Quel regard faut-il poser sur l'élimination de 33 terroristes ce samedi ? Est-ce un fait ponctuel ou déjà le fruit d'une stratégie nouvelle ?
L'opération au Mali dans la région de Mopti par les commandos français qui a permis la neutralisation, dans le jargon militaire, c'est-à-dire l'élimination de 33 terroristes, semble marquer le début d'une contre-offensive voulue, sinon exigée par Emmanuel Macron. Une victoire qui tombe à pic, au moment où le président français, après la Côte d'Ivoire, termine sa tournée africaine au Niger pour s'incliner à Niamey devant les sépultures des 71 militaires nigériens tombés sous les balles des djihadistes dans leur camp d'Inates, tout près de la frontière du Mali.
Il fallait freiner la mauvaise dynamique…
Face au terrible bilan depuis octobre dernier des armées africaines et de celui du dispositif Barkhane qui a perdu d'abord un soldat, puis 13 membres d'équipage au cours de la collision de deux hélicoptères en opération, la situation ne pouvait plus durer ainsi aux yeux du chef de l'État français. Celui-ci se garde bien d'utiliser les éléments de langage proférés par ses ministres directement concernés par le dossier, qui répètent à l'envi qu'il faudra 15, sinon 30 ans, pour stabiliser la situation au Sahel. Le problème étant politique, se défaussant de fait sur les gouvernances africaines qui refusent de prendre totalement à leur compte les difficultés de la lutte contre le terrorisme chez eux, qui a commencé après l'offensive française en Libye contre Kadhafi. Une méthode Coué basée donc sur le pari risqué d'un renversement de situation à la moitié du siècle, qui pourrait apparaître comme un moyen pour estomper les succès sans précédent, et donc les échecs du côté du partenaire français, des groupes armés terroristes qui ont pris l'initiative sur le terrain.
… et repartir sur de nouvelles bases…
Du coup, Emmanuel Macron semble vouloir « renverser la table » pour essayer d'arrêter cette dérive sécuritaire et difficile à accepter, en premier lieu par l'opinion africaine qui accuse du coup la France de tous les maux de la terre. Le « malentendu » à propos de l'invitation française prise comme une injonction sur le continent, à la réunion de Pau en janvier prochain des présidents des pays du G5 Sahel semble aujourd'hui appartenir au passé. Dans la situation d'urgence qui prévaut partout dans la région, les susceptibilités entre alliés français et africains passent au second plan. Seuls comptent les résultats et l'engagement de tous les partenaires. L'opération d'opportunité, selon le ministère des Armées, contre un groupe important de djihadistes ne pouvait pas mieux tomber. C'est grâce à des renseignements récupérés depuis plusieurs jours par le dispositif Barkhane que des commandos français ont été héliportés dans la nuit du 20 au 21 décembre dans une forêt qui abritait un campement terroriste. L'assaut a duré jusqu'à l'aube. Appuyé par un hélicoptère Tigre, les soldats français ont progressé sous le feu, au contact de l'ennemi. Leur détermination et l'effet de surprise ont eu raison des djihadistes.
… avec des moyens renforcés
À la fin de la bataille, deux gendarmes maliens retenus en otage depuis plusieurs semaines ont été libérés. Fait rarissime, car ils préfèrent mourir que tomber entre les mains de l'ennemi : un djihadiste a été capturé. Des motos, beaucoup d'armement : des mitrailleuses lourdes et 4 pick-up, dont un équipé d'un canon antiaérien à tir rapide, très efficace à 2 000 mètres une fois tourné vers le sol, ont aussi été récupérés. Une action qui correspond à une nouvelle montée en puissance des forces françaises. Le 15 décembre dernier un avion Atlantique 2 de la Marine nationale s'est posé sur la base française de Niamey, au Niger. Un renfort pour Barkhane prévu pour rester plusieurs mois. Cet appareil capable de voler très longtemps emporte 10 membres d'équipages : deux pilotes, un mécanicien, mais aussi des opérateurs électroniciens et des observateurs. Ses capacités ISR (intelligence, surveillance and reconnaissance) lui permettent de voir de jour comme de nuit.
Des renseignements électromagnétiques et des images analysés en direct, qui guident les Mirages 2000D en alerte sur la zone où ils doivent intervenir avec leurs bombes guidées au laser. Depuis leur transformation pendant la guerre contre Daech en Irak, les Atlantique 2 peuvent eux aussi larguer des bombes, pour gagner de précieuses minutes avant que l'ennemi ne s'égaye ou disparaisse derrière un repli de terrain.
À Gao, ce sont deux hélicoptères danois Merlin qui ont intégré le 18 décembre le groupement tactique désert aérocombat. Soixante-dix militaires danois en tout, qui vont piloter et procéder à l'entretien, permanent à cause du sable, dans un hangar et bénéficier d'un Tactical Operation Centre construit pour eux. Capables d'emporter 5 tonnes de fret ou 30 fantassins équipés pour le combat, ces hélicoptères de manœuvre sont essentiels pour intervenir « à chaud » sur un théâtre d'opérations aussi grand. Même si leur venue était prévue avant, ils restent un renfort après les deux Cougar français tombés fin novembre avec leurs 13 membres d'équipage. Une arrivée, après celle d'hélicoptères britanniques, qui pourrait marquer le départ d'une coopération européenne réclamée aujourd'hui avec une forte insistance par Emmanuel Macron, qui ne semble pas vouloir attendre des lustres pour relancer la lutte contre les groupes terroristes au Sahel. En s'arrêtant à Niamey, le président français ira se recueillir sur les tombes des soldats nigériens morts au combat, frères d'armes des militaires français. Un message d'union en direction de l'opinion avant le sommet de Pau, qui devrait correspondre à l'annonce d'un sursaut franc et clair, attendu en France comme en Afrique.