunis-2004”. Face à une telle leçon de vie, quelle a été sa réaction ? “Rien”, répond-il ! Et de poursuivre : “Sauf m’en remettre au bon Dieu, tout en ayant à l’esprit que dans mon destin, ne figurait pas sûrement une phase finale de Can”.
Mais coup de théâtre ! A la dernière minute, Aba est invité à réintégrer le groupe. Il lie ce retournement de situation à sa conviction religieuse et à sa foi en Dieu. Et lorsque le chargé des compétitions internationales de la Fémafoot lui a annoncé la bonne nouvelle, il s’est précipité à faire deux rakats. C’est après ce devoir de reconnaissance à Allah qu’il dit avoir partagé cet immense bonheur avec ses parents, qui étaient déjà informés. Au moment des faits, Aba évoluait à la JA de Dakar (Sénégal).
Homonyme de son grand-père maternel, d’où son surnom Aba, Ibrahim Koné est né à Tominkorobougou à la Cité des joueurs, entre trois camps, selon lui-même. Ses premiers pas sous l’œil vigilant d’anciens de la Can “Yaoundé-1972” ont contribué à forger sa passion pour la discipline.
Certes, le football est une affaire commune de tous les enfants de Bamako à un certain âge, mais le fait d’avoir grandi dans un milieu dont le quotidien était alternance d’exploits du Djoliba et du Stade malien de Bamako (dont les entraîneurs étaient tous dans la Cité) explique son amour pour le football. En 1980, avec l’équipe de la Cité des joueurs, il prend goût aux compétitions inter quartiers et inter scolaires.
Marquage à la culotte
En plus de jouer sur les différents terrains de la Commune III, Aba, par son assiduité au stade Mamadou Konaté, devint un fervent supporter du Djoliba AC. Il se contentera cependant de contempler les différentes générations des Rouges, car il lui était impossible d’intégrer le centre de formation des Rouges parce que ses parents accordaient plus d’importance aux études.
Admis au DEF, ce n’est qu’en 1991 qu’il fit ses premiers pas au Stade malien de Bamako en tant que junior. Mais pas pour longtemps. Au bout d’une demi-saison, il est contraint d’abandonner les terrains à cause de la pression parentale. Sa seule satisfaction pour sa passion résidait aux séances d’éducations physiques au lycée Askia Mohamed, où toutes les disciplines se pratiquaient.
Son retour et son ascension ainsi que sa sélection dans les différentes équipes nationales ont donc été instantanés. Elève au lycée, majeur, le jeune Aba pouvait quand même se permettre de braver l’autorité parentale pour poser certains actes non répréhensibles avec la dernière rigueur. C’est ainsi qu’il reprit les entraînements au Stade malien de Bamako en 1993.
La décision du coach Banta Diabaté de rajeunir son effectif par des juniors fut une circonstance favorable à l’éclosion de la génération des Aba Koné, Boubacar Nientao dit Falo, Arouna Macalou, Nouhoun Camara dit Kènèya Dji. Tous ceux-ci ont saisi leur chance de leur manière : Nientao, c’était la constance et la rigueur, Macalou la technicité, Nouhoun le physique, et Aba une sagesse ombragée par des qualités techniques et une vigilance à toute épreuve.
L’audace de l’encadrement technique de jeter des jeunes dans la gueule du loup a sonné le déclic de la longue et riche carrière d’Ibrahim Aba Koné. Un parcours flatteur, sanctionné par quatre coupes du Mali (1994, 1995, 1997, 1999), un doublé (1995), deux titres de champion (1995, 2000), une Coupe Amilcar Cabral (1997), une phase finale de Coupe d’Afrique militaire (1998), une phase finale de Can (2004).
Tout ce parcours sera couronné en 2001, par un contrat professionnel à la Jeanne d’Arc de Dakar. Les Sénégalais l’avaient repéré lors de compétitions interclubs. Après les pourparlers, il s’est avéré que les propositions des Sénégalais n’étaient pas encourageantes, surtout qu’ils voulaient Boubacar Guèye aussi.
Globetrotter
A l’époque le constat amer était que le football malien ne rapportait pas, et vouloir sacrifier l’avenir d’un joueur pour des intérêts du club allait être une inconséquence grave. Les dirigeants du Stade ont été guidés par le bon sens. Finalement, les deux parties sont tombées d’accord sur un seul et Aba Koné s’engagea avec la JA pour trois ans.
Cette aventure a été auréolée par trois titres de champion, une phase finale de Ligue de champion (éliminée en demi-finale) A la fin de ce contrat, il en décrocha un autre en Albanie au FC Dynamo de Tirana pour une saison et demie. En 2006, Aba Koné retourna au Stade malien de Bamako, après un tour aux Etats-Unis, où il ne s’est pas entendu avec le club de Reed Bull de New York.
Dans sa famille d’origine, il récupérera sa place jusqu’à la fin de la saison 2008. Traumatisé par un mal de genou, il décida de mettre définitivement un terme à sa carrière, liée aux bons et mauvais souvenirs. Mais lesquels ? “Mes bons souvenirs sont ma première Coupe du Mali, mon premier doublé, le sacre des Aigles au tournoi Cabral en 1997, ma première convocation en équipe nationale, la Can-2004 et la phase de poule de la Ligue des champions avec la JA. Quant aux mauvais souvenirs, ils se rapportent à l’élimination du Stade malien de Bamako par la JA en 2002 (je jouais avec le club sénégalais), à ma blessure à la Can militaire en novembre 1998, mon confinement au banc de touche à la Can-2004 où je n’ai joué que quelques minutes. Ce qui me fait encore mal, c’est cette élimination du Stade en Ligue des champions en 2008”.
Marié et père de trois enfants, Ibrahim Aba Koné réside aux Etats-Unis depuis septembre 2008. Dans la vie, il aime beaucoup de choses, mais déteste par-dessus tout la malhonnêteté et l’injustice. Quand il était encore en activité, Aba envisageait de faire carrière dans l’arbitrage.
Sauf que son âge pouvait être un handicap avant qu’il n’atteigne le haut niveau à l’instar des Drissa Traoré dit Driboss, Sidi Békaye Magassa, Moussa Kanouté, Dramane Danté, Koman Coulibaly, etc.
Il se rappelle néanmoins des conseils avisés de l’ancien président de la Fémafoot Amadou Diakité et de Cheick Diallo du Stade malien. Ceux-ci lui avaient suggéré d’entreprendre des études d’entraîneur parce que, arguaient-ils, sa patience, sa capacité d’analyse et sa vision des choses allaient l’aider à réussir dans ce métier.
Une fois aux Etats-Unis, en 2006, il s’était créé des relations qui lui ont permis par la suite de suivre des cours d’entraîneurs. Un choix qui lui vaut aujourd’hui un poste d’entraîneur au FC Long ISL.