Une nouvelle page de l’histoire des relations diplomatiques entre la France et les pays qu’elle a colonisé s’écrira le lundi 16 décembre 2019 à Pau, où sont invités quatre Présidents des pays en proie au terrorisme depuis 2012. Au cours de cette rencontre fatidique, IBK, Issoufou et Roch Marc auront une occasion idoine de parler d’égal à égal à Macron, d’afficher leurs ambitions et de lui poser les questions qui préoccupent les peuples sahéliens dans leur écrasante majorité.
Sans complexe, ni complaisance, forts du soutien de leurs peuples, les trois présidents ne doivent pas tergiverser ni trembler devant Macron quant aux attentes des populations du Sahel, qui disent ne pas comprendre qu’en dépit de la présence massive des forces étrangères, le terrorisme ne fait que s’accroitre avec son cortège de morts et de nombreux sinistrés. Si chaque pays a ses spécificités et ses préoccupations dans le combat contre le terrorisme, le Mali semble être plus touché que les deux autres d’où la colère des populations maliennes qui souhaitent que leur Président pose cinq questions à Macron.
Première question : A quand la fin de l’imbroglio entretenu par la France autour de Kidal ?
Nombreux étaient les maliens qui s’étaient indignés de l’interdiction faite aux FAMa de mettre pied à Kidal, la capitale de l’Adrar des Ifoghas, « sans invitation ». Et pire, ce sont les groupes armés rebelles qui se pavanent dans la région avec leurs armes comme s’ils sont en territoire conquis. Donc, que la situation de Kidal soit clarifiée et que cette région revienne dans le giron du Mali.
Deuxième question : La France est-elle prête à aider le Mali à exercer sa souveraineté sur Kidal avec la présence de l’administration et de l’armée et à cantonner et désarmer tous les groupes armés qui y sèment la désolation ?
Le Mali est amputé d’une grande partie de sa superficie en l’occurrence sa huitième région administrative depuis 2012. La tentative de la récupérer par la force en 2014 s’est soldée par un échec, pas par la faiblesse de l’armée malienne, mais par le complot contre le Mali et dont la France en est la principale instigatrice. Elle continue à entretenir la confusion au point de susciter une polémique et un sentiment antifrançais. Macron pourra-t-il permettre à l’Etat malien d’exercer enfin son autorité sur Kidal ?
Troisième question : Si tant est que la France est présente au Sahel pour lutter exclusivement contre le terrorisme, pourquoi n’aide-t-elle pas le Mali en équipements et en renseignements afin de venir à bout du fléau au lieu de se substituer aux FAMa sur le terrain ?
Les Maliens s’interrogent aujourd’hui sur les vraies intentions de la France dans le Sahel, surtout après sa tentative avortée en 1957 de créer l’Organisation Commune des régions sahariennes, OCRS. Beaucoup pensent qu’en se substituant à l’armée malienne sur le terrain, en la cantonnant, en mettant en scelle le MNLA et ses excroissances, HCUA et MAA qui sont tous de complices des groupes terroristes, l’agenda de la France se trouve ailleurs que dans le seul combat contre le terrorisme.
Quatrième question : Pourquoi la France ne ferait-elle pas comme les Etats Unis qui appuient sans ambages le Niger en moyens militaires, sans être présents ? Macron ne pourrait-il pas envoyer des coopérants militaires pour former nos forces armées et les doter de moyens adéquats pour qu’elles exorcisent ce mal qui est le terrorisme ?
Pour les experts de la géopolitique sahélienne, la France n’est pas au Sahel pour les beaux yeux des habitants de la zone, mais pour ses intérêts économiques. Elle aurait des visées sur l’uranium, le pétrole, l’or et surtout l’eau douce dont regorge le vaste espace sahélien. Sinon, comment comprendre qu’en lieu et place des engins de guerre, c’est plutôt d’autres engins lourds qui déferlent vers le nord et bien escorter par les troupes françaises. IBK doit demander à Macron de dire la raison de la présence de ces engins, alors qu’aucun protocole d’accord n’a été signé pour une quelconque exploitation. Tout comme il doit demander à la France de se préparer à se retirer du Mali.
Cinquième question : La France pourra-t-elle retirer ses troupes dans un bref délai en cédant la place aux forces du G5 sahel et en se limitant à un soutien matériel, logistique et en renseignements ?
La volonté des Etats sahéliens à prendre leur destin en mains est de plus en plus affichée, car ils sont arrivés à la conclusion qu’aucun pays ne pourra les libérer du joug terroriste. Poussés par leurs peuples, les dirigeants des cinq Etats sahéliens sont conscients des enjeux et sont prêts à mutualiser leurs efforts pour venir à bout du terrorisme. Ils ont juste besoin d’une assistance technique et matérielle des puissances occidentales en tête desquelles la France.
En définitive, la rencontre de Pau en France, loin d’être une tribune pour régler des comptes, pourra être le début de la fin de la confusion entretenue par la France au Sahel.