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Mamoudou Kassogué, Procureur du Pôle Economique et Financier : « La lutte qui est engagée contre la corruption au Mali n’est pas une duperie, c’est une réelle volonté politique »
Publié le jeudi 9 janvier 2020  |  Le Républicain
Conférence
© aBamako.com par AS
Conférence de presse du procureur du pôle économique et financier
Mamoudou Kassogué, nouveau procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III et procureur du pôle économique et financier de Bamako, a animé une conférence de presse le Jeudi 22 Août 2019, pour dévoiler sa stratégie de lutte contre la corruption.
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Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako, chargé du Pôle Economique et Financier de Bamako, Mamoudou Kassogue a pris part à une conférence- débat, organisée par le Réseau Media et Droit de l’Homme (RMDH), le 28 décembre 2019 à l’hôtel Radisson Blu de Bamako, dont le thème était, «Justice et Lutte contre la Corruption au Mali : Réelle volonté politique ou duperie ?». Au cours de cette conférence- débat de lancement de la Commission Bonne Gouvernance et Justice sociale du RMDH présidé par le journaliste Boukary Daou, le procureur du pôle économique et financier, Mamoudou Kassogué a levé toute équivoque, soutenant que la « lutte qui est engagée contre la corruption au Mali n’est pas une duperie, c’est une réelle volonté politique ». Car, il y a des gros poissons qui sont tombés, des moins gros qui sont tombés, d’autres continuent à tomber, d’autres encore sont dans les pipe-lines. Par rapport à l’affaire des avions cloués au sol, Mamoudou Kassogué a fait savoir que les investigations continuent toujours.




Prenant la parole, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako, chargé du Pôle Economique et Financier de Bamako, Mamoudou Kassogué a remercié le RMDH d’avoir organisé cette rencontre. Interpellé par le conférencier Me Cheick Oumar Konaré qui n’arrive pas à comprendre « l’Appel à témoin » lancé par le Procureur par rapport à l’affaire d’avion cloué au sol pendant que toutes les informations se trouvaient sur l’internet, Mamoudou Kassogué a précisé que « L’Appel à témoin » est une technique d’investigation qui est utilisé ailleurs dans le monde et qui peut être utilisé par tout le monde en vue de rassembler des éléments de preuve. « On peut l’utiliser soit à l’entame, au cours ou à la clôture d’une procédure pour recueillir des éléments ou pour conforter ce que l’on a comme élément. Le principe du contradictoire doit toujours pouvoir jouer dans la collecte de ces informations », a-t-il dit. Par rapport à l’affaire « d’avions cloué au sol », il reconnait qu’il y avait des éléments qui circulaient sur le net. « Mais nous savons qu’il y a du tout venant sur le net. Les documents qui étaient publiés on ne sait pas qui les a élaboré, qui les a publié, d’où ils viennent, dans quel dessein ils ont été distillés, Dieu seul le sait. Donc, on ne peut pas se fier à des documents récoltés dans telle condition, ça c’est un premier paramètre. Un deuxième paramètre que l’on peut prendre en compte, c’est le fait qu’en demandant des éléments de preuve à ceux-là qui peuvent être probablement poursuivis, peut être qu’on n’aurait pas les bons éléments ou on n’aurait pas tous les éléments. Donc, en lançant un appel à témoin, ceux qui viennent, sachant que des éléments peuvent provenir de partout, ils seraient tentés à ne pas cacher ce qui existe. Il se trouve que des éléments existent ailleurs très loin de chez nous à l’extérieur du pays que nous pourrions aussi avoir à travers cet Appel à témoin qui est une technique d’investigation qui ne veut pas dire qu’on est à court de moyen ou bien qu’on a un périmètre d’investigation rétréci mais c’est pour avoir suffisamment d’éléments. Je puis vous dire que cela a produit ses effets. Nous avons reçu des documents tant à l’interne qu’à l’externe. Mais les investigations continuent toujours », a expliqué le procureur du Pôle économique et financier. Il a ajouté que son service est destinataire de toutes les dénonciations. « Quand nous recevons les dénonciations, nous essayons de vérifier leur crédibilité, nous faisons une sorte d’enquête préliminaire à notre niveau, s’il y a un certain crédit que l’on peut accorder à ces dénonciations, on les envoie vers la brigade pour approfondissement. Si ce n’est pas du tout sérieux, on les garde en veilleuse jusqu’à ce que d’autres éléments viennent les conforter », a souligné Mamoudou Kassogué.

