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Enquête-Mali : Les non-dits de la crise
Publié le mercredi 18 decembre 2019  |  Le Soft
Emmanuel
© AFP par DR
Emmanuel Macron
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Que cherche la France libératrice à Kidal ? Pourquoi après avoir libéré la région, elle ne laissa pas l’armée malienne sécuriser les personnes et leurs biens comme à Tombouctou et à Gao ? Longtemps, ces questions ont taraudé l’esprit des observateurs qui en savent peu des enjeux de cette crise. Mais qu’en est-il exactement ? Enquête.



Si depuis 2013, le Français ont fermé la porte de Kidal à l’armée malienne, c’est parce qu’ils ont pris des engagements sans y associer les Maliens. En clair, les puissances occidentales, membres du conseil de sécurité et dont le véto a été sollicité pour une intervention militaire au Mali, se sont montrées radicales à toute présence militaire malienne à Kidal. Pour ces puissances décidées à accompagner Paris dans son projet d’intervention, tout acte de violence perpétré contre les Touaregs dits marginalisés au Mali, n’aura de responsable que Paris qui dispose de la plus puissante armée sur le terrain.

LA SITUATION A L’ORIGINE

Au-delà de tenir Kidal jusqu’au règlement pacifique de la crise malienne, l’ancienne puissance coloniale veut occuper le sud algérien. Objectif ? Affaiblir l’influence de l’Algérie sur la bande sahélo-saharienne. Car après avoir farouchement combattu les salafistes dans les années 1990, l’Etat algérien s’est offert une large influence faisant croire à ses voisins du sud, qu’elle est cet incontournable grand-frère régional chez lequel toutes les crises se dénouent. En clair, Paris veut torpiller l’influence algérienne grandissante sur ses anciennes colonies à travers la bande saharo-sahélienne.

Si en 2010, à la suite des enlèvements à Arlit au Niger, la France de Nicolas Sarkozy est parvenue à installer ses unités spéciales en Mauritanie, au Niger et au Burkina, le cas malien est longtemps resté sans succès.

Sur le terrain, puisque Bamako avait refusé le déploiement de forces françaises sur son sol, en appelle une énième fois, à une conférence des pays du champ. L’objectif étant de conjuguer les efforts tendant à créer des conditions défavorables à la nébuleuse Aqmi. Une initiative de Bamako, qui donna naissance au Comité d’état-major conjoint basé à Tamanrasset. Mais qui face à l’influence de Paris sur le Niger et la Mauritanie, échoue.

Pour le pouvoir malien de l’époque, « depuis 50 ans le Mali a fait plier l’Armée française de son territoire, confie un diplomate dans l’anonymat. Il est hors de question de l’accepter ici chez nous parce que rien ne nous indique que le terrorisme est son unique cible.»

Pendant ce temps, les unités spéciales françaises au Niger et en Mauritanie, dotent leurs hôtes de la logistique de guerre. Ecarté et traité de maillon faible, le Mali est dans l’œil du cyclone.

C’est dans ces conditions que surviennent les évènements en Libye.

2011, après la Libye, la France de Nicolas Sarkozy use de ses influences sur l’Algérie et fait passer les revenants de la Libye auxquels elle avait promis un territoire après la libération des otages d’Arlit (enlevés en septembre 2010) et probablement retenus quelque part au Mali. Or en réalité, il n’était pas seulement question d’otages, mais d’abord, de la mise à terre d’un régime malien qui se voulait nationaliste face au diktat paternaliste.

Dans l’attitude de l’ex colon qui, hier comme aujourd’hui, ne veut jamais voir ses colonies s’affranchir, il est hors de question que le Mali refuse ce que dicte Paris. ATT devient alors l’homme à abattre avant la fin de son mandat. Car qu’ATT parvînt à terminer son mandat tout en restant à dos avec l’ancien colon, inciterait d’autres chefs d’Etats africains alors malléables à résister en prenant l’exemple sur lui.

Pour sauver le Niger et la Mauritanie des revenants de la Libye convoyés jusqu’au sahel et auxquels un territoire a été promis, la France active ses unités aux frontières mauritaniennes à l’Ouest, et constitue avec le Niger l’opération ‘’Mali Béro’’, à l’Est. Cette dernière est une opération de commandos Français au Niger initiée dès début 2011 dans le but de freiner toute tentative de franchir le territoire nigérien par les revenants de la Libye. C’est cette opération qui sauva le Niger à la différence du Mali en ligne de mire.

Janvier 2012, de Bamako, le Général président au bout de son dernier mandat, a résisté jusque-là. Ce dernier sur la sellette, use de ses contacts pour trouver la solution au problème. Mais, de son entêtement à la soumission, viendra s’ajouter son refus de reconnaître le CNT libyen.

Dans l’occident, ses armes commandées sont bloquées dès la mort dès octobre 2011. Le régime est acculé et opte pour une intervention militaire purement africaine.

Nous sommes le 20 mars 2012. L’union africaine débarque à Bamako sans y associer Paris car fâchée de la tournure de la résolution adoptée pour une zone d’exclusion aérienne ayant conduit à l’assassinat de Mouammar Kadhafi. L’objectif de Ping et de ses soutiens à Bamako, était d’adopter au sein d’un conseil purement africain, le déploiement rapide des unités sud-africaines afin de vite stopper la rébellion et tenir des élections avant mai de la même année. Ce fut la goutte d’eau qui renversa le vase.

