Le 10 décembre 2019 ne restera pas dans les annales uniquement comme la Journée internationale des Droits de l’Homme honorant la proclamation de 1948.
Pour le Mali, la journée du 10 décembre 2019 restera également gravée dans les mémoires comme la journée de la manifestation virile par la voix de son ministre des Affaires étrangères, de l’autorité souveraine de l’Etat déclarant « persona non grata » le chef du bureau de la MINUSMA à Kidal Christophe Sivillon. On ne s’attardera naturellement pas, dans cette affaire, sur la réaction tardive du gouvernement qui, après s’être terré dans un silence assourdissant, a finalement dû assurer ne serait-ce que le service minimum, Christophe Sivillon ayant déjà été relevé de ses fonctions au moment où le ministre des Affaires étrangères exhibait ses petits muscles à Koulouba. Mieux vaut tard que jamais ! Après tout, n’est-ce pas plus courageux de sanctionner quelqu’un qui est déjà relevé de ses fonctions ? Au moins, la Cour constitutionnelle s’en tire à bon compte dans cette histoire. Elle qui, sans aucun fondement constitutionnel, s’était interférée dans une affaire qui ne la concerne pas, en se permettant de sommer le gouvernement de tirer les conséquences de droit des propos tenus par le chef du bureau de la MINUSMA à Kidal. Maintenant, c’est chose faite. Le gouvernement qui n’avait nullement besoin de l’injonction inconstitutionnelle de la Cour pour ce faire, a plutôt obtempéré face au tollé d’indignation nationale qui a finalement eu raison de sa couardise.
Mais le ministre des Affaires étrangères se perdant dans des commentaires superfétatoires, a notamment déclaré : « Le gouvernement du Mali reste engagé avec les Nations Unies et la communauté internationale dans l’œuvre importante de rétablissement de l’intégrité du territoire et de l’unité nationale du Mali ».Du coup, l’événement de la journée du 10 décembre 2019 était moins la déclaration de « persona non grata » elle-même, que ce commentaire très révélateur du mensonge d’Etat jusque-là grossièrement habillé par avis de la Cour constitutionnelle. Un avis lamentable, on s’en souvient, par lequel la Cour constitutionnelle soutenait l’« insécurité résiduelle » pour faire passer au forcing une révision constitutionnelle contraire à la Constitution. Aujourd’hui, le ministre des Affaires étrangères du Mali confirme de la manière la plus solennelle que l’intégrité du territoire national du Mali reste altérée, interrompue et que le gouvernement du Mali reste engagé dans « l’œuvre importante de son rétablissement ». Dès lors, nous exigeons du gouvernement d’ordonner à la Cour constitutionnelle de tirer toutes les conséquences de droit de l’opération de rétablissement de l’intégrité du territoire national en cours. Nous attendons ardemment du gouvernement qu’il somme la Cour constitutionnelle d’avaler définitivement son « insécurité résiduelle », pour reconnaître enfin que l’intégrité territoriale du Mali reste altérée, interrompue et que, comme l’a si bien rappelé le ministre des Affaires étrangères, « le gouvernement du Mali reste engagé avec les Nations Unies et la communauté internationale dans l’œuvre importante de son rétablissement ». C’est le coup de grâce porté à la révision constitutionnelle, puisque l’alinéa 3 de l’article 118 de la Constitution dispose : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ».