Le responsable et haut cadre de l’association Tapital Pulaku, l’avocat Me Hassane Barry après son arrestation/ « séquestration » par la Direction générale de la Sécurité d’Etat (DGSE), le 21 novembre, suivie de sa libération, était sur la chaîne de télévision Africâble la semaine dernière. Il a profité de cette occasion pour plaider en faveur du dialogue avec les chefs terroristes Amadou Kouffa et Iyad Ag Ghaly. Non sans avoir décoché quelques flèches et remercié le Barreau malien et les avocats de part le monde, les personnes ressources pour leur mobilisation ayant permis sa libération.
Après avoir parlé de « montage » dans cette affaire, où il a démenti toutes les récriminations contre lui, soupçonné de « complicité avec des terroristes », l’avocat va réaffirmer son honnêteté et sa probité dans le travail qu’il fait défendre des individus poursuivis par la justice. A-t-il reçu de l’argent pour corrompre des magistrats ? «…Je n’ai rien reçu et si je l’ai reçu, ce n’est pas pour soudoyer un juge. Je suis avocat, j’ai le droit de recevoir de l’argent, de délivrer des reçus. Pour le cas spécifique, ils (NDLR les présumés terroristes arrêtés) m’ont dit qu’ils sont arrivés le 19 de Boulkessi, le 20, on m’a donné suffisamment d’argent et l’objectif c’était d’aller soudoyer le juge, je dis faux et archi-faux. Je dis l’information est vide », a-t-il martelé.
L’ancien ministre et non moins ancien ambassadeur avoue, par ailleurs avoir conduit une mission de libération d’otages maliens aux mains du chef terroriste Amadou Kouffa. « Je n’ai aucun complexe ici, ni ici, ni ailleurs à dire que j’ai rencontré Kouffa. J’ai rencontré Kouffa, et l’Etat a été impliqué du début jusqu’à la fin ». Sauf que pour cette mission, Me Barry dit n’avoir pas eu besoin d’ordre de mission. « Je n’ai pas besoin d’ordre de mission, je ne suis pas un fonctionnaire, moi. Je suis un avocat, si de part mes fonctions, je peux être un intermédiaire, un facilitateur dans la compréhension du sujet, je le fais. Effectivement, je l’ai rencontré, j’ai rencontré Kouffa en compagnie d’un autre ami, le Colonel Malamine Konaré et d’ailleurs, c’est la présence de Malamine Konaré qui a crédibilisé cette rencontre parce qu’à la suite de cela, avec deux discussions, nous avons réussi à avoir la libération des otages militaires….Nous avons ramené le 10 août les militaires otages…
Répondant à une question sur le contexte sécuritaire dégradé de la région de Mopti, Me Hassane Barry dit que « les gens pensent que le retour de la paix est quelque chose qu’on commence et on l’a tout de suite. Non, ce n’est pas comme ça. On rentre dans un processus, et c’est par des petites doses qu’on peut aller pour ramener la paix. Il y a des accords sectoriels dans certaines zones, il y a la zone de Douentza, où les gens ont signé des accords, il y a la zone de Koro, la zone de Bankass, il y a même au centre, Ténenkou, Ké-Macina et Dioura. Il y a des accords mais c’est tout ça mis ensemble qui peut aboutir à un accord pour l’ensemble du pays. Moi je dis et je le répète, la lutte contre le terrorisme tel qu’elle est engagée au Mali, ce n’est pas de ça que je veux. On n’a même pas une bonne lecture du terrorisme. Ce n’est pas les armes, ce sont des objectifs biens précis qu’il faut cibler et avoir des approches qui peuvent conduire à de bons résultats. Pour le moment, on ne réussit pas parce qu’on a créé une union incestueuse entre l’armée et des milices et je dis tant que cette union incestueuse continue, on ne verra pas le bout du tunnel ».
Et l’avocat, comme lors d’une plaidoirie, d’expliquer : « Je l’ai dit et je l’ai répété au président de la République que l’armée, c’est l’armée et que c’est elle qui doit être renforcée et non amener les chasseurs, les mettre à la disposition de l’armée. Où que l’armée se mette à la disposition des chasseurs, non, je dis non. Heureusement que hier j’ai suivi Macron qui disait qu’il va falloir repenser tout ça par rapport à ce qui se passe. Nous avons raison depuis le départ en disant attention au président, ce que vous faites là, n’est pas la lutte contre le terrorisme. Et petit à petit ça va revenir et c’est toujours difficile, mais il faut continuer à dialoguer à chaque fois qu’on peut. Chez les peuls, on dit « il vaut mieux convaincre que vaincre » parce que celui qui est convaincu est d’avance vaincu mais celui qui est vaincu n’est pas forcément convaincu. Le jour où il aura la force, il va revenir sur le terrain. Donc continuons avec le dialogue ».
Que les Maliens dialoguent entre eux, est-ce que ça ne peut pas passer du rêve d’une rencontre Kouffa, Toloba ? Me Barry dira que « oui, c’est possible mais ce n’est pas Kouffa seul qui gère la question, il faut remonter jusqu’à Iyad Ag Ghaly ».
Et l’orateur de relever que « c’est de l’amalgame qui a été crée et nous payons aujourd’hui les conséquences de cette amalgame. Depuis longtemps, nous avons dit, qu’il ne faut pas confondre les peuls aux djiadistes. Mais vouloir, au sommet de l’Etat dire que le terrorisme c’est incrusté dans les villages peuls, à tel enseigne qu’il est difficile. Il faut qu’on perde son temps en voulant faire la différence entre peuls et djiadistes, voilà où ça nous a conduits. Maintenant, Kouffa est disposé à dialoguer avec n’importe qui, il a ses thèmes qu’il développe à chaque rencontre avec les gens. Ce n’est pas seulement à Gounour qu’il l’a dit, il l’a dit à d’autres groupes, ce n’est pas nouveau, mais je suis convaincu que si nous sortons de notre ego et que nous faisons en sorte que le dialogue puisse instaurer entre Kouffa et le reste du pays. Certainement ça passera par Iyade, les gens ne veulent pas entendre parler mais je suis convaincu qu’aujourd’hui nous avons besoins de parler à tout le monde.
J’espère que si l’Etat joue bien son rôle qui n’est pas simplement de frapper, d’emprisonner mais d’apporter des conseils qu’il faut aux endroits qu’il faut. Je vous dis, c’est la démission de l’Etat qui nous a conduit à cette situation. Ce discours, je ne le tiens pas pour moi-même. Ce discours, vous l’entendrez dans toute la région de Mopti, dans tout le centre. C’est de la faillite dans la responsabilité de l’Etat qui nous a conduites à tout ça. Quand au déclenchement de cette affaire, si l’Etat avait dit attention, comme l’avait dit à l’époque ATT, tout Tamasheq n’est pas rebelle, tout Tamasheq n’est pas djiadistes, nous en serions pas là. Donc, nous vivons aujourd’hui les conséquences de la non-réaction de l’Etat à l’époque.
L’espoir est permis, mais l’Etat doit jouer son rôle. Il doit être au devant pour aller dans les villages dogons pour restaurer la confiance »