Sabine Pakora est une actrice de cinéma Franco-ivoirienne totalisant une trentaine de films et Co-autrice du livre « Noire n’est pas mon métier ». Dans cet entretien qu’elle nous a accordé, elle revient sur ses débuts dans le cinéma.
Diasporas-News : Faire du cinéma a toujours été votre rêve. Comment expliquez-vous cette passion ?
Sabine Pakora : Je suis arrivée en France à l’âge de quatre ans. Je fais partie d’une grande fratrie. Je suis une des plus jeunes des enfants venus en France et parmi mes frère et sœurs, personne ne voulait jouer avec moi, ils étaient tous plus âgés que moi. A l’époque, il n’y avait pas trop d’activités pour les enfants. En dehors de la télé et des jeux de société, il n’y avait pas grand-chose. Je passais une bonne partie de mon temps à faire des sketches, à me raconter des histoires. Ça pouvait prendre des heures et des heures. Pendant les vacances, on regardait beaucoup les films en famille. Certains films me marquaient et je reproduisais les scènes que je voyais. Voilà !
D-N : Racontez-nous vos débuts…
S. P: J’ai vécu à Montpellier jusqu’à mes 18 ans. Là-bas, j’ai passé un bac théâtre. Ensuite, j’ai fait le Conservatoire d’art dramatique. Après, comme la plupart de mes amies, je suis venue à Paris, car on pense que tout passe par Paris. J’ai donc tenté Paris. Ça a été difficile économiquement quand je m’y suis installée car je n’avais pas les réseaux…Je me suis donc un peu échouée dans cette capitale où je n’avais pratiquement pas d’opportunités, aucun rôle. Rien !
D-N : Que faites-vous alors face à une telle désillusion ?
S.P: C’est surtout par la danse que je suis parvenue à garder ma passion artistique intacte. J’ai pris un cours de danse africaine où on m’a proposée d’intégrer des ballets. De fil en aiguille, j’ai passé une audition en 2008 pour une comédie musicale : Kirikou. J’ai aussi dansée avec une Compagnie de danse contemporaine Montalvo-Hervieu. Au bout d’un moment, je sentais que j’avais besoin de revenir à mon métier de comédienne. Ça me manquait de pouvoir m’investir dans un personnage car la danse est une toute autre énergie artistique. Quand je suis revenue au métier de comédienne, j’ai recommencé à zéro. J’envoyais mes CV à des directeurs de castings et progressivement j’ai commencé à avoir quelques opportunités.
D-N : Aviez-vous des modèles dans le cinéma à cette époque ?
S.P: C’est un peu compliqué pour nous qui sommes d’origine africaine car je trouve que les rôles sont stigmatisés. Je trouve qu’on est peu cantonnés selon nos origines. Des modèles ? Oui et Non. C’est plus des réalisateurs ou des films qui m’ont donné envie de faire ce métier. Après, il y a des actrices et des acteurs que j’aime bien mais ce ne sont pas vraiment des modèles pour moi.
D-N : Vous avez jouée dans une trentaine de films dont « Samba » d’Olivier Nakache et d’Eric Toledano, « La fille du patron » d’Olivier Lousteau, « Les Etoiles » de Diana Gaye ou encore « La dernière leçon » de Pascale Pouzadoux. Lequel de ces films vous a-t-il le plus marquée ?
S.P: Chaque fois c’était des rencontres, des expériences humaines avec des acteurs et des réalisateurs. Le rôle dans lequel je me suis vraiment sentie comédienne, dans une énergie de création et pas seulement de correspondre aux clichés du personnage de par mes origines, c’est le film « Je vais mieux » de Jean-Pierre Améris.
« Je suis plus connue du métier mais pas encore connue du public… »
D-N : Pourquoi ?
S.P: Dans ce film, j’ai beaucoup aimé ce personnage que j’ai été amené à interpréter. Je ne suis une comédienne à part entière. Pas dans une stigmatisation de par mes origines.
D-N : Originaire de la Côte d’Ivoire justement, quels liens avez-vous avec ce pays ?
S.P: J’ai une histoire particulière avec la Côte d’Ivoire. Je suis née en Côte d’Ivoire et c’est à quatre ans que je suis arrivée en France. J’y suis retournée quand j’avais la vingtaine. Pendant longtemps j’ai donc été coupée de mon pays et de ma famille. Les liens, il a fallu les reconstruire. Disons que je suis une Ivoirienne un peu touriste. J’y vais en vacances. La dernière fois que j’y étais c’était en 2016.
D-N : Avez-vous des projets de films en Côte d’Ivoire ?
S.P: Oui, j’ai quelques projets dont celui de réaliser une série. Pour le moment cela reste à l’état de projet. Ce sera une belle opportunité que de renouer artistiquement avec mon pays d’origine.
S.P: Qui ne connaît pas Claudia Tagbo ? Claudia Tagbo a pas mal de notoriété. Je connais aussi Tatiana Rojo comme actrice d’origine ivoirienne. Moi je suis plus connue du métier mais pas encore du public. Avec Tatiana Rojo nous nous sommes rencontrées plusieurs fois sur des castings. Nous sommes amies aussi sur Facebook. Claudia et Tatiana sont de très bonnes actrices.
D-N : Quel bilan faites-vous de votre carrière d’actrice après une dizaine d’années ?
S.P: Curieusement, c’est maintenant que ma carrière commence à prendre véritablement son envol car j’ai beaucoup plus d’opportunités de rôles. Aujourd’hui, j’ai des propositions de rôles plus intéressantes en termes de complexité de personnages et de jours de tournage. Mais je dirais qu’aujourd’hui mes attentes ont un peu changées.
D-N : Que voulez-vous dire ?
S.P:. J’ai envie d’écrire et de raconter mes propres histoires. En écrivant mon témoignage « Noire n’est pas mon métier », j’ai découvert le plaisir d’écrire, de me raconter. Du coup, j’ai commencé à écrire des scénarii. Là, je suis en train de finaliser un texte que je jouerai en mars 2020. Avec le metteur en scène avec qui je travaille, Frédéric Maragnani ; C’est un spectacle de théâtre dans lequel je serai seule sur scène.
D-N : Une actrice de cinéma gagne-t-elle vraiment bien sa vie ?
S.P: Je dirais oui. Ça dépend… Il n’y a pas de règles. Aujourd’hui vous pouvez avoir des cachets importants et les choses peuvent changer, évoluer dans un sens comme dans l’autre. Ça dépend du contexte (Rires).
D-N : à la veille des fêtes de fin d’année, quels sont vos vœux pour 2020 ?
S.P: J’espère que 2020 sera intense et que ce sera l’occasion pour chacun et chacune de se réaliser pleinement, d’aller au bout de ses désirs et de ses envies. On n’a qu’une vie. Il faut la vivre au présent !