Renforcer la légitimité contestée des militaires français déployés au Sahel par une déclaration commune des chefs d’État des pays du G5 Sahel et mobiliser les alliés européens inquiets de voir la France critiquée pour une opération «Tacouba» en préparation, telle était la substance de la réunion d’hier à Pau qui a répondu aux attentes de Paris, en tout cas, pour ce qui est de la ‘’relégitimation’’ de la présence française dans le Sahel.
Selon des sources françaises, outre nos chefs d’État, le Sommet a accueilli, lundi soir, le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres ; le Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki ; et le Président du Conseil européen, Charles Michel.
Un programme millimétré
Plusieurs activités marqueront ce sommet, très mal perçu dans de nombreux milieux africains, le programme réglé comme du papier à musique. Selon LEXPRESS.fr, le Président devait se rendre d’abord sur la base du 5e régiment d’hélicoptères de combat de Pau, dont étaient originaires sept des 13 soldats français tués en opérations au Mali en décembre. Avec ses homologues africains, il devait déposer une gerbe de fleurs en leur mémoire.
Quant au sommet proprement dit, il a été émaillé d’un huis clos exclusif entre le Président Emmanuel Macron et les chefs d’État du G5 Sahel.
Au pas de charge, les participants se sont retrouvés pour un dîner de travail au Parlement de Navarre avec les autres responsables internationaux. C’était la rencontre élargie à l’Organisation des Nations Unies, à l’Union européenne, à l’Union africaine et à l’Organisation internationale de la francophonie entre autres.
La pression politico-militaire
Selon notre source, en lançant cette invitation, perçue comme une «convocation» par certains présidents sahéliens, Emmanuel Macron avait averti qu’il mettrait toutes les options sur la table, y compris celle d’un retrait ou d’une décrue de Barkhane. D’autres sources rapportent que Paris menace de retirer ses troupes sous 6 mois, si d’aventure les chefs d’État de nos pays ne montraient pas patte blanche. Concrètement, selon LEXPRESS.fr, ‘’ce lundi, Paris veut avant tout obtenir une déclaration commune des cinq pays qui soulignera que la France agit à la demande de ses dirigeants, afin de «relégitimiser» sa présence, explique la présidence. «Il faut tout d’abord obtenir des responsables politiques une position nette sur ce qu’ils souhaitent ou pas», a tranché la ministre des Armées Florence Parly samedi’’.
Même si certains chefs d’État, dont le nôtre, qui qualifiait dans son adresse à la Nation, à l’occasion des vœux de Nouvel An, de « décisive » la rencontre de Pau, car elle « permettra de mettre sur la table toutes les questions, tous les griefs, toutes les solutions », la réalité du terrain ne pouvait que leur imposer de demander la poursuite du partenariat avec la France dans la lutte contre les jihadistes.
La session de rattrapage
L’on apprend qu’outre le volet politique, le sommet de Pau a également planché sur une révision de la stratégie militaire contre les djihadistes. L’Opération Takuba, réunissant des forces spéciales d’une dizaine de pays européens que la France est en train de mettre sur pied sera une des pièces maîtresses de la nouvelle stratégie. Le hic est que plusieurs pays européens favorables à la lutte contre les jihadistes sont méfiants au regard de la volée de bois vert qu’encaisse la France en raison d’opinions africaines.
Il faut dire que la déclaration commune de ‘’relégitimation’’ de la présence française dans le Sahel est un solide argument pouvant rallier à la cause de l’Opération ‘’Takuba’’ les indécis des pays européens. C’est qu’on appelle une session de rattrapage, d’autant plus que l’appel de Paris n’a pas trouvé grâce auprès de l’OTAN réunie en Angleterre, en décembre dernier. C’est d’ailleurs dans la foulée de ce sommet que chefs d’État ont été abruptement ‘’convoqués’’ à Pau.