Pour beaucoup, le nord du Mali, plus précisément la région de Kidal, serait le symbole du « jeu trouble » auquel s’adonnerait la France au Mali. Les Maliens auraient toujours en travers de la gorge cette interdiction des forces françaises d’entrer à Kidal pour en reprendre le contrôle.
La suspicion vient du fait que les Maliens ne comprennent pas toujours pourquoi, à l’entrée de Kidal, les troupes françaises avaient interdit l’accès des troupes maliennes, et cela jusqu’à présent », souligne le Pr Issa N’diaye, ancien ministre de l’Éducation nationale et militant du mouvement démocratique.
« Cela est difficile pour un pays qui se dit ami du Mali d’interdire l’entrée dans une partie du territoire national malien aux troupes maliennes. Cela ne peut pas se justifier, ce qui rend la position de la France de plus en plus indéfendable, même du point de vue de certaines personnes dans l’opinion publique française », ajoute-t-il.
Aussi, au sein de l’opinion malienne, l’on est convaincu que la rébellion touarègue a fait un compromis avec l’Otan et la France en abandonnant Kadhafi en pleine crise libyenne. Le marché était que si elle quittait le sud de la Libye, la France l’aiderait au mieux dans ses revendications au Mali. Vrai ou Faux ? Au vu de certains évènements troublants, l’on est tenté de croire à la thèse du complot contre la République du Mali. Mais pas explicitement par la France.
Aussi, combattu par leurs alliés djihadistes, Serval dans son intervention pour libérer le Mali a permis la régénération du Mnla. Et certains médias français se sont investis pour séparer théoriquement ce mouvement des djihadistes. Alors que lors de l’occupation du Nord, les populations se sentaient plus en sécurité avec Aqmi et Mujao qu’avec le Mnla qui violait, pillait, volait et tuait sans état d’âme.
Autant d’actes qui ont longtemps cristallisé la colère des Maliens contre la puissance colonisatrice. Et le fossé s’élargisse, au rythme des actions de Barkhane en faveur de la Coordination des mouvements de l’Azawad, chaque fois que celle-ci est menacée. Pas aussi lointain que la semaine dernière, de violents affrontements avaient opposé les combattants du Gatia (Groupe d’auto-défense touareg Imghad et alliés) aux éléments de la CMA. La suite est connue… Le Gatia a fini par abandonner la ville de Ménaka et de Kidal. En réalité, le Gatia avait subi la pression (l’intervention ?) des forces françaises et de la Minusma. Ce n’était pas une première.
En effet, en juillet 2016, des responsables du Gatia et de la Plateforme avaient dénoncé l’ingérence française en ces termes : « les français ont sauvé leurs protégés ». C’était à la suite de violents combats à Kidal. On se souvient aussi que la plateforme avait pris la localité de Ménaka, le 27 avril 2015. Elle sera contrainte, à la faveur d’un « arrangement sécuritaire » de quitter cette localité. Il s’est avéré que la pression de la médiation visait surtout à satisfaire les désidératas de la CMA, qui avait fait de ce retrait un préalable à la signature de l’accord de paix déjà entériné le 15 mai 2015 par le gouvernement malien et ses alliés. Également, toujours sur fond de chantages et de fourberies, la CMA avait aussi réussi à retrouver ses positions à Anéfis, d’où elle avait été chassée par la Plateforme, en septembre 2015. Pour y revenir, la Cma a dû faire appel à ses soutiens occultes. Après les évènements d’Anéfis, survint ceux de Kidal. Là également, les casques bleus de la Minusma ont unilatéralement établi (18 août 2015) une zone de sécurité autour de la ville de Kidal, afin d’empêcher le Gatia d’entrer dans la ville de Kidal. En réalité, le jeu était orchestré par la France qui fait tout pour maintenir Kidal sous le contrôle des rebelles de la CMA. Conséquence : l’autorité de l’État n’a pas été retrouvée (à Kidal) et ne peut pas l’être, puisque la France l’interdit. Au-delà, la question majeure qui se pose aujourd’hui est : que font les militaires français déployés au nord du Mali?