Du nord du Mali, la rébellion obtient un soutien médiatique inédit et sème la panique au sein des forces armées maliennes. L’objectif de faire tomber le régime malien est acquis parce que la panique orchestrée de toutes pièces a poussé certains éléments de l’armée à se mutiner pour prendre le pouvoir. Des anciens rebelles au sein de l’armée malienne rejoignent l’ennemi. Le nord est désormais occupé par des terroristes qu’il faut combattre. Ce qui occasionnera et favorisera l’installation effective des forces françaises dans le pays par une résolution du Conseil de Sécurité demandée et présentée par Paris.

LA VOIE EST ENFIN LIBRE…S’INSTALLER DANS LA DUREE

Avril 2012, malgré le départ de Sarko du pouvoir, la France qui crie à l’intervention militaire fait semblant de ne pas vouloir venir au Mali. Elle invite les Africains à y aller tout en se disant prête à assurer la logistique de guerre.

Maintenant que l’ancien régime est renversé en mars 2012, c’est la lune de miel. Paris parvient enfin à s’installer grâce à l’intervention militaire de janvier 2013 qu’elle se savait seule intéressée à diriger. Ce fut contre le gré des Algériens qui se savaient longtemps visés mais sans réelle force diplomatique à l’ONU où le véto fait roi.

En voilant ses vieilles ambitions de s’installer mordicus au nord du Mali, Paris convainc les puissances détentrices des vétos de n’y aller que pour lutter contre le terrorisme. Contre leur vote pour la résolution autorisant l’action militaire, les puissances exigèrent de la France l’exclusion de tout redéploiement des soldats maliens dans l’Adrar des Ifoghas où l’amalgame d’«une armée malienne hostile aux Touaregs et arabes», est partagée.

L’ARMEE FRANCAISE EST UNE MENACE POUR ALGER

Installé après avoir monté une situation de toutes pièces, Paris invite le régime de la transition malienne, le 30 janvier 2013, à dialoguer avec les communautés du nord du pays. Depuis, le Mali tangue, la France s’installe calmement dans les régions stratégiques du pays. En face, Alger voit son avenir menacé car en cas de frappes françaises dans le nord du Mali, les terroristes ne peuvent que se rabattre sur ses extrémités sud. De Niamey à Nouakchott en passant par Gao et Tessalit, l’armée française fait la garde des frontières depuis 2010 d’ailleurs. La seule échappatoire pour les terroristes en cas de raids françaises, c’est de se rabattre vers le sud, en Algérie. Ce qui, en janvier 2013 fut à l’origine des attaques terroristes dans les sites gaziers d’In-Amenas et pourrait déstabiliser économiquement l’Algérie qui n’a que l’exploitation pétrolière comme principale source de revenus.

LA PAIX SELON CHACUN

Profitant de la venue d’IBK au pouvoir, l’Algérie qui veut continuer à faire valoir son influence dans la région, capte avec bec et ongle le processus de dialogue malien alors au Burkina. Entretemps, Paris dont un éventuel accord algérien n’arrange pas, fait semblant d’y adhérer. Alors qu’elle soutient toujours d’ailleurs un accord purement ouest-africain, sans aucune participation des Algériens. Cette guerre continue d’ailleurs toujours.

EMBARGO D’ARMEMENTS

Novembre 2014, soumeylou Boubeye Maïga alors démissionnaire, révèle : «nombre de nos partenaires ne souhaitent pas en réalité que nous ayons une armée forte ».

Mieux, « tout a été fait par certaines puissances pour empêcher l’équipement de l’armée malienne », ajoute le Président Ibrahim Boubacar Keïta à Sikasso le 21 août dernier.

Impossible de se doter des hélicoptères ou d’avions de chasse. Le pays est depuis peu, selon des diplomates étrangers, frappé par un embargo d’armements (lire l’encadré).

INTERDIT A TOUTES LES BANQUES LOCALES

Alors qu’une bonne partie des armes et avions de guerre commandées par le Mali sont jusque-là bloquées, la situation du 21 Mai à Kidal a coûté cher au pays dont l’embargo militaire sera encore renforcé, à l’instar de la Côte d’ivoire. Pis, il est interdit à toutes les banques locales d’accorder des prêts financiers à l’Etat malien pour s’en acheter des armes. C’est pourquoi, en novembre 2013, le régime IBK s’est vu bouder par la banque atlantique en tentant d’y obtenir un prêt de 108 milliards FCFA. Le premier essai est un échec. L’Etat malien était obligé d’y convier une société particulière (GUO-star) tout en fournissant une garantie d’autonome. La suite est connue.

IBK l’a compris : Actuellement, il ne suffit pas d’avoir des milliards pour se doter des armes au Mali. Le Mali a ses priorités, ses amis la communauté internationale aussi.



L’ENCADRE

Encore que des groupes armés continuent de rendre le nord du Mali infréquentable, l’armée malienne a du mal à y faire face. Une situation qui froisse les autorités. Mais, pour y parvenir, « il nous faut des moyens aériens », se lamente un militaire malien dans l’anonymat.

Or, le Mali qui disposait de cinq hélicoptères Gazelle et de 3 MIG21 était en mal de se les faire piloter par des étrangers qui décidèrent de s’en aller pour des raisons inconnues. En plus, certains de ces appareils de guerre pouvant être pilotés par des militaires maliens, nécessitent d’ailleurs un lifting.

Fin 2011, en plus des pièces de rechange commandées, deux avions chasseurs bombardiers de marque sukoï, étaient en voie d’être livrés. Les deux appareils avaient été commandés par l’ancien régime renversé en mars 2012 qui s’agaçait sur le retard de la livraison alors que les comptes de la société européenne ‘’Metallica’’ avaient bien été réglés. Noter que l’existence de ce contrat a bel et bien été reconnue par le Général Yamoussa Camara, alors ministre de la Défense.

Issiaka Tamboura

NB : Cet article a été publié dans le premier numéro du Soft en date du 15 septembre 2015

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