Au Mali, le commerce du poisson est majoritairement occupé par les femmes. Elles sont focalisées principalement au marché Dossolo Traoré de Médine, mais d’autres sont installées tout au long des abords des routes et ruelles pour exposer leurs marchandises. Jadis rentable, ce commerce devient aujourd’hui de plus en plus infructueux. Et pour cause : le problème d’organisation, de financement et d’infrastructures adéquates.
Aujourd’hui, le principal marché qui reçoit le poisson venu d’un peu partout à l’intérieur et à l’extérieur du Mali est le marché Dosolo Traoré de Médine. Le Mali regorge d’un potentiel réel dans la production du poisson notamment le lac de Sélingué, le delta intérieur du Niger, le lac de Manantali et aussi les régions de Mopti, Gao, Macina, etc. le marché est aussi approvisionné à travers certains pays comme le Maroc, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et la Mauritanie.
Mais malgré ce grand potentiel, il y a un sérieux manque d’encadrement dont souffrent les consommateurs et les riverains, mais aussi les vendeuses qui exercent aujourd’hui ce métier avec difficulté. « La mauvaise odeur cumulée, les saletés des eaux usées qui coulent à flot partout, découragent plus d’un. Les poissons sont étalés par terre sur une infime plastique et l’eau mêlée à la boue submerge tout. Au retour de ce marché, on doit se laver pour pouvoir se débarrasser de toutes ces odeurs et saletés« , témoigne Aminata Coulibaly, ménagère.
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Il y a d’autres marchés de poisson comme le marché Bcéao et le grand marché de poisson qui est situé à Senou. Mais c’est le marché de Médine qui ravitaille presque tous les autres points de distribution de la capitale.
Il y a un sérieux problème de conservation, de stockage et aussi de transport selon les vendeuses. « Autre fois, je pouvais vendre plus de 100 cartons de poisson, mais aujourd’hui ce n’est plus pareil, le marché est lent. Par jour, je ne dépasse pas 80 cartons de poissons. Notre grand problème aujourd’hui c’est le conditionnement, on n’a pas de chambre froide pour conserver nos poissons, juste des frigos et quelques conteneurs frigorifiques. Cela est insuffisant pour conserver toutes cette marchandise. Aussi, les dédouanements sont trop chers et par conséquent on augmente le prix et les clients se font rares à cause de cela. Mais on n’a pas le choix. Aujourd’hui on fait ce commerce juste par habitude sinon on ne gagne plus rien« , se plaint Assitant Kamanta, vendeuse de poisson depuis plus de 10 ans au marché de Médine.
Salimata Mariko, une autre vendeuse, soutient les mêmes propos. « Autrefois, ce commerce qu’on adorait, n’est plus le même. On faisait beaucoup de gains, mais aujourd’hui, on y perd tellement qu’à chaque saison on doit chercher de nouvel investissement. Le poisson est cher aujourd’hui, nos matériels de travail aussi coûtent cher. Je fais ce métier depuis plus de 30 ans. Si par exemple on va acheter le poisson au Sénégal, pour la faire venir au Mali, les taxes et les dédouanements sont trop élevés. Avant, avec un chargement de 3 millions de F CFA, on pouvait faire plus d’un million de gain. Mais aujourd’hui, avec cette même somme, c’est à peine si on peut même avoir l’investissement qu’on fait à plus forte raison des gains. Cette année, j’ai même perdu un chargement de poisson à cause du manque de conditionnement« , témoigne Salimata Mariko.
Salimata Coulibaly, présidente de l’Association « Djekafo » créée en 1985 et regroupant plus de 200 vendeuses au marché de Médine, demande l’appui des autorités pour soutenir le secteur. « Nous revendiquons l’aide du gouvernement. Nous avons eu quelque don de la direction de la pêche et du Pays-Bas au compte de notre association, comme des fours, des caisses de poisson, des balances, des réfrigérateurs, des glaciaires, des bâches, etc. Mais on attend l’aide du gouvernement maintenant« , explique-t-elle.
Les autorités sont bien conscientes de l’insuffisance des infrastructures d’accueil modernes de débarquement, de conservation et de stockage. Ce handicap est négatif sur le revenu des acteurs. C’est pourquoi, un grand marché de poisson a été créé à Senou. Mais, les acteurs affirment n’avoir pas été associés à ce projet.
Salimata Coulibaly, présidente de l’Association « Djekafo », précise : « Senou est trop loin pour nous et difficilement accessible aux clients. On peut faire toute une journée sans aucun acheteur. Une fois, j’ai perdu la marchandise de toute une journée là-bas car personne n’est venu acheter. Les gens sont habitués à ce marché de Médine. Alors s’il faut qu’on se déplace jusqu’à Senou ce serait très difficile pour nous« .
Fatoumata Traoré, commerçante aussi, estime qu’au lieu de ce marché, les autorités auraient dû rénover l’existant.
Le taux d’emploi informel dominé par les femmes
Dans le rapport d’analyse situationnelle annuelle sur le marché du travail (Rasamt-2016), les calculs de l’observation nationale de l’emploi et de la formation (Onef) à partir des données de l’enquête modulaire permanente auprès des ménages (EMOP) en 2016, montre qu’une des caractéristiques du marché malien de travail est la domination de l’emploi informel qui représente jusqu’à 96 % de l’emploi totale avec 98 % pour les femmes.
Ce type d’emploi est pourtant dominant dans toutes les régions et quel que soit le milieu. Son taux diminue significativement avec le niveau d’éducation de 96,5 % pour le primaire à 37 % pour le supérieur et 47 % pour le secondaire. Ainsi, l’éducation serait l’un des remparts contre l’emploi informel surtout chez les femmes.