«Pas de justice sélective »

Par ailleurs, le Procureur a expliqué que la CENTIF (Cellule nationale du traitement des informations financières) est une structure qui n’est pas très connue mais qui joue un rôle essentiel dans le cadre de la lutte contre le blanchissement de capitaux et le financement du terrorisme. A ses dires, la lutte contre le blanchissement de capitaux et le financement du terrorisme au Mali n’a pas pu atteindre sa vitesse de croisière à cause de beaucoup de problèmes. A l’en croire, à cause de l’imperfection de la loi, il y a eu des non lieu. Mais selon lui, il y a eu une amélioration dans la législation. «Aujourd’hui avec le texte sur le blanchissement et celui sur l’enrichissement illicite, nous avons les chaînons qui manquaient à notre système de lutte efficace contre la corruption », a-t-il dit. Aux dires du procureur, l’observation du train de vie permet d’engager des poursuites pour enrichissement illicite. « La lutte qui est engagée contre la corruption au Mali n’est pas une duperie, c’est une réelle volonté politique. Cela est patent en ce sens qu’on ne devrait pas faire de confusion entre les obstacles légaux et les obstacles opérationnels volontairement posés pour empêcher l’action d’aboutir. On dirait qu’il y a manque de volonté lorsque les dirigeants prenaient des actions allant dans le sens d’empêcher la lutte, mettre des bâtons dans les roues des acteurs, c’est en ce moment qu’on pourrait parler de manque de volonté politique. Or aujourd’hui, dans le cadre de la lutte que nous menons, à part les obstacles structurels qui sont là, connus de tous et contre lesquels, pour le moment, on ne peut rien, parce que c’est prévu par la constitution, la loi : privilèges, immunités et autres. Là, ce sont des choses qui existent et on ne peut rien faire contre ces choses en attendant que les textes changent. Sur le plan opérationnel, il n’y a pas d’obstacles. Les hommes politiques n’interfèrent pas dans la gestion de nos dossiers », a précisé Mamoudou Kassogué. Il a fait savoir qu’il arrive à travailler sans aucune contrainte. « Quant le ministre [Ndlr : ministre de la justice Malick Coulibaly] a rencontré les différents parquetiers, il nous a clairement dit qu’il n’interférera pas dans la conduite de la poursuite pénale, sauf s’il ya des problèmes, s’il y a des abus, des violations des droits de l’Homme ; il est obligé d’intervenir pour redresser, sinon il n’interviendra jamais pour constituer une entrave. Sans démagogie, il n’y a pas d’obstacles, nous arrivons à travailler sans aucune contrainte. A notre niveau, il n’y a pas pression d’ordre politique, d’ordre social », a-t-il dit. Pour le procureur Mamoudou Kassogué, il n’y a pas de justice sélective. Au delà des obstacles légaux qui sont là, dit-il, le reste du travail se fait de façon correcte. « Il y a des gros poissons qui sont tombés, des moins gros sont tombés, d’autres continuent à tomber ou sont dans les pipe-lines. Nous sommes dans une dynamique où nous ne choisissons pas l’affaire qui doit être traitée à l’instant ‘’T’’. Tout dépend de l’évolution des enquêtes. On gère les affaires qui arrivent à maturité à l’instant où on doit agir. Chaque dossier a sa réalité. Il n’y a pas de dossier sélectif. Tout dossier qui nous sera soumis sera l’objet d’un examen ; s’il y a des charges, il y aura des poursuites. S’il n’y a rien on dira qu’il n’ya rien parce qu’il n’y a pas d’acharnement, on n’est pas dans l’acharnement. On ne cible pas que les gros poissons. Nous traitons les affaires qui sont sous la main. On travaille tous les jours, il n’y a pas de répit. Le mal est profond, la demande est forte. Nos textes doivent être revus », a dit le procureur Kassogué sans langue de bois. Selon lui, le Mali devrait aller à l’élaboration d’une politique nationale de lutte contre la corruption et à une stratégie nationale de lutte contre la corruption. «Parce qu’autant on aura besoin de recouvrer ce qui a été volé, autant on aura besoin de sanctionner pour l’exemplarité. La sanction est un acte de prévention», a fait savoir le procureur Kassogué lors de sa prise de parole à cette conférence.

Aguibou Sogodogo

Le Républicain
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